Comment savoir si on est atteint ou non du syndrome de l’anti-américanisme primaire et obsessionnel ? Au fait qu’on se sente répugné(e) ou admiratif par cet « Unthinkable », traduit niaisement en français par un autre titre anglais « No Limit ». La traduction est doublement fausse car elle ne traduit pas le vrai sujet du film, porté par le titre anglais : l’inconcevable, ce qui fait honte au public américain et ce dont il ne songeait pas que son armée ou ses services secrets pouvaient faire : torturer pour qu’il survive. Tel est le dilemme que nous dépeint crûment mais adroitement Gregor Jordan, qui n’hésite jamais, comme dans "Limitless", à choquer les bien-pensants. Les personnages évoluant autour des tortionnaires symbolisent toute société démocratique, a fortiori, la société américaine, qui se trouve coincée entre, d’un côté, sa croyance sincère en des valeurs humaines et de transparence, et d’un autre, le droit de ses citoyens de se voir protéger contre des personnes fanatisées, animé d'un aveuglement sacrificiel, et fermées à toutes idées de débat démocratique, et surtout décidées à tuer massivement, même leurs propres semblables. Car, ceux qui braient au scandale à propos de ce film, oublient que le terrorisme islamiste a, jusqu’à présent, surtout tué des musulmans. Et pour rafraîchir la mémoire hémiplégique de ces anti-américains primates, plus que primaires, il est nécessaire de rappeler que ce nombre de musulmans victimes d’attentats suit une courbe exponentielle depuis la prise d’otages en 1979, perpétrée au milieu de millions de fidèles par un certain Juhaiman Al Utaibi, dans le lieu sacré qu’est la Mecque. Est-il nécessaire de leur rappeler que les gouvernements des pays à majorités musulmanes où prolifèrent ces attentats ultra sanglants, prennent moins de pincettes que les politiciens et militaires US du film, avec la morale et la bonne conscience de leur population, lorsqu’il s’agit d’extorquer des renseignements susceptibles d’épargner de centaines, voire des milliers de vies humaines? Le problème avec ceux qui voient en « Unspeakable » une daube ou un scandale, est qu’ils se sont laissé influencer par l’ignorance et la bêtise d’une vision que reflète le titre français du film. No limit sous entend que pour extorquer des informations, se protéger, ou assouvir ses intérêts, l’Amérique se complaît dans une cruauté sans limite, à l’image de ce bourreau magnifiquement incarné par Samuel Jackson. Sauf que cette lecture simpliste, faite par beaucoup en France, occulte un point essentiel du film : c’est justement cette limite-là que les partisans de la bonne conscience n’ont pas osé franchir qui rend possible l'ultime catastrophe initiée par les terroristes.