4sur5 Largement moins populaire que les Halloween et Vendredi 13, Black Christmas est tenu pour le premier slasher officieux. Il utilise avant eux la révolutionnaire ''caméra subjective'', permettant à l'auditoire d'évoluer dans l'univers du film depuis l'oeil de l'assassin. Pourtant, ce film canadien ne répond pas tout à fait aux clichés qu'imposera sa descendance, en particulier parce que, quoique très cruelles, les morts sont peu nombreuses (et non accompagnées d'artifices sonores), mais aussi parce que le film n'est pas si méthodique ou didactique, encore moins cartésien (il cherche le sens, pas le rationnel pur – aussi personne ne peut penser à inspecter la maison lors d'une disparition, ce n'est pas un problème, l'enjeu et la cohérence du récit ne sont pas là). Il prend son temps, sème le doute (jusqu'à la fin, terriblement tendue, au moins pour le spectateur) et insinue une langueur qui fera défaut dans le genre, ou bien sera confondu avec la propension à scruter chaque détail insignifiant concernant la progression du bourreau ou des victimes (c'est le cas des épouvantables Vendredi 13). Si Black Christmas semble épargné de toutes les graisses attribuées au slasher contemporain (alors même qu'il en est précurseur), c'est parce qu'il est, comme Bloody Bird (italien et autrement plus dionysiaque), loti entre deux univers.
Le contexte (tueur sadique s'en prenant exclusivement à des femmes, qui plus est dans un lieu confiné) évoque le giallo [dont les codes ont été initiés et sublimés par Mario Bava puis Argento] et Black Christmas pourrait d'ailleurs être considéré comme le pendant américain de ce genre italien. Moins gore et violent, le film n'en demeure pas moins radical par ses choix esthétiques, son climat anxiogène, ses plans serrés et sa mise en scène relativement baroque. En outre, le mode opératoire des crimes est similaire, l'acte comme l'objet de la prise de vue (fixation sur les mains du tueur, à l'occasion son visage dans l'ombre).
L'intrigue se déroule quasi exclusivement à l'intérieur d'une sororité ou moralité et rigueur sont bannies. Ces filles boivent, baisent éventuellement, profitent de la vie, avortent parfois ; certaines sont effrontées et irresponsables et leur ''mère-supérieure'' est une alcoolique totalement débonnaire et insouciante. L'assassin est comme le bras droit des valeurs morales ; on nous laisse croire que cette absence d'éthique est le déclencheur de ses méfaits. Ce tueur pervers et désaxé ressemble peu à ses successeur Jason et Michael Myers. Alors que ceux-ci sont invincibles et mutiques, lui est déséquilibré, émotionnel, expressif, et inquiète d'abord par ses effusions délirantes et ses menaces obscènes
Pas totalement oublié, le film a eu le droit à son remake lors de la vague des 2000's (en 2006), lequel a reçu un très mauvais accueil, mauvais au point de ne pas trouver de distributeur en France.