La France du Septième art perd l'un de ses plus grands noms. Maurice Pialat, le réalisateur de Sous le soleil de Satan et de Van Gogh, s'est éteint dans la nuit du 10 janvier à l'âge de 77 ans, à son domicile parisien.
Ecorché vif
Cinéaste rare (seulement dix films à son actif), adulé par nombre de ses pairs et réputé pour son côté écorché vif et pessimiste, Maurice Pialat n'aura jamais véritablement été en accord avec le système, mettant souvent en exergue une personnalité incomprise et mal aimée. Après une formation de peintre et la réalisation, dans les années soixante, de plusieurs courts métrages, il signe en 1970 son premier long métrage, L'Enfance nue, sur les enfants abandonnés.
En 1972, Maurice Pialat réalise un grand succès public, Nous ne vieillirons pas ensemble, porté par le couple Jean Yanne / Marlène Jobert. Il enchaîne ensuite avec La Gueule ouverte (sur le fléau du cancer), Passe ton bac d'abord et Loulou, avec Gérard Depardieu et Isabelle Huppert. La réalisation d'A nos amours en 1983 marque un tournant dans sa carrière, dont les oeuvres deviennent de plus en plus intenses et exigeantes tout en adoptant un ton proche de l'autobiographie. A nos amours lui rapporte le César du Meilleur film en même temps qu'il révèle Sandrine Bonnaire au grand public.
Palme d'or en 1987
Son style, reflet même du personnage, s'impose par sa force, son aspect brut et sans concessions et devient l'archétype même d'un cinéma naturaliste, à la recherche de l'authenticité la plus pure. Après avoir signé Police, il réalise en 1987 Sous le soleil de Satan, adaptation du roman de Georges Bernanos qui remporte la Palme d'or au Festival de Cannes en 1987 (d'un jury présidé par Yves Montand), provoquant un véritable scandale lors de la remise des prix. Devant les sifflets, le poing dressé, il lance alors un célèbre "Si vous ne m'aimez pas, je peux vous dire que je ne vous aime pas non plus", parfait écho des rapports complexes qu'il entretient avec le métier depuis ses débuts.
En 1991, Pialat rend hommage à sa passion de la peinture en mettant en scène Van Gogh avec Jacques Dutronc dans le rôle-titre, qui remporte pour l'occasion le César du Meilleur acteur en 1991. Quatre ans plus tard, il signe son dernier long métrage, Le Garçu, dans lequel il dirige à nouveau Gérard Depardieu, l'un de ses plus fidèles comédiens.
Vives réactions
Maurice Pialat, cinéaste anti-conformiste, intense et chargé de contradictions, véhiculait une certaine légende de par son caractère unique (ses tournages étaient réputés orageux) et était considéré par certains de ses pairs comme l'un des plus grands cinéastes français. Sa disparition n'a pas manqué de provoquer de vives réactions. Jacques Chirac saluait ainsi l'"oeuvre puissante, exigeante et singulière" du réalisateur, "explorateur des ombres et des lumières de l'âme humaine". Pour Isabelle Huppert, son héroïne dans Loulou, il était "un pessimiste, un insoumis. Il a su quoi faire de son désespoir : des films. Il ne transformait pas le réel, il ne le sublimait pas : il le disait".
Clément Cuyer