Iconoclaste et autodidacte de génie, Yves Robert nous a quittés ce 10 mai au matin, à l'âge de 81 ans. Il avait su redonner de l'éclat à la comédie française populaire. Une carrière pleine de succès, une vie riche de rencontres et d'amitiés...
Né à Saumur en 1920, Yves Robert monte à Paris alors qu'il n'a pas encore vingt ans. Débrouillard, il multiplie les emplois les plus divers (typographe, terrassier, cycliste...). Il débute sa carrière artistique dans les cafés-théâtres. Remarqué pour ses qualités de mime et d'imitateur, Yves Robert ne tarde pas à se faire un nom, adaptant Boris Vian, Robert Desnos et Jacques Prévert pour la scène. Il monte avec un égal bonheur les pièces de Marcel Aymé, Jean Anouilh, Jean Cocteau, Marcel Achard et Françoise Sagan.
Sa première apparition au cinéma remonte à 1948. René Lucot lui donne un rôle dans Les Dieux du dimanche. Après quelques films assez mineurs Marcel Carné l'engage pour Juliette ou la Clé des songes (1950). Il enchaîne ensuite quelques belles réussites, dont Les Grandes Manoeuvres (René Clair, 1955) et La Jument verte (Claude Autant-Lara, 1959).
Ni vu ni connu
Mais Yves Robert ne se contente pas de jouer la comédie, et devient rapidement metteur en scène. Après un court métrage, Les bonnes manières (1951), il réalise Les Hommes ne pensent qu'à ça (1954), mais c'est Ni vu ni connu (1958) qui l'impose comme un metteur en scène à part entière. Adaptée d'une nouvelle d'Alphonse Allais, cette comédie reste un bijou de loufoquerie. Yves Robert sait marier la littérature et le cinéma. Il ne s'en prive pas. Louis Pergaud (La Guerre des boutons, Prix Jean Vigo 1961) et Marcel Pagnol (La Gloire de mon père et Le Château de ma mère en 1990) lui fourniront ainsi des matériaux de choix...
Dabadie et le grand blond
Mais ses succès les plus marquants, il les devra à son association avec Jean-Loup Dabadie. Ensemble, Robert à la caméra et Dabadie au scénario, ils produiront quelques unes des meilleures comédies françaises, parmi lesquelles on retiendra surtout Un éléphant, ça trompe énormément (1976) et sa suite Nous irons tous au paradis (1977). Captant l'ère du temps de la France pompidolienne, ces deux films sont autant de sommets de la comédie à la française des années soixante-dix.
Quelques années passeront avant que le duo ne se reforme pour donner Le Bal des casse-pieds en 1992.
Une autre collaboration marqua la carrière d'Yves Robert, celle qui l'unit le temps de trois films (et énormes succès) à Pierre Richard, Le Grand Blond avec une chaussure noire (1972), Le Retour du grand blond (1974) et Le Jumeau (1984).
Yves Robert l'acteur
Si le réalisateur se consacre exclusivement au rire, l'acteur Yves Robert joue d'une palette plus étendue, qui va de la comédie - Signé Arsène Lupin (Yves Robert, 1959) , Le Voyou (Claude Lelouch, 1970), L' Aventure c'est l'aventure (id., 1972), La Crise (Coline Serreau, 1992) - au drame - Section spéciale (Costa-Gavras, 1975), Le Juge et l'Assassin (Bertrand Tavernier, id.) ou Disparus (Gilles Bourdos, 1998), son dernier film.
Un mauvais fils
Mais, c'est face à Patrick Dewaere dans Un mauvais fils (Claude Sautet, 1980) qu'il impressionne le plus. Par sa retenue et son authenticité, Yves Robert démontre d'exceptionnelles qualités d'acteur que des années passées au service de la comédie avait un peu fait oublier. Trois ans plus tard, il retrouvera Sautet pour Garçon !.
Portant sur le monde un regard amusé et bienveillant, Yves Robert, débonnaire et affable, à l'image de son héros Alexandre le Bienheureux (1967), entre aujourd'hui au Panthéon des cinéastes français. L'ironie de la chose doit faire sourire cet esprit anarchiste amusé et irrévérencieux.
Vincent Garnier et Aurélia Arcusi