Passant habilement de la comédie loufoque aux films horrifiques, révolutionnant le film d'arts martiaux, faisant de Jet Li une nouvelle icône, donnant une nouvelle dimension aux polars urbains, permettant à John Woo de "faire ses premières armes", Tsui Hark est certainement l'un des derniers maestros du cinéma hong-kongais. De passage à Paris, le cinéaste culte nous a accordé une interview, et revient pour AlloCiné sur son dernier film, Time & Tide, sa méthode de travail, sa philosophie et ses futurs projets.
Pourquoi ce retour avec une histoire réaliste ?
Tsui Hark : Il n'y a pas de raison particulière. Après avoir traité un certain style pendant longtemps, j'ai voulu m'essayer à autre chose. C'est comme la vie. Pendant un certain temps, vous essayez de faire quelque chose d'une certaine façon et après, vous passez à autre chose. C'est toujours ainsi pour les cinéastes. Quand on travaille, on pense toujours au contraire. Autrement dit, quand on filme une comédie, on pense à un drame. Et quand on tourne un drame, on pense à une comédie. On tourne un film d'action et, à ce moment-là, un film dramatique nous vient à l'esprit. Je pense que pratiquement tout réalisateur finit par penser ainsi continuellement. Et, à mon avis, je suis comme ça.
J'ai tourné de nombreux films de sabre, avec les costumes et qui se déroulent à l'époque des samouraïs. J'ai fini par me dire que je devrais peut-être essayer un nouveau genre, essayer de faire quelque chose autre que ce que l'on voit tout le temps. Je veux faire un film sans action, je veux faire une comédie sans action, je veux tourner un film avec des personnages intrigants, mais sans action. Cela me paraît tout à fait normal. Avec Time & Tide, c'est la même chose. J'ai eu envie de le faire pendant que j'étais sur un autre projet. Ce dernier m'a fourni l'inspiration nécessaire pour essayer un genre différent pour mon prochain film. Time & Tide est le fruit de mon expérience à Hollywood et de mes films de sabre.
Les objectifs de "Time & Tide"
Premièrement, je voulais créer une histoire dans laquelle les personnages ne doivent pas trop se limiter à leur milieu. À deux reprises, je fais allusion au commencement du monde : au départ, il n'y avait rien. Puis, on se demande pourquoi quelqu'un a pris la peine de créer la lumière, l'eau,... le monde, puisqu'il a voulu y ajouter des êtres humains. Car dès que les hommes font leur apparition sur terre, il y a des problèmes. Ensuite, on se demande comment gérer ces problèmes. Peut-être en revenant au tout début de l'existence du monde. Peut-être en recommençant à zéro pour créer un monde meilleur. Chacun d'entre nous a accumulé tant de choses tout au long de son histoire : relations, famille, carrière, société, politique... Au bout d'un moment, tout devient très compliqué. Si nous regardons la vie d'une façon simple, comme au commencement, peut-être aurons-nous plus d'espoir et d'avenir. Selon moi, c'est comme ça que ça devrait être.
Humour et violence
L'humour nous permet de souligner l'absurdité de l'humanité, dans cette soi-disant société. Sans humour, nous finissons par ne plus savoir pourquoi nous avons besoin de divertissement. Le divertissement provient d'un besoin d'humour, une attitude que nous adoptons inconsciemment pour contempler la vie. C'est pourquoi, je pense qu'il est important qu'il y ait à la fois de l'humour et de la violence. Cette dernière, à mon avis, ne fait que refléter notre perception du monde environnant. Ce n'est pas un simple effet de style. Certains effets de style peuvent être tellement farfelus qu'ils en deviennent extrêmes et, par conséquent, il n'y a plus de limites ! Tandis que si ça sert de critique au système, alors nous avons là une vraie déclaration.
Le processus de réalisation
Écrire une histoire, c'est comme sortir avec une fille. Réaliser un film, c'est comme faire l'amour avec une fille. Et voir le produit fini, c'est comme avoir un bébé. Vous comprenez ? Vous ne savez pas si un moment est mieux qu'un autre. C'est une sorte de processus.
Je pense que chaque étape, que ce soit la préparation, la production, le scénario, la post-production ou la sortie du film, possède des joies et des inquiétudes qui lui sont propres. Vous vous faites constamment du souci... C'est pourquoi, je trouve que c'est très semblable à l'amour. Quand vous êtes amoureux, vous êtes aveugle. La plupart du temps quand vous réalisez un film, au départ vous vous battez contre vous-même jusqu'au moment où vous finissez par le faire. Il ne faut pas être trop raisonnable. En étant trop raisonnable, vous vous écartez de l'instinct primitif qu'est la créativité. En étant trop sobre, trop raisonnable... vous finissez par vous poser trop de questions. La meilleure chose à faire est de ne pas y répondre et de chercher à assouvir à tout prix ce besoin de réaliser un film : il vous le faut et c'est pour cela que vous le faites !
Les projets
Le projet de Sword Master reprend en février 2000. Tetsujin et Astro Boy sont deux projets que je voudrais réaliser, mais, pour l'instant, ils sont en suspens. Mais, actuellement, je ne pense pas à ça. Ce sont des rêves que j'aimerais amener à la réalité... En ce moment, je suis en train d'écrire une comédie sur les femmes, comme je vais en écrire une sur les hommes. La première s'intitulera Women are rascals et la deuxième, sur les hommes, Men are monsters.
Propos traduits par Camille Joubert – Sujet vidéo de Jean-Frédéric Chaleyat
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