Allociné : Comment avez-vous réagi en apprenant l'arrêt de Plus belle la vie après 18 ans ?
Pierre Martot : Quand nous avons appris officiellement la nouvelle, nous étions tous ensemble, avec les équipes techniques et le personnel administratif. Pour être honnête, je m'y attendais, mais je suis tout de même un peu tombé des nues.
Le fait que ça devienne officiel devant tous ces gens, ça m'a un peu sidéré. Ce qui est particulier à Plus belle la vie, c’est l’entente entre les acteurs, les techniciens et l’équipe administrative. Voir tous ces gens, qui étaient là en silence en train d’écouter quelqu’un qui leur annonçait qu’ils allaient perdre leur travail, ça m’a beaucoup touché.
Quel regard portez-vous sur l'évolution de Léo au fil de la série ?
J'ai adoré jouer ce personnage. Depuis le début j’ai aimé ce personnage de flic accusé à tort du meurtre de sa femme et ancien alcoolique. C’était un personnage crédible. Être accusé à tort d’un meurtre, ça peut arriver. Les anciens alcooliques, ça existe aussi. Je trouvais donc ce personnage très intéressant à jouer.
Il a ensuite eu son amitié avec Roland, et il a trouvé une compagne. Peu à peu, le personnage a gagné en structure. Léo avait une obsession qui était celle du travail. Je m’étais raconté que c’était quelqu’un au caractère addictif : il est passé de l’addiction à l’alcool à l’addiction à son travail. Au début de Plus belle la vie, il était seul, puis il s’est mis en couple.
A partir du moment où Léo a rejoint le commissariat, il y a eu un changement de perspective sur le personnage. Nous étions moins dans la psychologie de Léo. Ensuite, je suis parti de la série pendant 4 ans parce que j’ai un de mes enfants qui a eu un accident très grave et j’ai eu besoin de me retirer et de prendre mes distances avec Plus belle la vie qui est très envahissant. Il y a quelque chose de très artificiel dans le monde de la télévision, et, vu ce que j’étais en train de vivre dans ma vie privée, je n’en étais plus capable.
Pendant mon absence, le personnage de Léo avait été en grande partie remplacé par Patrick. Ma présence devenait donc plus accessoire, ce qui est normal. J’étais le personnage principal du commissariat et il était nécessaire qu’on me remplace. A partir de ce moment-là, mon personnage est devenu moins passionnant.
Quand il est devenu patron du Mistral, et qu’il a racheté des parts du bar, j’ai trouvé ça intéressant. Mon personnage a beaucoup perdu en consistance et je l’ai vraiment regretté. J’avais été honoré de prendre la suite de Michel Cordes, qui prenait ses distances avec la série. C’était un honneur de récupérer sa place car, pour moi, c’était lui l’entité du feuilleton.
Mais finalement, il y a eu des changements et ma co-gérance du bar du Mistral n’a pas été traitée, ce qui m’a amené à accepter des engagements ailleurs, ce que j'avais toujours refusé jusque-là. J’étais donc moins disponible, et le personnage de Léo s’est dilué de plus en plus.
Il y a cependant une chose que je voulais préciser, c'est que, quand j'ai raconté cette histoire dans Society, j'ai pu lire partout que j'étais en colère. Je ne suis pas du tout en colère, j'ai été triste mais j'ai rebondi en faisant ma carrière d'acteur ailleurs.
L’arche des Evadés a commencé il y a quelques semaines maintenant. Dans cette intrigue, Léo va revenir vers le côté policier. Est-ce que vous êtes content de cette évolution pour la fin de la série ?
Oui, beaucoup. Ça permet de redonner de la densité à mon personnage. Une densité qu'il avait totalement perdue. Après avoir chassé des mafieux et des criminels, il s’est retrouvé à éplucher des légumes dans la cuisine du Mistral sous les ordres d'une adolescente. C’est complètement improbable dans le parcours de Léo. Donc oui je suis très heureux puis en plus je retrouve Valérie Baurens, qui est une actrice avec qui j'aime beaucoup jouer.
Qu'est-ce que vous pouvez nous dire justement sur ces retrouvailles avec Agathe ? Comment Léo va-t-il réagir en découvrant qu'elle est redevenue une prostituée ?
Dans Plus belle la vie, Agathe, c'est la femme de sa vie. Elle fait partie de l'histoire du personnage, et elle a permis à Léo de s'installer sur la durée. Il est donc très touché. En plus, elle est accusée de meurtre alors qu'elle était en état de légitime défense au moment des faits. Il va être très déstabilisé et il va avoir envie de l'aider. Et à un moment, il va devoir choisir entre elle et Claire. Il va faire face à ce dilemme.
Est-ce qu'on peut espérer une fin heureuse pour Léo ?
Les scénaristes ont travaillé pour que les gens quittent les personnages de Plus belle la vie heureux. Donc oui Léo a une fin encourageante.
Pourrait-il retourner dans la police de manière permanente ?
On ne peut pas vraiment dire que Léo va retourner dans la police, mais, en tout cas, la porte n’est pas fermée. Personnellement j’aurais bien aimé que ça se finisse comme ça. Quand Léo a repris le Mistral, je m’étais renseigné.
J’ai découvert qu'il y a beaucoup de flics qui travaillent jusqu'à 67 ans et demi et qui, après avoir quitté leur métier, continuent en tant que détective. Le personnage de Léo a une soixantaine d'années. J’aurais adoré avoir une histoire sur ça.
Est-ce qu'il y aura des scènes entre Léo et Barbara d'ici la fin de Plus belle la vie ?
Oui, on va les revoir ensemble. Nous avons joué nos adieux mi-septembre. Léa François est enceinte et devait prendre son congé maternité. Nos au-revoirs se sont donc fait un peu plus tôt.
Roland va mourir avant la fin de la série. Comment Léo va-t-il réagir en apprenant la nouvelle ?
Roland, c'est le personnage pilier du quartier. Il est un peu comme une figure paternelle pour tout le monde. Il va être anéanti. Il va avoir beaucoup de tendresse pour Thomas. Et au moment de l'héritage, Léo a des informations qu'il va transmettre aux fils de Roland.
Quand vous avez appris que les auteurs avaient décidé de tuer Roland, comment avez-vous réagi ?
Je trouve qu’il y a une certaine logique dans le fait de terminer la série sur la mort d’un personnage aussi emblématique. Je trouve ça même assez beau parce que, comme la série va se terminer sur le bonheur, c'est bien aussi qu'il y ait des émotions. P
lus belle la vie est une série qui, à l'origine, portait sur la recherche de sincérité et de vérité par rapport à la vie. Cela aurait donc été dommage de ne finir que sur de la joie. Je trouve que c'est important symboliquement.
Je pense que les gens vont être très touchés par la mort de Roland. Nous l’avons tous été. Je me souviens encore du matin où je suis arrivé sur le plateau et où j’ai découvert les fils de Roland, assis sur une banquette, qui attendaient leur tour pour tourner. Quand j'ai vu la tête qu'ils avaient et comment ils étaient tous habillés, j’avais l’impression d’être à un vrai enterrement. C’était très émouvant.
Est-ce que sur les 18 ans de Plus belle la vie, il y a une intrigue qui vous a particulièrement marquée ?
J’ai beaucoup aimé le premier meurtre, évidemment, puisque c'était la première fois que Léo allait mener une enquête. Mais je dirais que la chose qui m'a le plus touchée dans Plus belle la vie, c'est ma rencontre avec Théo Bertrand.
C'est Léo qui a formé le personnage de Kevin à son arrivée dans le commissariat. Je sais que ça a été important pour Théo de travailler avec moi et je suis très sensible à la transmission. Je suis encore très ému d'en parler. Je dirais que c'est ça qui m'a le plus touchée.
De voir ce personnage qui était le rigolo de service, prendre en épaisseur, ça m'a vraiment beaucoup plu. C'est marrant parce que ce n'est pas une intrigue qui me concerne moi, mais je trouvais que c'était une idée magnifique. C'est une des choses que j'ai regrettées en quittant le commissariat : ne plus travailler avec lui. J'ai adoré jouer avec ce garçon.