Lundi, France 2 a diffusé le documentaire Belmondo l'incorrigible de François Lévy-Kuentz, consacré au célèbre acteur français spécialisé dans les cascades dangereuses et les films policiers populaires. S'il fallait vous convaincre de rattraper ce docu passionnant en replay, il regorge d'anecdotes passionnantes, comme en témoigne ce récit sur le tournage de L'Aîné des Ferchaux de Jean-Pierre Melville, réalisé en 1963.
Sur le plateau, le torchon brûle entre l'acteur principal et le réalisateur. Les retards s'accumulent, et Melville s'en prend régulièrement à Charles Vanel, l'autre acteur principal du film, que le réalisateur a choisi par dépit après plusieurs refus d'autres acteurs. Globalement, Melville considère Vanel comme un acteur du passé qui n'a plus rien à montrer et le fait régulièrement savoir devant l'équipe.
Dans ce climat tendu, un ultime retard de Melville fait entrer Belmondo dans une colère qu'un ingénieur du son a enregistrée et que vous pouvez partiellement écouter ci-dessous.
En voici la retranscription complète, en commençant par Belmondo :
- On n'est pas des guignols ! Moi aussi, j'en ai marre, Monsieur Melville ! Marre et jusque-là ! J'en ai ras le bol ! Parce que moi, je ne suis pas un guignol. Hier, j'ai déjà attendu de 8 heures jusqu'à 11 heures.
"- Et moi, ça m'amuse ?", riposte Melville.
- C'est pas vrai, t'étais dans ta baignoire ! J'suis pas un couillon, moi !
- Quand ?
- Hier ! J'attends en bas, et on me dit 'M. Melville cherche ses boutons de manchette'. Eh ben ça, j'en ai marre ! Parce que moi j'gueule jamais, mais quand je gueule, j'en ai marre ! C'est ta faute si on tourne pas.
- À quoi ça rime, ce que tu fais là ?
- À te dire que tu m'emmerdes. Je m'en vais.
- Alors, ce film ne sera jamais terminé.
- J'en ai rien à foutre."
Finalement, les esprits s'apaisent et le tournage reprend, mais Melville ne laisse pas Vanel tranquille. C'en est trop pour Bébel, qui s'en prend physiquement au cinéaste, comme s'en rappelle Yves Boisset (cité dans l'ouvrage Belmondo l'incorrigible de Bertrand Tessier et assistant réalisateur sur le film) :
"Jean-Paul s'est alors approché de Melville. Il lui a retiré son Stetson et ses Ray-Ban, les a jetés à terre, puis les a piétinés avant d'envoyer valdinguer Melville, qui s'est retrouvé les quatre fers en l'air [en disant] : 'Sans tes lunettes et ton sombrero, tu as l'air de quoi, maintenant ? D'un gros crapaud'."
Et Vanel et lui ont quitté le plateau. Le tournage devait se terminer quelques jours plus tard et les scènes qu'ils n'ont pas tournées ont été dotées d'une voix off pour combler.
Après ce tournage difficile, Belmondo ne tournera plus jamais avec Melville et part filmer avec Philippe de Broca, qu'il retrouve avec Cartouche, un film au rythme effréné et sans temps mort : L'Homme de Rio (1964). En 2001, l'acteur tournera une nouvelle version de L'Aîné des Ferchaux. Comme pour avoir le dernier mot !
Plus d'informations sur "Bébel" sont à retrouver dans le documentaire Belmondo l'incorrigible est à retrouver gratuitement en replay sur le site de France Télévisions.