Pas facile d'imprimer sa marque lorsque l'on tente de marcher dans un sillon déjà largement creusé et labouré depuis des années par nombre d'Interactive dramas, avec plus ou moins de bonheur. C'est pourtant le pari fait par Interior / Night, un jeune studio londonien fondé en 2017 par Caroline Marchal, ancienne Lead Designer au sein du studio Quantic Dream, à l'œuvre sur les jeux Heavy Rain et Beyond - Two Souls. Un studio spécialisé justement dans les thrillers interactifs où la notion de choix et conséquences est censée être au cœur de l'expérience vidéoludique.
Présenté pour la première fois au X Box Showcase de juillet 2020, As Dusk Falls calque sa structure narrative sur celle d'une série TV; en l'occurrence six épisodes d'à peu près une heure chacun.
En voici la bande-annonce...
L'histoire débute en 1998, en Arizona, et se déroule sur une quinzaine d'années. La famille Walker fait route vers Saint Louis, bien décidée à changer de vie et remettre les compteurs à zéro. Il y a Vincent, le père de famille et quasi pendant vidéoludique de Zach Galifianakis; Michelle, son épouse; leur fille Zoé et le grand-père Jim, qui s'est greffé au voyage, accompagné de son petit chien.
Suite à un accident, la famille est contrainte de rester dans un motel de bord de route. Peu de temps après leur arrivée, les frères Holt, une famille bien connue des services de police locale, trouvent eux aussi refuge au motel, alors qu'ils sont pris en chasse par les Autorités depuis un vol plus ou moins raté dans la maison même du shérif local... Ce qu'il advient par la suite est désormais entre vos mains.
Ou, même, entre les mains de plusieurs joueurs / joueuses en fait, à la manière par exemple de ce qu'a expérimenté le studio Supermassives Games pour ses jeux narratifs horrifiques. Car il est possible de jouer à As Dusk Falls jusqu'à huit, en utilisant la manette de la console X Box, clavier ou souris, ainsi qu'une application téléchargeable gratuitement, afin de transformer votre smartphone en écran de contrôle interactif. L'idée étant de rendre le jeu le plus accessible possible. En multijoueurs, les interactions se font alors par votes.
Eloge du Less is more
Un genre encombré disions-nous plus haut. La seule manière de tirer son épingle du jeu avec ce type de production, doit venir à la fois d'une identité visuelle forte et accrocheuse, doublée d'un scénario suffisamment bien ficelé.
L'approche artistique de As Dusk Falls est pour le coup originale; en tout cas séduisante. Conçu comme un Graphic Novel, le jeu déroule son fil conducteur au gré de vignettes se succédant les unes aux autres, comme une sorte de flip book. Les animations y sont aussi très minimalistes. Dites-vous qu'au mieux, ca sera une voiture démarrant et s'éloignant, un effet de vent dans les cheveux, des effets de flamme aussi, pour vous situer la chose.
Les interactions sont, elles aussi, souvent réduites au minimum. Au-delà de quelques QTE (que l'on peut moduler dans les options d'ailleurs), on se contente parfois de balayer une vignette en cherchant un objet ou un indice; mais pas question de tout passer au peigne fin comme un point'n click bien retors.
Il se dégage pourtant de cette approche épurée une énergie vraiment étonnante, comme une véritable apologie finalement du Less is more. Grâce aux acteurs live qui sont retravaillés à la palette graphique, déjà, donnant un aspect "réaliste" à cette fiction interactive. Le choix des cadrages des vignettes aussi, sur lesquelles se juxtaposent des dialogues abondants, créant une vraie dynamique dans un récit qui ne s'arrête jamais.
Le second ressort, non des moindres d'ailleurs, est le scénario. Buvant aux sources de séries comme Justified ou même Fargo, multipliant les flashbacks et flash forwards, jouant sur plusieurs temporalités, As Dusk Falls s'en sort avec les honneurs, et met en scène des personnages parfois attachants, détestables ou pathétiques, mais tous profondément humains, emballés par une tension dramatique peu prise en défaut.
Si, comme souvent d'ailleurs dans ce type de jeu, vous aurez parfois une illusion de choix, ou, pour être plus précis, la sensation qu'à certains moments le choix que vous ferez ne sera finalement pas si impactant que cela, As Dusk Falls possède toutefois de nombreux embranchements narratifs, qui vous seront révélés à chaque fin de chapitre.
Il vous sera d'ailleurs possible, si vous le souhaitez, d'explorer d'autres embranchements à partir de certains points donnés. Utile; notamment si un personnage meurt en raison d'un choix malheureux de votre part... Quoi qu'il en soit, c'est aussi la garantie d'une replay value bienvenue, qui vous sera de toute façon indispensable pour avoir une vue d'ensemble de toutes les pièces du puzzle de l'intrigue. Très recommandé.