Si Clint Eastwood avait déjà vu sa carrière relancée par son rôle chez Sergio Leone dans Pour une poignée de dollars (1964), Et pour quelques dollars de plus, tourné l'année suivante, va sauver un autre acteur encore inconnu du public et en pleine détresse… Lee Van Cleef.
Au départ, le personnage du mentor de ce nouveau western italien, Douglas Mortimer, doit échoir à Lee Marvin, qui a donné son accord, et que Leone a adoré dans L'Homme qui tua Liberty Valance. Mais au dernier moment, l'acteur hollywoodien abandonne le tournage pour se tourner vers un autre projet, Cat Ballou, dans lequel il joue deux rôles, et qui lui vaudra un Oscar de Meilleur acteur.
Leone se retrouve donc le bec dans l'eau et parcourt en catastrophe les pages de Academy Players, un catalogue photo de tous les membres de la Screen Actors Guild. Dans le livre Il était une fois en Italie : les westerns de Sergio Leone de Christopher Fraying, le cinéaste italien se souvient :
Il avait un peu l'air d'un coiffeur du sud de l'Italie, mais avec ce nez aquilin et ces yeux en amande si caractéristiques... Je me rappelais l'avoir vu dans Le Train sifflera trois fois où il avait joué comme figurant, ainsi que dans Bravados et Règlement de comptes à O.K. Corral.
Il s'agit évidemment de Lee Van Cleef qui, approchant la quarantaine, n'a plus tourné au cinéma depuis 1962 et se contente d'apparitions télé pour 2 ou 3 épisodes de séries sans que sa carrière ne décolle vraiment. Depuis un grave accident de voiture et un séjour prolongé à l'hôpital, l'acteur pense qu'il restera à jamais un acteur de quatrième plan et ne tournera plus. Il passe ses journées à peindre et boit un peu trop.
"Je l'ai vu arriver de loin", se souvient Leone en repensant à leur premier rendez-vous. "Il avait exactement l'apparence qu'il fallait. Il avait les cheveux courts et portait un long trench-coat très sale avec de hautes bottes noires. On aurait dit un vieil aigle grisonnant".
Le réalisateur se remémore alors avoir dit à son directeur de production :
Je ne veux même pas lui parler, parce que si je le fais, je risque de le prendre en grippe et de ne pas l'engager, et ce serait une grave erreur.
Van Cleef accepte donc à l'aveugle ce nouveau rôle, en deuxième place sur l'affiche, en découvrant le scénario dans l'avion l'emmenant tourner en Espagne. En un instant, il se retrouve dans le costume de l'impeccable chasseur de primes Douglas Mortimer, s'alliant à un autre chasseur de primes plus jeune afin de faire tomber L'Indien et sa bande, des braqueurs de bande beaucoup trop nombreux et dangereux pour qu'il les attaque seul.
Le film devient instantanément un classique, balayant tout sur son passage. Van Cleef est propulsé au rang de star du western spaghetti. Dès lors, il enchaîne les tournages en Italie, filmant plusieurs fleurons du genre, de Colorado au Dernier jour de la colère, en passant par La mort était au rendez-vous, Sabata ou Le Dernier duel. Il retrouve aussi Sergio Leone pour assurer le rôle de "ce cochon de Sentenza" dans Le Bon, la Brute et le truand.
L'acteur revient ensuite aux Etats-Unis, où il va subir de plein fouet la disparition du western des écrans au début des années 80 et postérieurement au tournage de New York 1997. Après un hiatus de 1981 à 1984, il revient à la télévision entraîner un jeune Timothy Van Patten aux arts martiaux le temps de 13 épisodes de L'Homme au katana.
Van Cleef retourne en Italie tourner trois séries B avec Antonio Margheriti : Nom de code : Oies sauvages dans lequel il retrouve Klaus Kinski vingt ans après Et pour quelques dollars de plus, puis Aventuriers de l'enfer et Le Triangle de la peur. En 1989, il décède en 1989 d'une crise cardiaque. Son dernier film, Thieves of Fortune, sort l'année suivante.
Hasard du destin : Leone voulait Lee Marvin après l'avoir adoré dans Liberty Valance, il a finalement engagé Van Cleef qui lui aussi, apparaissait, dans un bien moindre rôle, dans le western de John Ford.
Van Cleef avait aussi joué les guests dans La Quatrième dimension... Comme Lee Marvin !
La Quatrième dimension : Robert Redford, Buster Keaton, Charles Bronson... Ils ont joué dans la série culte