Le très grand public l'avait découvert avec le très drôle et tonitruant Thor : Ragnarok, qui offrait une nouvelle direction aux aventures du dieu nordique joué par Chris Hemsworth. Taika Waititi est ensuite allé gagner un Oscar du Meilleur Scénario Adapté grâce à Jojo Rabbit, et le revoici aujourd'hui dans l'univers Marvel. Avec une suite pour le moins ambitieuse.
Inspiré des comic books publiés depuis 2014, Thor - Love and Thunder orchestre le retour de Jane Foster (Natalie Portman), malade mais affublée des mêmes pouvoirs que le héros. Alors qu'un grand méchant incarné par Christian Bale semble bien décidé à tuer toutes les divinités qui se dressent sur son chemin. Cinq ans après la surprise de Ragnarok et ses premiers pas dans le MCU, il est l'heure de confirmer pour Taika Waititi, qui revient avec nous sur les enjeux de cet opus.
AlloCiné : Qu'est-ce qui vous a conduit vers ces comic books en particulier, pour constituer la base de l'histoire du film ?
Taika Waititi : Ce sont des très bonnes histoires. Et elles sont courtes. Je n'ai pas envie de lire 400 comic books pour trouver une idée : une bonne histoire me suffit. Et celle de Gorr, le Boucher des Dieux, m'offrait un méchant sympathique, ce qui est rare. Et c'est d'ailleurs le plus difficile avec ces films : trouver un bon méchant, et parvenir à déterminer ce qu'il veut.
Ils veulent toujours contrôler l'univers, s'emparer de la Terre, et on le voit encore souvent. Mais j'aime une bonne histoire de vengeance, et c'est ce qui m'a conduit vers lui. Pour ce qui est de Jane Foster / Mighty Thor, Il y a une super histoire dans la série de Jason Aaron qui confronte le personnage à un dilemme : s'emparer du marteau ou combattre son cancer. Vous voulez offrir aux héros des histoires plus profondes. Surtout quand il s'agit du quatrième Thor. Sinon vous risquez de vous répéter.
Vous a-t-il été facile de convaincre Natalie Portman de revenir ? Car vous n'avez sans doute pas pu commencer à écrire avant d'avoir son accord.
C'est vrai. Je lui ai donc très tôt parlé du projet, et je pense que ce qui l'a attirée, c'est cette idée de ne plus être la petite amie de Thor, mais de jouer un rôle plus important dans l'histoire. Et de pouvoir soulever ce marteau et devenir une super-héroïne.
Vous voulez offrir aux héros des histoires plus profondes. Surtout quand il s'agit du quatrième Thor. Sinon vous risquez de vous répéter.
"Thor - Love and Thunder" aborde des sujets lourds que l'on voit rarement dans les films Marvel. Était-il difficile, pour vous, de trouver le bon équilibre entre ces moments sérieux et votre humour caractéristique ?
La plupart de mes films mélangent beaucoup de choses : il y a de la comédie pour faire entrer les gens dans l'histoire, avant de délivrer un message plus significatif. Mais cela reste un défi, qui se déroule surtout en post-production, pendant le montage, qui a duré entre dix et onze mois ici, pour parvenir à déterminer ce qu'était l'histoire et trouver le bon ton.
Nous l'avons beaucoup testé, et il était parfois trop drôle, parfois trop sérieux. Il y avait parfois trop de blagues et l'on ne savait plus vraiment ce que les personnages faisaient. Il fallait essayer beaucoup de choses pour parvenir à trouver le bon équilibre.
Cela veut-il dire que vous avez dû couper beaucoup de scènes ? Il a été dit que plusieurs acteurs, tels que Peter Dinklage et Jeff Goldblum, avaient été coupés au montage.
C'est vrai, mais c'est le cas sur tous les films, qu'ils soient gros ou petits. Il y aura toujours quelqu'un qui sera coupé, et sur des plus gros films comme celui-ci, ce sont parfois des célébrités. (rires) Mais ça n'est pas grave : il ne faut pas mettre une scène dans un film parce qu'il y a une personne connue dedans. Ce qui compte est que cela bénéficie au film, et on tourne toujours plus de scènes qu'il ne nous en faut.
Vous mettez en boîte tout ce qu'il y a dans le scénario, et le nôtre faisait dans les 145 pages, ce qui est très long. Mais je savais que le résultat ne pourrait pas l'être autant, donc nous avons essayé de tout tourner, tout en sachant que, dans un second temps, certaines choses allaient disparaître.
Comme dans vos précédents films, la notion de famille occupe une place importante, et vous dirigez même les enfants de Chris Hemsworth et Natalie Portman ainsi que les vôtres. Diriez-vous que "Love and Thunder" est davantage un film de Taika Waititi que "Ragnarok" ne l'était ?
Je pense que oui. À cause de l'élément familial et des enfants, bien sûr. Et quand j'ai été engagé pour Ragnarok, je ne pensais pas que cela deviendrait un film de Taika Waititi : je m'attendais juste à apprendre à faire un gros film et travailler avec un studio, pour parvenir à un résultat qui ne me serait pas totalement personnel. Mais à la fin du processus, j'ai eu le sentiment qu'il s'agissait bien de l'un de mes films. Et c'est encore plus le cas avec celui-ci.
Le film parle de mythologie, de légendes. Et pour moi ça n'est pas une coïncidence si l'histoire est racontée par votre personnage : c'est aussi une manière de parler de vous en tant que narrateur, non ?
Exactement, même si je n'y avais pas vraiment pensé. Après avoir terminé Ragnarok, après sa première projection, Chris, Kevin Feige, le reste de Marvel Studios et moi-même avons dîné ensemble pour discuter de si nous allions faire un autre film ou non. Et l'idée que Korg raconte l'histoire avait été évoquée. Donc c'était là depuis cinq ans, et tout au long de l'écriture du scénario, c'était lui qui narrait l'ensemble.
Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 3 juillet 2022