De quoi ça parle ?
Solange, 15 ans, vit à Clèves, petit village de Haute-Savoie. Délaissée et livrée à elle-même, elle découvre cet été-là son corps, le plaisir, et le nouveau pouvoir qu’il lui donne sur les hommes. C’est une révélation, un tsunami ! Mais à l’aube de son émancipation, Solange se confronte à l’apprentissage chaotique de sa féminité. Son choix, inéluctable, vient sonner la fin de ce conte tragique.
Clèves, le 10 juin à 20h55 sur Arte et en replay sur Arte.tv jusqu'au 7 septembre
C'est avec qui ?
Révélation du téléfilm, Louisiane Gouverneur, vue dans Mon Ange et Ce que Pauline ne vous dit pas, incarne avec sensibilité la jeune héroïne du téléfilm. Autour d'elle, on retrouve Vincent Deniard (Germinal, Qu'est-ce qu'on va faire de Jacques ?), Sarah Suco (Dix pour cent, Neuf Meufs), ainsi qu'Aymeric Fougeron (qui figurait également au casting de Ce que Pauline ne vous dit pas) et Marie Dompnier (Jeux d'influence, La Dernière vague).
Ça vaut le coup d'oeil ?
Adaptation du livre éponyme de Marie Darrieussecq publié en 2011, qui s'inspirait de ses propres journaux intimes pour dépeindre l'éveil à la sexualité d'une jeune adolescente dans les années 1980, le téléfilm écrit et réalisé par Rodolphe Tissot - en collaboration au scénario avec Marianne Pujas, Fanny Burdin et Vincent Poymiro - s'inspire librement du récit, qu'il transpose à l'époque contemporaine.
Le créateur d'Ainsi soient-ils et de La Dernière vague propose un récit d'apprentissage intime, à la fois sombre et cru, sur l'éveil à la sexualité de Solange, adolescente de 15 ans coincé dans un petit village fictif de Haute-Savoie (dont le nom est un clin d'oeil au roman de Madame de la Fayette). Isolée en raison du divorce de ses parents - une mère dépressive et un père stewart absent -, Solange est élevée tant bien que mal par Vittoz (Vincent Deniard) son voisin et baby-sitter de longue date, un grand gaillard resté chez sa mère et vivant de petits boulots.
Le téléfilm illustre la manière dont Solange, commençant à ressentir de l'attirance pour les garçons, va prendre conscience de son propre corps et des effets qu'ils suscitent sur eux. A partir de ses premières expériences maladroites interrogeant la notion de consentement, à un âge où les injonctions à la sexualité et le manque de pédagogie laissent souvent des cicatrices à vie, Clèves montre avec un réalisme sans fard les désillusions d'une jeune fille gorgée de films et de romans portant aux nues la passion amoureuse, avant de se heurter à la cruauté des rapports genrés.
Embrassant le point de vue de son héroïne, Rodolphe Tissot dépeint les tabous et la pudeur liés au corps féminin avec beaucoup de justesse (dont une scène dans laquelle Solange, ayant ses règles avant un rapport, peine à se débarrasser discrètement de sa serviette hygénique pleine de sang). Mais il se révèle encore plus perturbant lorsqu'il dépeint la pratique du "grooming", se produisant lorsque des adultes prédateurs manipulent de jeunes adolescents depuis leur plus jeune âge afin de leur faire subir plus facilement des abus.
Pour réaliser ces séquences délicates, la production a fait appel à une coordinatrice d'intimité, pratique de plus en plus répandue dans l'industrie audiovisuelle comme le rapporte Le Parisien. Agée de 19 ans au moment du tournage, l'actrice Louisiane Gouverneur, qui tient ici son premier rôle principal, a pu bénéficier d'un long temps de préparation en amont des scènes de sexe, souvent dérangeantes liées au fait que l'héroïne soit mineure. Elles ont été pensées comme des chorégraphies, afin de mettre les comédiens plus à l'aise et d'évacuer tout appréhension.
A la fois brut et léger dans sa forme, Clèves est un téléfilm délicat qui interroge sur une période charnière de l'adolescence, et met en lumière le besoin crucial de repères solides et d'éducation à la sexualité et à ses limites dans une société où les tabous autour du sujet et de ses "zones grises" persiste, et deviennent le terreau de violences irréparables.