AlloCiné : Dimanche 22 mai, vous avez monté les marches en compagnie d’une trentaine de compositrices et compositeurs sous l’impulsion de la SACEM (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique), afin de mettre en lumière votre métier. Qu’avez-vous pensé de cette expérience ? Que retenez-vous de cette initiative ?
Anne-Sophie Versnaeyen : Cette montée des marches entre compositrices et compositeurs était un moment très fort et très émouvant. C’était un vrai plaisir de se rencontrer. Cela m’a fait réaliser qu’il était important de nous célébrer, parce que la musique a une vraie place dans l'œuvre cinématographique.
Je ne l’avais pas autant réalisé avant cet événement. C’était une vraie manière de montrer cette fonction qui existe, de ne pas nous oublier. Le rapport son et image sur un film est très important, pour preuve, ne pas mettre de musique relève d’un vrai choix artistique.
La SACEM œuvre réellement pour notre visibilité. Face à ce travail là, il y a certainement des choses qui restent à améliorer, des idées qui pourraient évoluer, notamment le fait de créer une récompense à Cannes pour les compositeurs. Et ce n’est pas tant pour la récompense, mais simplement pour ne pas être nié.
Comment vous est venue l’envie de devenir compositrice de musiques de films ?
Anne-Sophie Versnaeyen : Toute jeune j’avais cet amour pour les musiques de films, notamment pour des BO comme celles de John Williams. Je fais de l’alto, et lorsque l’on jouait des musiques de film avec l’orchestre j’étais toujours très emportée, ça me procurait un plaisir tout particulier. Je collectionnais les disques de BO.
A l’adolescence j’ai commencé à écrire des musiques et ensuite il y a eu la rencontre déterminante avec Armand Amar au conservatoire. Nous sommes devenus très amis et nous avons travaillé ensemble sur des arrangements et des orchestrations pour les musiques de films. J’aime tant cette relation entre la musique et l’image : j’ai su que c’était ce que je voulais faire.
Vous avez signé la musique de tous les films de Nicolas Bedos : comment se déroule cette collaboration ?
Anne-Sophie Versnaeyen : Avec Nicolas Bedos c’est une rencontre humaine, et j’aime ce qu’il fait, sa manière de travailler. L’immense avantage de collaborer avec lui depuis son premier film (Monsieur & Madame Adelman) c’est que l’on a construit ce langage commun. On a aussi écrit à deux la musique pour l’ouverture des Molières en 2017.
Parfois ce n’est pas évident de parler musique avec des réalisateurs, mais avec Nicolas Bedos, c’est très facile car maintenant je connais bien ses goûts, la couleur qu’il souhaite apporter à travers le son, la manière de lui présenter la mélodie…
Chaque film s’est fait différemment : pour La Belle Époque j’ai travaillé avec le scénario, pour OSS 117 3 et Mascarade, la musique est venue un peu plus tard dans le processus, au moment où il y avait déjà des images.
Préférez-vous penser à votre musique en vous basant sur le scénario, ou en voyant les images ?
Anne-Sophie Versnaeyen : J’aime beaucoup travailler avec le scénario, je trouve cela toujours intéressant, on a plus d'idées qui peuvent venir. Mais il faut quand même garder en tête que la vérité se fera une fois que la musique sera posée sur les images. Comme la musique est au service du film et de l’image, il ne faut pas être trop amoureux de la musique que l’on a créé sur scénario : donc il faut être prêts à jeter.
Pour La Belle Époque il s’est passé quelque-chose de spécial : j’avais créé la musique La Ballade de Marianne sur scénario sans penser à une scène en particulier, mais en ayant en tête une ambiance, et Nicolas Bedos m’avait d’emblée dit : “Cette musique, on lui trouvera une place.”
Avez-vous des compositeurs de musiques de films dont vous admirez particulièrement le travail ?
Anne-Sophie Versnaeyen : Je suis vraiment très fan de ce que fait Jóhann Jóhannsson qui collabore beaucoup avec Denis Villeneuve, que j’adore aussi. Il réussissait toujours à trouver cette alchimie avec l’image que je trouve assez magique. Arriver à ça, c'est incroyable. Il faut vraiment écouter sa musique durant le film pour comprendre toute sa dimension.