La saga Star Wars n'a jamais vraiment performé au box office chinois. C'est que le public de l'Empire du Milieu n'a aussi découvert l'univers de George Lucas que très, très tard, et celui-ci est sans doute beaucoup trop codifié pour lui. Le premier volet, Un Nouvel espoir, n'était d'ailleurs sorti en 1978 que sur le territoire de Hong Kong, qui était à l'époque une colonie britannique.
Si la Chine des années 70-80 était très fermée, encore plus aux oeuvres occidentales, cela n'a pas empêché un marché déjà florissant de versions pirates, d'un genre un peu particulier. En 2014, Maggie Greene, une asssistante de recherches exerçant à l'Université d'Etat du Montana, a ainsi exhumé une belle pépite. Dans son blog, elle racontait avoir acheté dans une brocante de livres à Shangaï pour une somme équivalente à 1$ un comic bootleg de Star Wars, datant du tout début des années 80.
Intégralement en noir et blanc, composée de dessins accompagnés de petites légendes, cette création était faite dans un esprit rappelant les livrets illustrés baptisés lianhuanhua ; de petits fascicules grands comme la taille de la paume d'une main, qui furent imprimés en très grand nombre tout au long du XXe siècle en Chine. De petits fascicules qui furent d'ailleurs très régulièrement utilisés pour promouvoir la propagande du PCC. Ce format fut aussi un vecteur important pour la diffusion de la culture occidentale, même si effectuée de manière tout à fait illégale.
Intitulé Xing Qiu Da Zhan, le mot chinois pour traduire Star Wars, le comic reprend l'essentiel de la trame du film de 1977. Mais visuellement, il prend aussi parfois des libertés fascinantes et très étranges. L'artiste derrière les dessins était un peu en roue libre dirons-nous, contraint de travailler à partir d'un matériel promotionnel ultra limité et n'ayant de toute façon pas vu le film.
Chewbacca par exemple, est représenté sous les traits d'un primate lorgnant plutôt du côté de La Planète des singes. Obi Wan kenobi ? Un chevalier Jedi, évidemment. Mais dans le sens le plus littéral du terme, avec l'armure médiévale ad hoc, et même sa moto, histoire de mieux souligner le côté futuriste. Jugez plutôt... On se demande d'ailleurs si ce n'est pas la source directe d'inspiration de George A. Romero pour son nanard de compet', Knightriders...
Ici, c'est... Dark Vador, avec une monture triceratops derrière :
Là, un Luke Skywalker portant le costume de Boba Fett, et la princesse Leia. Si si !
On terminera avec cette savoureuse vignette montrant un Vador prenant la pose devant une carte d'objectifs de l'Etoile de la mort, en direct depuis le centre spatial Kennedy. L'occasion de constater que la vision artistique est imprégnée d'une grille de lecture très Guerre Froide :
Vous pouvez voir plusieurs autres reproductions de vignettes ici. "Je suppose que l'une des caractéristiques déterminantes de la production culturelle chinoise moderne (ou des perceptions de celle-ci, du moins) sont les violations de la propriété intellectuelle plutôt endémiques" concluait Maggie Greene sur son blog. La découverte n'en reste pas moins fascinante.