Alors que la sélection cannoise s'apprête à être dévoilée demain, temps fort et incontournable de l'année cinéma, certains cinéphiles se demandent encore si l'on pourra voir un jour ce film qui a tant fait parler le jour de sa présentation en compétition au Festival de Cannes en 2019 : Mektoub My Love Intermezzo d'Abdellatif Kechiche.
3 ans après cette projection mémorable du Festival de Cannes, force est de constater que le film reste invisible. Aucune sortie prévue à l'horizon, en raison d'un différent entre son réalisateur et ses producteurs -distributeurs. Des rumeurs d'un nouveau montage avaient circulé, mais depuis plus d'un an, plus aucune nouvelle du film, ni de sa situation juridique précise.
Mektoub My Love : enfin une sortie proche pour Intermezzo, la suite polémique du film de Kechiche ?Pour mémoire, ce film est un intermède entre Mektoub My Love Canto Uno et Canto Due, présenté depuis le début comme un diptyque, et suit Amin et ses amis à la rencontre de Marie, une jeune étudiante parisienne, alors que la fin de l’été approche.
Le nouveau Doillon dans une situation de blocage
Comme s'en sont fait l'écho Les Cahiers du cinéma dans leurs numéros de mars et avril 2022, un autre film français se trouve actuellement dans une situation de "blocage" (ou d'un film dit "inabouti") entre un cinéaste et sa production, empêchant donc sa sortie en salles. Il s'agit du dernier long métrage en date de Jacques Doillon, CE2.
Comme son nom l'indique, le film s'intéresse à de jeunes écoliers, long métrage qui marquait donc les retrouvailles du cinéaste avec le thème de l'enfance, qu'il a souvent exploré au fil de sa carrière. Le film avait été présenté en avant-première au Festival d'Angoulême, en août 2021, lors d'une séance spéciale en présence de Brigitte Macron. CE2 reste présentement sans date de sortie.
Le réalisateur Jacques Doillon et son producteur Bruno Pésery se sont tous deux exprimés, chacun leur tour, laissant transparaitre un net différent autour du film. Dans un long entretien accordé au magazine Les Cahiers du cinéma, à l'occasion de la ressortie de plusieurs de ses précédents films, Jacques Doillon a d'abord expliqué n'avoir plus de nouvelles de son producteur, ni de son distributeur :
"A l'issue du montage [de CE2], le producteur [Bruno Pésery] a exprimé sa satisfaction, mais quelques jours plus tard, j'ai un reçu un mail me désignant de manière autoritaire tout ce qu'il fallait couper ou modifier. Je ne sais pas bien ce qui lui a fait changer d'opinion, mais je lui ai dit que les modifications qu'il proposait ne me convenaient pas, qu'elles ne faisaient pas de bien au film", peut-on lire dans le numéro de mars du magazine de cinéma.
Depuis que je tourne, c'est la première fois que l'on me demande de modifier un montage. Je suis resté inflexible.
"Depuis que je tourne, c'est la première fois que l'on me demande de modifier un montage. Je suis resté inflexible. Le film a quand même été montré à Angoulême, poursuit le réalisateur dans les colonnes du magazine, dans la version qui me convient, il y a été bien accueilli, et je pensais que ça allait créer une ouverture, mais je n'ai plus eu de nouvelles, ni du distributeur, ni du producteur, ni de l'attaché de presse. CE2 a été sélectionné à Rotterdam sans que je ne sois informé ni que je sache quel montage a été présenté."
Dans le dernier numéro en date des Cahiers du cinéma, le producteur Bruno Pésery a écrit une longue réponse, publiée dans la rubrique Courrier des lecteurs, donnant sa version de la situation du film.
Faisant référence à la suite de l'entretien du cinéaste (à retrouver en intégralité dans le numéro de mars), le producteur écrit : "Jacques regrette une époque ("avant") où le scénario lu, "une fois que c'était lancé, ça (le film) n'était plus un sujet de discussion". Une époque où "le coût, la date, les acteurs décidés, je ne voyais plus personne. C'était épouvantable (...), mais d'une épouvante extrêmement heureuse parce qu'on me faisait une confiance totale". Que Jacques ait connu de semblables situations est une certitude, mais cela avait moins à voir avec l'époque qu'avec les circonstances ou l'écosystème où se sont logés nombre de ses projets. Il n'en conviendra jamais et préfère depuis vingt-trois ans changer de producteur à chaque film."
Vouloir renouer avec les conditions d'"avant", en repoussant toute discussion un peu précise sur le script ou en se retirant dans sa chambre normande pour monter "son film" n'est pas critiquable en soi.
"Vouloir renouer avec les conditions d'"avant", en repoussant toute discussion un peu précise sur le script ou en se retirant dans sa chambre normande pour monter "son film" n'est pas critiquable en soi. Je l'ai même accepté parce que la confiance était encore là et que peu de choses, dans la relation à un auteur, doivent être contredites a priori. Mais, n'en déplaise à Jacques, le moment est venu où le film est redevenu "un sujet de discussion", non pas à l'issue du montage comme il l'a vécu et le rapporte, mais avec la présentation de sa première version. (...)"
Selon le producteur, pas un "blocage", mais un film "inabouti"
"Son refus de dialoguer n'a pas abouti à ce que le film soit "bloqué" mais à ce qu'il demeure, seize mois après la fin du tournage, inachevé, au sens où il refuse d'en proposer une nouvelle version que nous sachions accepter. (...)"
"Une telle situation est une défaite pour chaque partie, le réalisateur et son producteur, dont la responsabilité commune, "avant" comme aujourd'hui, demeure de partager la même vision d'un projet de le porter ensemble avec l'ambition la plus affirmée jusqu'à sa révélation à un public espéré nombreux. (...)".
Quel avenir pour la visibilité de ce film compte tenu de ce différent ? Une sortie pourra-t-elle être envisagée ultérieurement ?
Le synopsis de CE2 : Dans une cour d’école. Kevin : c’est parce que je te trouve belle... belle comme une princesse... c’est pour ça. Alors tu m’embrasses et comme ça t’es ma copine et je te pique plus ton goûter. Claire : mais je veux pas (t’embrasser) ! Kevin (amusé) : sérieux ? Et puis il essaie de la forcer à l’embrasser sur la bouche, elle se débat. Il lui soulève sa robe et commence à lui toucher la culotte. Claire panique, elle crie, Kevin arrête ses attouchements et s’inquiète, malgré le bruit de la récréation. Il sort, non sans la menacer. Kevin : tu vas voir si tu rapportes...
Le casting du film réunit Roxane Barazzuol, Cyril Sader, Madeline Knoll Relot, Nora Hamzawi, Alexis Manenti, Doully...
Cannes 2017 : "Rodin est un immense sensuel"Pour mémoire, le dernier long métrage de Jacques Doillon sorti en salles est Rodin, avec Vincent Lindon, présenté en compétition au Festival de Cannes 2017.