Atteint d'aphasie, un trouble du langage allant de la difficulté de trouver ses mots à une perte totale de la faculté de s'exprimer, pathologie causée par des dommages au cerveau provoqués dans la majorité des cas par un accident vasculaire cérébral, Bruce Willis a choisi de tirer sa révérence en annonçant mettre fin à sa carrière.
Une carrière au long cours d'ailleurs, entamée à l'orée des années 1980. Et inévitablement en dents de scie, bien qu'émaillée de films qui sont devenus d'authentiques classiques du cinéma. On passera donc sous silence la quantité industrielle de films que Willis a tourné ces dernières années (pas moins de 6 films en post-production pour 2022 !).
A ce titre d'ailleurs, et à la lumière de l'annonce de son retrait, un article du Los Angeles Times vient de jeter une lumière crue et triste : son entourage semblait le pousser ces dernières années à tourner davantage, en dépit de son état de santé. Et lui-même ne semblait parfois même pas savoir ce qu'il faisait sur les plateaux de tournage, en demandant : "qu'est-ce que je fais ici ?" C'est d'une tristesse...
Les Die Hard
Mettons toute de suite fin à un faux suspens : on ne retiendra que la première trilogie, que l'on compile en une seule entrée. De sa première intervention musclée et aujourd’hui culte dans la tour du Nakatomi Plaza à ses tentatives de contrecarrer les plans diaboliques de Simon Gruber dans un 3e volet d'anthologie signé le vétéran et chevronné John McTiernan, Bruce Willis a incarné avec un cynisme et une nonchalance absolument géniale l’infatigable inspecteur John McClane. Eternel caillou dans la chaussure des terroristes, toujours au mauvais endroit au mauvais moment.
Un personnage d'autant plus génial qu'il était aux antipodes de ses confrères Actioners de l'époque : pas le physique bodybuildé d'un Stallone ou d'un Schwarzenegger; pas non plus un maître en arts martiaux comme Bruce Lee et Chuck Norris, ou encore rompu aux nouvelles technologies et autres gadgets tel James Bond. John McClane est peut-être plus en phase avec la cool attitude d'un Steve McQueen et l'intégrité morale d'un Inspecteur Harry. Et c'est pour ça qu'on l'aime, en plus de balancer des punchlines dont lui seul a le secret.
Une journée en enfer, un Die Hard en apothéose...
Pulp Fiction
Uma Thurman, Samuel L. Jackson, John Travolta, Harvey Keitel, Ving Rhames et donc... Bruce Willis. Au beau milieu de son casting all star, le deuxième long métrage de Quentin Tarantino (couronné d'une Palme d'Or à Cannes) réserve une place de choix au célèbre interprète de John McClane. Dans la peau du boxeur Butch Coolidge, traqué sans relâche par les hommes du redoutable Marsellus Wallace, Bruce Willis se fond parfaitement dans le paysage tarantinesque du film et parvient instantanément à s'en approprier les codes tout en restant résolument lui-même.
Il s'offre ainsi plusieurs séquences inoubliables, et notamment l'une des scènes les plus mythiques de Pulp Fiction : celle où Butch, avant d'aller prêter main-forte à Marsellus, choisit minutieusement son arme. Après avoir envisagé un marteau, une batte de base-ball et une tronçonneuse, il opte finalement pour un magnifique katana.
Séquence souvenir...
Sixième sens et Incassable
A la fin des années 90, Bruce Willis est déjà un comédien confirmé et même une véritable star hollywoodienne, mais il n'a pas encore dévoilé toutes ses cartes. Un tout jeune réalisateur d'origine indienne, quasiment inconnu, s'apprête à lui proposer d'ajouter une nouvelle corde à son arc, en lui offrant l'un des rôles les plus marquants de toute sa carrière. Celui du docteur Malcolm Crowe, un psychologue pour enfants cherchant à aider un petit garçon qui voit des morts.
Véritable phénomène mondial à sa sortie en 1999, Sixième Sens se hisse rapidement au rang de film culte et permet par ailleurs à Bruce Willis de s'aventurer sur le terrain du surnaturel, un registre dans lequel on avait peu l'habitude de le voir. L'année suivante, avec le génial Incassable, l'acteur renouvelle sa collaboration avec Shyamalan, et transforme son essai en livrant une nouvelle prestation d'excellence, dans le rôle de l'énigmatique David Dunn.
Le Cinquième élément
Au 23ème siècle, dans un univers étrange où tout espoir de survie est impossible sans la découverte du Cinquième Elément, un héros peu ordinaire affronte le Mal pour sauver l’humanité. En 1997, Luc Besson, entourré de Moebius et Jean-Claude Mézières, signait un film de SF pop, cool et coloré, qui mêlait personnages hauts en couleurs, punchlines mémorables, costumes baroques et maestria visuelle. 25 ans après sa triomphale sortie, on peut toujours constater que les effets visuels n'ont pas trop vieillis; une gageure, tant les CGI ne sont pas franchement réputés pour bien vieillir justement.
L'aspect visuel mis de côté, son autre force résidait justement dans son casting. Milla Jovovich, créature divine, Eve des temps modernes, à la fois belle, ingénue et sauvage, au centre du récit. À ses côtés, on retrouve Bruce Willis, chauffeur de taxi bourru teint en blond platine, doté d'un humour toujours pince-sans-rire largement emprunté au personnage qui a fait sa renommée.
Chris Tucker en présentateur radio très queer avec combinaison panthère et faux airs de Prince, et Ian Holm dans le costume du prêtre. Chaque personnage, par sa singularité, représentait l'un des cinq éléments du film. Et, bien entendu, n’oublions quand même pas de mentionner Gary Oldman, inoubliable dans la peau du méchant Zorg.
Le Cinquième élément est devenu un film culte pour toute une génération. Il n'est guère surprenant de le voir juste après Léon dans le classement des meilleurs films de Luc Besson selon vos notes.
L'armée des douze singes
2035. La quasi totalité de la population mondiale a été décimée par un mal mystérieux. Les survivants, réfugiés sous terre, mettent tous leurs espoirs dans un voyage à travers le temps pour prévenir la catastrophe. Désigné pour cette mission, James Cole, prisonnier condamné à perpétuité, débarque en 1996. Là, il rencontre Jeffrey Goines, fils rebelle et détraqué d’un scientifique cruel, ainsi que le Dr. Kathryn Railly, psychiatre, qui va tenter d’élucider avec lui les mystérieux signaux lancés par une association secrète connue sous le nom de L’Armée des 12 singes…
L'Armée des douze singes -lui-même inspiré de La Jetée de Chris Marker- est devenu au fil des ans une oeuvre chère au coeur des fans de SF, notamment en raison de son esthétisme futuriste, de sa construction narrative audacieuse sur la base de voyages dans le temps, et de certains thèmes qui rappelaient par moment le précédent chef-d'oeuvre de Terry Gilliam, Brazil.
Le film de Gilliam était aussi porté par un très solide casting : Bruce Willis qui trouvait là un de ses meilleurs rôles sous les traits de James Cole, personnage taciturne et inquiétant; tandis que Brad Pitt récoltait un Golden Globe saluant sa prestation sous les traits du lunatique et dérangé Jeffrey Goines, mais aussi une citation à l'Oscar du meilleur second rôle. Le film est devenu un classique.
Ci-dessous, la bande-annonce du film...
Sin City
Géniale adaptation sur grand écran de la série de comic-books The Hard good-bye, dessinée et écrite en 2001 par Frank Miller et regroupant les histoires Sin city, The Big fat kill et That yellow bastard, Robert Rodriguez -justement épaulé par Miller et même Tarantino- frappait fort avec son film, sorti en 2005.
Ultra fidèle au matériau d'origine, Sin City était porté haut par un formidable casting incarnant des freaks plus vrais que nature : Mickey Rourke, la regrettée Brittany Murphy, Elijah Wood, Benicio del Toro, Rosario Dawson, Clive Owen... Et évidemment Bruce Willis, parfait dans cet écrin de luxe, dans lequel il incarne John Hartigan, un dur à cuire mais fragile du coeur qui s'est juré de protéger Nancy, une strip-teaseuse devenue amoureuse de lui.
C'est d'ailleurs dans la séquence mémorable ci-dessous, où Hartigan entre dans le bar, que Nancy le reconnait, des années après avoir perdu sa trace...
Looper
Avant de se rendre dans une galaxie lointaine, très lointaine, en réalisant Star Wars - Les Derniers Jedi, le cinéaste américain Rian Johnson avait impressionné avec Looper. Un petit bijou SF qui plonge le spectateur dans un futur proche, à une époque où la Mafia a mis au point un système infaillible pour faire disparaître tous les témoins gênants. Elle expédie ses victimes dans le passé, à notre époque, où des tueurs d’un genre nouveau les éliminent. Un jour, l’un d’entre eux, Joe, découvre que la victime qu’il doit exécuter n’est autre que… lui-même, avec 20 ans de plus.
Considéré par certains critiques britanniques comme "le Matrix nouvelle génération", Looper, porté par le duo Bruce Willis / Joseph Gordon-Levitt (méconnaissable), est un thriller d'anticipation fascinant et particulièrement ambitieux, aussi divertissant que profond, qui joue avec maestria avec le coeur et les neurones du spectateur. Un film de SF de haute volée, sans doute l'un des meilleurs de ces dernières années. Et accessoirement sans doute le dernier très bon film de Willis...