L'Histoire du 7e Art est constellée de récits de tournages homériques, âpres et difficiles, avec, parfois, des méthodes carrément radicales et jusqu'au-boutiste pour les réalisateurs afin d'achever leurs oeuvres. Y compris donc des méthodes clandestines...
C'est un peu l'histoire entourant la création d'un film signé par un jeune cinéaste du nom de Randy Moore. Le titre du film ? Escape From Tomorrow.
En 2010, sans aucune autorisation préalable, ce dernier est allé tourner son film au coeur des parcs d'attractions DisneyWorld et Disneyland. Voulu comme un film d'horreur et doté d'un budget de 650.000 $, Escape From Tomorrow évoque l'histoire d'un homme emmenant toute sa petite famille en vacances dans un parc d'attraction.
Evidemment, les choses vont salement se gâter, le parc se révélant être en réalité une sorte d'expérience psychologique à grande échelle menée par une organisation dont les membres pourraient (ou pas d'ailleurs...) venir d'ailleurs. Avec encore une autre possibilité : que toute cette mésaventure se passe seulement dans la tête de l'intéressé...
L'impression quand même d'évoquer un peu l'un de ces nombreux pitchs de SF de BD Pulp, avec des extra-terrestres menant des expériences sur des cobayes humains.
A quoi cela ressemble ? A découvrir ci-dessous !
Tournage clandestin
Les règles de Disney sont très claires : la firme n'autorise pas le tournage de films dans ses parcs à thèmes. Et à fortiori encore plus, on imagine, quand il s'agit d'un film montrant une attraction comme celle du train de la mine semblant lorgner vers celle de Massacre dans le train fantôme de Tobe Hooper avec les nains de Blanche Neige, des princesses Disney travaillant comme escort girls, ou une tête de Mickey qui tente d'écraser des enfants... Autant dire un pot-pourri situé à des années lumières de l'esprit bienveillant et bon enfant de Disney.
Et quitte à pousser la provocation encore plus loin, vous noterez également la typographie employée dans la bande-annonce, la même que Disney, jusqu'à l'affiche du film, montrant une main gantée et ensanglantée qui n'est autre que celle de Mickey...
Randy Moore a donc intégralement tourné son film clandestinement dans les parcs de Disney. L'équipe de tournage s'est fait passer pour un simple public, avec leurs appareils photos remplacés par des caméras, pour traverser les guichets d’entrée et a filmé en secret les scènes.
Impossible évidemment de tourner tout ce qui était prévu en une seule fois. Lui et son équipe ont donc fait une demi-douzaine de voyages dans les parcs en 2010 pour faire les repérages puis tourner le film, comme l'intéressé l'a raconté à un journaliste du site Indiewire en 2013. L'expérience l'a tellement stressé que Moore a perdu plus de 20 Kg, la peur au ventre qu'ils se fassent prendre ; passant une fois trois heures et demi sur une attraction pour obtenir la scène qu'il voulait. L'équipe a d'ailleurs bien failli se faire prendre par la sécurité du parc...
Un montage effectué à l'autre bout du globe, en Corée du sud !
Les ennuis ne s'arrêtaient pas là pour autant, même avec ses images en boîte. Car il était évident que Disney ne laisserait jamais une telle oeuvre sortir sans engager un bras de fer juridique qui aurait à coup sûr broyé le cinéaste et le reste de son équipe. En fait, Moore craignait tellement que ses rushs soient saisis qu'il est carrément parti en Corée du Sud pour y faire là-bas la post-production de son film et le montage.
En dépit de ces précautions extrêmes et la nature même du film, Disney a adopté une stratégie tout à fait surprenante, comme le rapportait le Hollywood Reporter : aucun commentaire ni action juridique, là où Moore s'attendait logiquement à recevoir la visite d'un bataillon d'avocats frappant à sa porte, même à l'autre bout du globe. Silence radio chez Mickey donc, pour ne pas faire de publicité à cette oeuvre sortie de nulle part ou presque, alors que la firme se concentrait sur la sortie prochaine du film Dans l'ombre de Mary - la promesse de Walt Disney.
Présenté lors du festival du film de Sundance en 2013, Escape From Tomorrow reste totalement inédit chez nous. Il n'a été édité qu'en DVD réservé au marché américain, en 2014.