Le duo Jaoui-Bacri est l'un des plus marquants du cinéma français des années 90 et 2000. Il a apporté à l'écriture de pièces et de films un ton nouveau, frais et réaliste auquel le public s'est immédiatement identifié, tout en pronant sur le fond, l'amour de l'autre. Retour sur une collaboration florissante.
Tout commence en 1987, lorsque Jean-Michel Ribes met en scène L'Anniversaire, troisième pièce signée Harold Pinter, avec à l'affiche Jean-Pierre Bacri dans le rôle principal, mais aussi Jacques Boudet, Dominique Blanchar, Roland Blanche, François Toumarkine et Agnès Jaoui. Cette dernière a 23 ans, Bacri en a 36, et leur vie va changer.
Dans le documentaire Bacri, comme un air de famille, disponible à cette adresse, Ribes commente cette période :
Au bout de deux, trois semaines, ils étaient fous amoureux l'un de l'autre.
En 1991, ils débutent leur collaboration avec Cuisine et dépendances, pièce de théâtre qu'ils jouent avec succès au Théâtre La Bruyère, avant de le transformer en un long métrage de cinéma réalisé par Philippe Muyl, qui sort le 7 avril 1993 sur les écrans. La pièce récolte 4 Molière dont celui de "Meilleurs auteurs".
C'est notamment pour cela que le cinéaste Alain Resnais (sur l'impulsion de Pierre Arditi) fait appel à eux pour adapter la pièce Intimate Exchanges qu'il veut porter au cinéma sous le titre Smoking/No Smoking. Suite à la réussite de leur travail commun, il refait appel à eux en 1997 pour On connait la chanson, film incluant à son intrigue des chansons populaires, et qui sera encore un grand succès en salles.
Sur cette bonne lancée, le duo s'essaye à la mise en scène, et la répartition se fait naturellement, comme le raconte Bacri* :
Agnès est hyperactive, elle le revendique, et moi je suis paresseux et je le revendique aussi. Donc quand il s'agit de mettre en scène nos propres films, on ne réfléchit pas longtemps.
Elle assure donc la réalisation et il reste dans l'ombre. De son aveu même, c'est suite à sa rencontre avec celle qui est devenue sa collaboratrice et sa compagne, qu'il se met plus sérieusement à l'écriture :
Ce qui s'est passé, c'est que j'ai arrêté d'écrire des conneries. Avant, je le faisais par intérêt, c'était moi tout seul. Quand j'ai rencontré Agnès, un miracle s'est produit et dans ma vie et dans mon écriture.
Ce que confirme le réalisateur Olivier Doran, qui analyse : "Agnès a servi de catalyseur pour que les qualités d'observation, d'analyse et de compréhension de Jean-Pierre puissent prendre le pas sur les capacités de vanneur et de "je suis drôle et j'ai le sens de la répartie".
Leurs films comme leurs pièces étudient les rapports entre les gens et les préjugés que chacun peut avoir envers l'autre avant même de le connaître. Les dialogues ciselés par le duo sonnent à la fois vrais et dégagent une acidité qui les rend percutants et imparables. Et le public ne s'y trompe pas.
Titre | Année | Entrées au BO français | Prix |
Cuisine et dépendances | 1993 | 528 442 | |
Smoking | 1993 | 411 449 | César du Meilleur scénario original |
No Smoking | 1993 | 355 942 | César du Meilleur scénario original |
Un air de famille | 1996 | 2 442 289 | César du Meilleur scénario original |
On connaît la chanson | 1997 | 2 649 299 | César du Meilleur scénario original |
Le Goût des autres | 2000 | 3 799 620 | César du Meilleur scénario original |
Comme une image | 2004 | 1 640 312 | Prix du scénario au Festival de Cannes et aux European Film Awards |
Parlez-moi de la pluie | 2008 | 1 004 267 | |
Au bout du conte | 2013 | 969 570 | |
Place publique | 2018 | 535 821 |
Leur collaboration artistique se poursuit jusqu'en 2018 alors même que personnellement, ils sont séparés depuis 2012. Jean-Pierre Bacri décède le 18 janvier 2021 à 69 ans.
Notre interview du duo Jaoui-Bacri à l'occasion de Place publique, leur dernière oeuvre commune :
* Toutes les citations de cet article sont issues du documentaire "Bacri, comme un air de famille".