Disponible sur Netflix depuis le 3 novembre, The Harder They Fall – première réalisation de Jeymes Samuel – est un western qui dépoussière le genre. Avec son casting composé en majorité d’acteurs noirs, il donne une représentation inédite des westerns qui jusque-là ont cantonné les personnages afro-américains à des rôles secondaires.
AlloCiné : comment vous est venue l'idée de faire un western avec un casting 100% noir ?
Jeymes Samuel : J'ai toujours aimé les westerns toute ma vie. J'aime le cinéma. J'aime tout dans le cinéma. Et les westerns ont toujours été mon genre préféré, mais ils n'ont jamais montré une vision large de ce qu'était le Far West. Ils étaient très limités et plutôt centrés sur des hommes blancs. Au-delà de ce prisme, on ne voyait rien. Les femmes étaient toujours soumises aux hommes, et les personnes de couleur étaient toujours traitées comme des moins que rien ou des personnes soumises. Et s’il y avait une personne noire dans un western, il fallait expliquer pourquoi cette personne est dans cette histoire.
Par exemple, c’était un ancien esclave. Il appartenait à M. Johnson... Et pourtant il s’est passé des décennies dans l’histoire du Far West après l'esclavage. Même pendant l'esclavage, un cow-boy sur quatre était noir. Donc, toute mon inspiration pour faire mon premier long métrage, ça a été de mettre en avant quelque chose d’autre et de l’insérer dans la culture. Pour montrer que les femmes existaient à cette époque. Et ce n'étaient pas des personnages faibles. Et des hommes de toutes les couleurs existaient à cette époque, et ce n'étaient pas des personnages faibles. Ils étaient aussi forts que n'importe qui d'autre.
Et ils étaient tout aussi autoritaires que n'importe qui d'autre. Et ils étaient tout aussi stylés. Donc, pour que les gens puissent regarder ce film et ne pas contester le fait que nous avons existé à cet endroit particulier dans le temps, je n'ai choisi que des personnages qui ont vraiment existé. Rufus Buck, Nat Love, Cherokee Bill, Gertrude Smith, Stagecoach Mary, Jim Beckwourth, Wiley Escoe, Bass Reeves, Bill Pickett, Cuffee Williams. Tous ces personnages ont vraiment existé. Vous pouvez donc regarder ce film et ensuite faire vos recherches et découvrir qui étaient ces personnes. C'est une histoire fictive, mais avec de vrais personnages juste pour donner une vision plus large et un peu de style à ce qui était considéré comme le Far West.
Quel a été le plus grand défi pour vous en faisant ce film ?
Incidemment, le plus grand défi pour faire ce film, ça a été ce nouveau personnage qui a débarqué. C'était le Covid-19, la pandémie, et ce n'était même pas un défi. C'était littéralement une guerre.
On a tourné dans l'œil du coronavirus. Et ça a été fou. On parle de la loi de Murphy, tout ce qui peut mal tourner va mal tourner. Eh bien, Murphy est mort du Covid-19 et le Covid-19 a pris le relais et nous a donné le plus grand défi qu'il n'y ait jamais eu dans l'histoire du cinéma. Si vous n'avez pas de masque, vous pouvez attraper quelque chose et mourir. C'est fou ! Et j’ai dû réaliser un film, en restant à 2 mètres du casting… Et voyez comme je suis quelqu’un d’animé ! Mais c'était mon premier long métrage, donc j'avais tellement d'énergie et tellement d'essence. Je suis comme une Tesla chargée pour toujours.
Alors je me suis dit : quelles sont les règles ? Quelle est la maladie? A quelle distance dois-je me tenir ? Dites-moi ce que je dois faire et laissez-moi faire le film que je veux faire parce que la culture en a besoin. Et j'en ai besoin.
Pourquoi avez-vous décidé d’éluder la question du racisme dans le film ?
Parce qu'à chaque fois qu'il y a des Noirs dans un film d'époque, il parle de racisme. Je n’allais pas le faire aussi. Hollywood nous a toujours montrés comme ces citoyens de troisième classe, sous ce prisme racial. Ce n'est tout simplement pas vrai. De toute évidence, le racisme existait. Mais les Noirs n'étaient pas... À aucun moment dans l'histoire, nous n'avons marché dans la rue et avons été insultés 177 fois. Je ne voulais pas montrer ça dans ce film. C’est The Harder They Fall. Ces gens n'ont pas répondu à ce genre de choses. Et si vous vous risquez à le dire, vous allez rencontrer une fin prématurée. (il sourit)
Et... Pour moi, c'est d'autant plus agréable que tout le monde puisse regarder ce film et ne pas entendre le mot "Nègre" et ne pas avoir de considérations du type : Oh ces gens sont noirs et ces gens sont de cette couleur, etc. Je voulais en quelque sorte tout renverser et vous raconter une belle histoire.
Pensez-vous que les temps ont changé et qu’on peut désormais faire ces films pour le grand public ?
Oui, les gens sont prêts à voir des films. Ils sont prêts à voir des histoires. Et il n'y a pas de western noir parce qu'il n'y a pas de western blanc. Il n'y a pas vraiment de film noir. Le seul film noir que je connaisse c’est si le celluloïd que vous obtenez est noir. D'accord, c'est du film noir. Comment filmer sur pellicule noire ? C'est juste un film avec des personnages de couleur… Et c'est tout ce que je voulais voir.
J'adore le film L’Homme des vallées perdues, et il n'y a pas de Noirs dedans. Ce n'est pas un western blanc. Si vous et moi allons voir L’Homme des hautes plaines demain, un film de Clint Eastwood, on va juste regarder un western. C'est ça The Harder They Fall. Il y a des Noirs dedans. Le monde est prêt et a toujours été prêt pour de belles histoires. Même quand les gens disent qu'ils n'aiment pas les westerns. Eh bien je dis que vous aimez les westerns, vous n'avez tout simplement pas reçu la bonne alimentation et les vitamines dont vous avez besoin pour ces westerns en particulier.
Laissez-moi vous donner un point de vue différent et laissez-moi vous montrer des gens. Voyez Regina King dans le rôle de Trudy Smith. Voyez Idris Elba dans le rôle de Rufus Buck. Lakeith Stanfield dans celui de Cherokee Bill, et dites-moi que vous n'aimez pas les westerns. On veut juste voir de super films et de supers histoires. Et si on ne nous les donne pas, nous devons les créer. Je me présente : Jeymes Samuel (en souriant à nouveau).