De quoi ça parle ?
Étienne Lantier, vingt ans à peine, a dû fuir Lille après avoir tenté de syndiquer les ouvriers de son usine. Il trouve refuge à Montsou et obtient un emploi à la mine. Il découvre avec effroi la dureté du travail par six cents mètres de profondeur et les humiliations quotidiennes supportées par les mineurs. Il se décide cependant à rester, sensible au charme de Catherine, la fille du couple de miniers qui l'héberge.
Avec les semaines, Etienne devient un bon mineur et se fait adopter par tout le coron. Un jour, ses camarades et lui écopent d'une amende pour un boisage déficient. Alors que les esprits s'échauffent, Etienne réfléchit à un moyen de révolte et se met à rêver d'une révolution sociale....
Germinal - 6X52 minutes
Les mercredis 27 octobre, 3 et 10 novembre sur France 2 et en avant-première sur SALTO
C'est avec qui ?
Après une prestation remarquée dans la série Mental, Louis Peres, 25 ans, incarne un Etienne Lantier fougueux et charismatique, figure de proue de cette série chorale au casting prestigieux. Autour de lui, Thierry Godard (Engrenages) et Alix Poisson (Jeux d'influence) sont bouleversants dans les rôles de La Maheude et du Maheu, à la tête d'une famille de mineurs accablés par la pauvreté.
Jonas Bloquet (Filles de joie) campe un Chaval terrifiant face à la fille des Maheu, Catherine (Rose-Marie Perreault), aussi résiliente qu'impuissante face à la violence des hommes. Sami Bouajila (Un Fils) joue Deneulin, propriétaire indépendant écrasé par le poids des grandes compagnies minières, tandis que Steve Tientcheu (Les Misérables) est Rasseneur, ancien ouvrier tiraillé entre la prospérité de son cabaret et sa compassion pour les mineurs.
Du côté des propriétaires bourgeois, Guillaume de Tonquédec (Une Affaire française) incarne M. Hennebeau, propriétaire de la mine coincé entre les ordres des actionnaires et la révolte ouvrière qui gronde sous ses ordres, aux côtés de Natacha Lindinger (Sam), son épouse qui le trompe avec son neveu, un ingénieur des mines joué par Aliocha Schneider (Vampires), tandis qu'il est promis en mariage à la jeune Cécile Grégoire, jouée par Marilou Aussilloux (La Révolution.)
Ça vaut le coup d'oeil ?
Publié en 1885, le roman d'Emile Zola, dense et imposant pour de nombreuses générations de collégiens qui l'ont étudié au programme de français, n'en est pas à sa première adaptation. Six films en tout, dont le dernier en date, réalisé par Claude Berri en 1993, a marqué les esprits des téléspectateurs. En quoi cette nouvelle transposition pour le petit écran découpée en six épisodes vaut-elle le détour en 2021 ?
En découvrant les premiers épisodes de Germinal projetés en avant-première au Festival Séries Mania en septembre dernier à Arenberg, aux abords même de l'ancien site minier encore en activité au début du siècle dernier et où s'est déroulé une partie du tournage de la série, l'émotion était palpable au sein du public, composé pour partie d'anciens mineurs de fond et de leurs descendants.
Car l'histoire contemporaine française a rarement été illustrée avec autant d'acuité dans nos fictions, et autant en phase avec son territoire et ceux qui ont façonné l'histoire des luttes sociales. Pourquoi cette tiédeur, quand nos voisins anglo-saxons ont arpenté avec brio chaque période de leur histoire collective en fiction ?
Initialement publiés sous forme de feuilletons dans les journaux, les grands classiques de la littérature française du XIXème siècle s'inscrivent pourtant parfaitement dans l'ADN des séries, et sont une manne romanesque encore trop inexploitée. A ce titre, la récente sortie en salles d'Illusions perdues, adapté du roman de Balzac par Xavier Giannoli montre que son propos - une critique virulente du grand capital qui anticipait déjà la naissance des fake news - n'a rien perdu de sa pertinence aujourd'hui.)
En s'attaquant à l'oeuvre de Zola, Julien Lilti (co-scénariste de la saison 1 d'Hippocrate) aidé à l'écriture de Samir Oubechou, Clémence Lebatteux, Mélusine Laura Raynaud, Loïc Barrère, Chérif Saïs, Cheikna Sankare et Maud Garnier, s'est évertué à moderniser le propos du roman dont la richesse des différentes thématiques ne demandaient qu'à être revisitées.
Guerre des classes, conséquences de la révolution industrielle, dangers du démagogisme et de la figure du leader, violences sexistes, nécessité de l'union ouvrière et de la convergence des luttes : tout était déjà présent dans le matériau d'origine. Étendue sur six épisodes, la série permet de donner de l'ampleur à des aspects secondaires du roman à travers une réactualisation nécessaire du regard de l'auteur, notamment autour des problématiques propres aux personnages féminins.
Alix Poisson, totalement investie dans le rôle de la Maheude, souligne la place des femmes au coeur du processus d'enclenchement de la grève, elles qui descendaient aussi "au fond" et tenaient leurs foyers à bout de bras. Face à elle, Catherine, sa fille, se résigne par instinct de survie et accepte de passer à l'ennemi en allant travailler chez le concurrent avec Chaval, dont elle est tombée sous l'emprise après un viol qui n'est pas édulcoré pour le spectateur.
Deux systèmes de patronat sont illustrés dans la série : Deneulin (Sami Bouajila) et Hennebeau (Guillaume de Tonquédec) représentent un rapport différents aux employés, le premier se souciant de leur bien-être et prêt à investir sur le plan financier, et l'autre négligeant totalement leurs conditions de vie au point de brader leur force de travail.
Mais en montrant à part égale les conflits internes des dirigeants avec les mineurs, Hennebeau en tête, dont la sincérité du jeu de Guillaume de Tonquédec permettent au personnage de susciter assez d'empathie pour ne pas sombrer dans un manichéisme primaire, la série permet de comprendre les ramifications de la violence de tout un système.
Menée d'une main de maître par David Hourrègue, la réalisation de la série, coproduction de France Télévisions avec l'Italie et la Belgique, n'a rien à envier aux productions ultra-léchées de la BBC. De la direction des figurants au soin apportée à la musique (composée par la talentueuse Audrey Ismaël) jusqu'au choix de son casting choral, le réalisateur qui a fait ses armes sur la série adolescente SKAM France ne laisse rien au hasard, et achève de nous emporter lors de scènes d'action vertigineuses.
Une fiction avec un vrai souffle épique, par laquelle tout un chacun peut se laisser emporter et convaincre. Car on a beau connaître par coeur le sort déchirant des Maheu, l'ascension déchue d'Etienne Lantier ou la colère des mineurs accablés par la misère et l'injustice, voir ces "gueules noires" aujourd'hui sur une chaîne du service public prend une résonnance toute particulière.
Pourquoi refaire et revoir Germinal aujourd'hui ? À l'aube d'une nouvelle crise économique et sociale dans le pays, près de deux ans après l'émergence du mouvement des Gilets Jaunes, ce qui fait la force de l'oeuvre de Zola, humaniste révolté en son temps, est justement de réactualiser son propos à travers les époques, encore et encore, pour que les leçons du passé soient fécondes d'un avenir meilleur.
Pour aller plus loin autour de la série, écoutez David Hourrègue nous parler de la création de Germinal dans Spotlight, l'émission d'Allociné enregistrée lors du festival Séries Mania 2021 :
