Après avoir monté son premier spectacle en 2016 produit par Kader Aoun, Agnès Bande (par la suite renommé Avec ma bouche), où son ton corrosif et ses analyses crues sur le sexe lui avait permis de se faire un nom dans le milieu du stand-up parisien, de nombreuses chroniques humoristiques sur France Inter et plusieurs apparitions en tant qu'actrice au cinéma, Agnès Hurstel signe sa première série pour OCS avec Jeune et Golri, diffusée depuis le 2 septembre sur OCS.
Une suite logique à ses spectacles, née après trois ans d'écriture, et qui devait à l'origine être un long-métrage initié avec Victor Saint-Macary (réalisateur d'Ami-Ami) puis coécrit avec la scénariste Léa Domenach. Et un titre sous forme de revanche sur ses complexes d'adolescente.
"Quand j'étais petite, je lisais Jeune et jolie, le magazine des années 1990-2000, et j'étais vraiment déprimée parce qu'aucune page ne me reflétait", explique-t-elle. "J'ai porté un corset pendant dix ans, j'avais des bagues, des boutons, des lunettes.... Et les couvertures de Jeune et Jolie me faisaient pleurer. Comme j'étais déléguée de classe, j'étais obligée d'être la plus drôle pour survivre. Et du coup, Jeune et Golri, c'est un peu une réponse à ça !"
Nourrie de films abordant l'autofiction, comme la comédie Ma Femme est une actrice qui l'a marquée étant plus jeune, elle se sert du postulat de départ du genre ( "c'est quoi ma vie personnelle, comment je traite un conflit et comment j'en fais une œuvre de fiction") pour imaginer l'intrigue de la série, à l'instar de son premier stand-up qui parle de sa propre expérience de la découverte de la sexualité à l'adolescence.
"Je me suis mise à écrire sur le stand-up, un univers que j'étais en train de découvrir et qui me fascinait. Je trouvais ça très romanesque, c'était une matière à situations, à personnages et à histoires que de voir ces très jeunes personnes monter sur scène pour être quelqu'un, s'inventer une identité... Je trouvais que c'était une illustration parfaite de ce que signifie devenir adulte."
L'histoire de Prune (dont le nom est un hommage au surnom que sa tante, qui l'a initiée au théâtre, lui donnait lorsqu'elle était enfant) est celle d'une parentalité non voulue, imposée même, mais pleine de drôlerie et de leçons de vie. Un point de départ inspiré de sa propre expérience de belle-mère... avec un chat. "C'était la muse du projet. Je me suis dit : mais dans quoi je me suis foutue ? Je voulais être célibataire, amazone, faire la fête... Comment je trouve ma liberté là-dedans ?"
Une expérience partagée par de nombreux ami.e.s dans son entourage, qui se sont retrouvé.e.s beaux-parents du jour au lendemain avant même d'avoir pu envisager la parentalité. "Sociologiquement, je trouvais ça intéressant à analyser : comment, quand on se sent encore enfant, peut-on gérer un enfant ?" Avant cela, alors qu'elle fréquentait un garçon depuis seulement deux jours, se souvient-elle, celui-ci lui a demandé de garder son fils de cinq ans car il devait s'absenter pour retirer de l'argent, et n'est réapparu qu'une heure plus tard. "J'étais là avec ce gosse, et je me disais : 'gars, j'ai le même âge que toi dans ma tête, je ne peux pas te gérer !' "
La série joue justement sur ce rapport à la maturité : tandis que Prune se comporte de façon impulsive, comme une enfant, Alma (Jehanne Pasquet), la fille de son crush Francis (Jonathan Lambert), est aussi sérieuse qu'une adulte, jusque dans ses hobbies. Francis, présenté comme un homme "décrépi", va quant à lui s'éveiller au contact de Prune.
"Je suis très touchée par les personnages qui sont dans un espèce de tunnel de vie, comme peuvent l'être Francis ou son ex-femme (Ophélia Kolb), et qui n'ont pas le temps de se reconnecter à leur enfant intérieur. Ce sont des gens en chantier, qui vont se réveiller et se réparer en se rencontrant. En fait, tout le monde est en chantier dans la vie, en échec d'un truc passé, c'est ça qui me touche."
L'idée de la série naît enfin du sentiment de solitude provoqué par ses trois années de seule-en-scène, pour celle qui s'est tout d'abord formée en danse classique puis au théâtre. "Le stand-up c'est génial, mais comme je viens du théâtre, j'avais hâte de ne plus être seule sur scène et de faire un truc avec des amis !"
Très vite s'impose le choix de faire de Jeune et Golri une comédie sous forme de série plutôt qu'un film, comme cela devait être initialement le cas. "Je pense que c'est une histoire de génération. Et la comédie, parce que c'est là où je suis le plus à l'aise. Je milite pour qu'on donne ses lettres de noblesse à la comédie en France. Je suis pour qu'on ose aborder tous les sujets, je trouve que la pédagogie se fait souvent par le biais de l'humour."
En matière d'humour justement, la chaîne a laissé carte blanche à la créatrice, qui cite Dumb et Dumber des frères Farrelly comme référence ultime de comédie potache, en leur demandant même d'insister sur le côté trash. "On voulait que ce soit rigolo, honnête et pas du tout lisse, comme dans la vie. La série prend l'apparence d'une comédie romantique, mais ça n'en est pas une. C'est plutôt un buddy movie entre Prune et la fille de son mec", analyse Hurstel.
Cette dernière est incarnée par Jehanne Pasquet, une jeune actrice décrite comme "démente" par Hurstel. "Elle a apporté beaucoup de joie au personnage, un regard pétillant à cette enfant décrite comme très angoissée, fan de Napoléon... Elle pouvait vite être très chiante, cette Alma ! [Jehanne] était très impressionnante, c'est vraiment une comédienne à qui tu parles comme à une adulte."
Jeune et Golri, récit coming of age sur une jeune femme immature qui apprend à devenir adulte au contact d'une enfant, est diffusé chaque jeudi à 20h40 sur OCS.