Intégralement tourné en conditions réelles, The Deep House, le nouveau film d'horreur du duo de réalisateurs français Alexandre Bustillo et Julien Maury (A l'intérieur) sort aujourd'hui dans nos salles obscures.
Porté par Camille Rowe et James Jagger (le fils de Mick Jagger), le long-métrage suit un couple spécialisé dans l'urbex (exploration urbaine) qui décide d’aller explorer une maison réputée hantée ensevelie sous un lac artificiel. Mais celle-ci semble se refermer sur eux et ils se retrouvent prisonniers de cet endroit chargé des plus sombres histoires…
Tourné dans un bassin de 9 mètres de profondeur situé en périphérie de Bruxelles, le long-métrage est un vrai défi technique. Nous nous sommes entretenus avec les cinéastes Alexandre Bustillo et Julien Maury qui nous dévoilent les dessous de ce film de genre français innovant.
Découvrez également l'interview vidéo ci-dessus avec la comédienne principale du long-métrage.
AlloCiné : Comment vous est venue l’idée de tourner The Deep House, un film de maison hantée sous l'eau ?
Alexandre Bustillo : On était en train de se promener et comme à chaque fois on parle de cinéma et ça dérive souvent sur des idées à la con qui fusent dans tous les sens. Un soir on se dit qu'on adore les films de maisons hantées. C'est un genre qu'on avait déjà abordé avec notre deuxième long-métrage, Livide, mais on avait envie de revenir à ce sous-genre, sous un axe un peu nouveau.
On a donc continué à en discuter et dans la foulée on se dit qu'on adore les séquences sous-marines dans les films, même si c'est plutôt rare. Et là on a l'idée de mêler les deux et de faire un film de maison hantée sous l'eau. Et tout de suite, le titre nous est apparu : The Deep House.
Le soir même, on a écrit un court pitch, on a récupéré sur une banque d'images une photo de plongeur et une photo d'un site d'urbex en y ajoutant un filtre qui faisait eau. C'était vraiment bricolé, mais grâce à ça on a réussi à emmener notre producteur Clément Miserez avec nous dans l'aventure. Il a tout de suite accroché au concept sans en savoir plus puisqu'on n'avait pas encore de scénario.
J’imagine qu’avant de vous lancer dans l’aventure vous avez rencontré des experts...
Julien Maury: Tout à fait. On est arrivé avec notre concept, un peu comme des fleurs. C'est notre sixième long métrage, on a donc quand même un petit peu d'expérience et on se doutait que ça n'allait pas forcément être une partie de plaisir. On a avancé pas à pas dans la préparation de ce film. On a commencé par prendre des conseils, parce qu'un film entier tourné sous l'eau sans effets spéciaux, ça n'a jamais été fait avant.
Le fait que ce soit réputé compliqué a galvanisé tout le monde !
Et il y a peut-être une raison à ça... Mais le fait que ce soit réputé très compliqué, voire impossible, a galvanisé les équipes. Ça a créé une espèce d'émulation, et tout le monde s'est dit "On ne peut pas le faire ? Très bien, faisons-le car c'est génial ! Si on arrive à sortir un film comme ça en France, ce serait super, on va sur le terrain des Américains".
On fait un film de vrai divertissement, hyper ambitieux, avec un concept étonnant. On a donc commencé par rencontrer un chef opérateur : Jacques Ballard. C'est un spécialiste des tournages sous-marins. On l'avait repéré suite au clip Running de Beyoncé, où il filmait Guillaume Néry, champion du monde d'apnée, et Julie Gautier, en train de courir sous l’eau comme si de rien n'était.
Il l'a fait en conditions réelles, sans aucun trucage, et c'est exactement ce qu'on voulait. Très vite, il nous a dit "Théoriquement c'est possible, maintenant, voilà les contraintes : il va falloir essayer de contourner ça, résoudre ça, ça, et ça...". Donc, on a avancé avec lui.
En parallèle, on a rencontré un chef décorateur (Hubert Pouille) qui avait une expérience énorme, qui avait fait des dizaines de films et à qui on a posé la même question. Il nous a répondu : "Je ne sais pas, je n'ai jamais fait ça. En théorie c'est possible mais il faut faire des tests."
On a donc fait des tests de matériaux, pour savoir ce qui résiste sous l'eau, ce qui tient suffisamment pour rester au moins une semaine, voire dix jours immergé. On a testé des peintures, des colles, des vernis, des textures et des patines. Est-ce que ce sera la même patine qu'au sec ? Est-ce que ça prend la lumière de la même manière ?
Et puis il y avait aussi la question de la sécurité, il ne faut pas construire de plafond pour pouvoir laisser nos plongeurs remonter en cas d'urgence. Bref, il y a eu tous ces problèmes, mais encore une fois, on avait tous la volonté de le faire.
Sur ce film on a été des "amalgameurs" de talents, on leur a dit "vous savez tous faire des trucs que l'on ne sait pas du tout faire, donc on s'en remet à vous". On leur a dit ce qu'on voulait obtenir. Ça a été un vrai travail d'équipe.
Les acteurs ont été coachés par les plongeurs professionnels Justine Charbonnier et Thibault Rauby c'est bien ça ?
Alexandre Bustillo : Oui, James Jagger et Camille Rowe se sont entraînés avec Justine Charbonnier et Thibault Rauby, qui sont de très grands plongeurs. Ils font beaucoup de cinéma. En règle générale, ils sont techniciens. Là c'est la première fois où ils ont aussi été acteurs-cascadeurs puisqu'ils doublent Camille et James dans les scènes d'action trop compliquées.
Il faut savoir qu'un bon plongeur, avec un physique assez costaud comme James, par exemple, est déjà assez fatigué au bout d'une heure de plongée. Et on faisait des plongées de 9 à 10 heures par jour. Donc on ne pouvait pas se permettre de demander ça aux acteurs. Il y avait une vraie alchimie entre les plongeurs et les acteurs.
Pouvez-vous nous raconter une journée type de tournage sous l’eau ?
Alexandre Bustillo : On avait des PAT (prêt-à-tourner) à 9 heures du matin. Sauf que, évidemment, on n'était pas sur un tournage classique... Avant chaque plongée, on faisait d'intenses réunions de plus de 2 heures. On ne lançait pas le premier « action » des fois avant 11h30 / 12h.
Tout doit être carré et précis avant la mise à l’eau.
On voyait tous les déplacements avant le tournage. On avait le décor en maquette : toutes les pièces de la maison étaient très détaillées et on utilisait des Playmobil en guise de plongeurs. On répétait au sec avec toute l'équipe : les acteurs, les plongeurs, les techniciens...
A l'image ils sont 2 dans la maison, mais en réalité il y avait 40 personnes. Il y avait deux plongeurs sécurité pour chaque acteur, les plongeurs machines, les électriciens, les accessoiristes... Ça fait du monde à gérer alors qu'on était au sec. Ça prenait beaucoup de temps pour se mettre en branle, mais il fallait que tout soit carré et précis avant de se mettre à l'eau.
Après ces longues réunions, on tournait. Mais là encore, c'était différent des autres tournages où les prises durent 1 à 2 minutes. On faisait des prises de 45 minutes avec 4 caméras. Quand tout le monde était sous l'eau, il fallait tourner un maximum. A la fin de la journée on avait 7h de rushs !
Du terreau et des choux de Bruxelles pour donner l’impression d’une eau sale
Et puis, il y avait là aussi la gestion des particules, qui était un vrai dossier parce que l'eau de la piscine est très claire et nous voulions vraiment donner l’impression d’une eau chargée, sale comme une eau de lac, donc on projetait en permanence des particules.
Particules qu'on avait sélectionnées suite à un long casting de particules fines… On a finalement retenu le terreau et le chou de Bruxelles finement haché qu'on diluait avec du lait, et on propulsait le tout dans l'eau pour donner un effet un peu nuageux et vaporeux à l'image.
Comment avez-vous tourné les scènes avec les fantômes, qui n'ont pas de bouteilles de plongée ?
Julien Maury : Pour les marcheurs, on a tout fait sous l'eau sans exception. On voulait vraiment faire un film en conditions réelles pour apporter ce côté à la fois anxiogène, mais en même temps très poétique et onirique, du côté sous-marin. Et effectivement, pour les habitants de la maison on a voulu procéder de la même manière. C'est-à-dire qu'on a fait appel à des apnéistes qui n'avaient pas de bouteilles de plongée.
C'était un peu différent, notamment pour les vêtements, car le tissu prend l'eau et devient très lourd. Ils ne se déplacent pas comme on veut, les robes flottent par exemple, donc il a fallu qu'on fasse des tests, qu'on les lestent avec du plomb.
On les emmenait sous l'eau et ils y restaient. C'est à dire qu'entre les prises, des plongeurs sécurité leur mettaient les détendeurs d’airs dans la bouche, parce qu'eux ne voyaient rien les yeux ouverts sous l'eau.
Et puis la dynamique des personnages sous l'eau était différente. Les fantômes sont chez eux, ils se promènent dans leur maison. On voulait casser l'horizontalité du déplacement des plongeurs.
Les fantômes devaient se tenir droits et marcher, comme si la gravité était la même qu'à l'extérieur. Ça a aussi été aussi un gros défi parce qu’évidemment, sous l'eau, il n'y a aucun point d'accroche. On a donc dû mettre en place des systèmes de tractage avec des fils de nylon et des machinistes qui les remontaient avec un moulinet pour les faire avancer sous l'eau.
La bande-annonce de The Deep House