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    La Terre des hommes : un "#MeToo à la campagne" avec Jalil lespert, Diane Rouxel et Finnegan Oldfield
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 13 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    Ce mercredi sort "La Terre des hommes", second long métrage de Naël Marandin. Un drame subtil et puissant sur - pour résumer - une affaire #MeToo dans le monde agricole, porté par Jalil Lespert et Diane Rouxel. Rencontre avec l'équipe du film.

    La Terre des hommes est un film dont on ressort le souffle coupé, par sa justesse et sa façon de mettre en lumière une relation ambiguë mais surtout abusive. Sur fond d’exploitation agricole (milieu dépeint avec minutie et justesse), une jeune femme (Diane Rouxel) va être confrontée à un abus de pouvoir (de la part du personnage de Jalil Lespert) et se retrouver dans une relation non consentie, alors qu’elle est sur le point de se marier avec un autre homme (Finnegan Oldfield).

    Ce second long métrage de Naël Marandin traite sans détour de la question du consentement, et les conséquences d’une relation abusive non consentie. Un film qui trouve un écho particulier à l’ère de Me Too. nous avons rencontré l'équipe du film, qui nous a précisément parlé des difficultés de mener à bien un projet comme celui-là, à une période alors pré-#MeToo.

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    "Nous sommes entrés en financement du film, avec mon producteur, avant l'affaire Weinstein", se souvient le réalisateur et scénariste Nael Marandin à notre micro. "Ce qui était très étonnant, c'était les réactions au projet. Les gens ne saisissaient pas la problématique du film, cette relation trouble." Et d'ajouter: "Je sortais de ces rendez vous en me disant que c'est la preuve qu'il fallait faire le film... Les actualités de ces dernières années ont complètement changé le regard sur le film."

    Jalil Lespert confie avoir lui-même hésité, eu des réticences au départ, avant de changer complètement d'avis.  "J'ai eu très peur et c'est très bizarre parce que je m'en suis souvenu en découvrant le film ici (au Festival du film francophone d'Angoulême, Ndlr.) En y repensant ce matin, je me suis dit : "Mais en fait, c'est vrai qu'au début, j'ai fui".

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    "C'est étonnant de se dire que jouer un gros méchant, on trouve ça hyper facile et même jouissif en général... Par contre, dès que ça touche à l'intime, à la sexualité, ça me dérange énormément. Je ne pense pas avoir trop froid aux yeux justement comme acteur. Mais j'ai eu des réticences en me disant : "comment je vais avoir, moi, de l'empathie pour lui." Ensuite, justement, moi, je l'ai abordé en me disant : "le sujet est plus fort que ton envie ou pas d'acteur".

    "Il faut porter ce sujet. J'ai quelqu'un de très proche de ma famille dont la parole s'est libérée entre guillemets grâce à ce mouvement Me Too. Donc, je ne me suis pas plus posé de questions après ça sur mon envie de participer au projet."

    "Puis, avec Naël Marandin, toutes nos discussions tournaient beaucoup autour de la notion de déni et sur le fait que cet homme, comme beaucoup d'hommes de pouvoir, à un moment donné de leur vie, ne pensent pas qu'ils ont du pouvoir quand ils séduisent. On ne se dit pas qu'on a une emprise sur l'autre parce qu'on a du pouvoir sur l'autre. Encore plus peut être pour cet homme. Il se sert de ce pouvoir pour séduire, comme on se servirait d'une belle bagnole ou je ne sais quoi."

    "Son aveuglement et son déni m'intéressaient plus que sa violence. Parce qu'en fait, c'est ça qui fait que le personnage continue, qu'il se regarde dans une glace, qu'il se lève le matin...", complète Nael Marandin. "C'est aussi son métier d'emmener les gens dans son sens. Il fait un peu l'amalgame entre tout ça. Obtenir le consentement des gens, c'est son métier. Sylvain ne se considère pas comme un bourreau. Constance ne considère pas comme une victime pendant la majeure partie du film."  Diane Rouxel confie : "C'est ce que je trouve intéressant dans le personnage, c'est qu'elle n'a pas juste le statut de victime dans le film. C'est une battante."

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    Pour qualifier la relation ambigüe qui se joue entre leurs deux personnages, Diane Rouxel parle d'"abus de pouvoir", de "rapport de force". "Pour Constance, Sylvain est quelqu'un qu'elle admire, qui est charismatique, beau, plutôt sympathique, que tout le monde aime bien, et c'est le seul qui peut l'aider à faire aboutir son projet et à réaliser ses rêves, qui peut l'aider et c'est ce qu'il lui fait croire. C'est très compliqué pour elle. Quand il abuse d'elle, je crois qu'elle ne sait pas bien." 

    Elle poursuit : "Les spectateurs, eux, comprennent très bien. Mais pour Constance, c'est plus compliqué, elle met du temps pour mettre les mots sur ce qu'il s'est passé. Au début, elle se dit que si elle ne le dit à personne, la vie pourra continuer comme si de rien n'était. Mais elle se rend compte que c'est impossible."

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    "Je ne souhaite pas théoriser. Mais je vais plutôt partir de là où m'est venue l'idée du film. Le projet est venu du constat, à un moment, du nombre de femmes autour de moi, qui me racontaient comment elles se sont retrouvées dans une situation où il y a eu -et je vais utiliser ce terme là génériquement pour le moment, à dessein- mais un rapport sexuel non désiré, au sein du couple, pas au sein du couple...", détaille Naël Marandin sur ce qui a motivé ce film.

    "Je me suis rendu compte à quel point c'était généralisé, et qu'à chaque fois, c'était une forme d'autorité, une forme de prestige, une forme de domination, due au fait que c'était quelqu'un de la famille, un prof, un entraîneur, un supérieur hiérarchique, quelqu'un pour qui on a une admiration, un copain du grand frère..."

    "Il n'y a pas besoin de menaces ou de contraintes pour être dans une forme de domination, qui devient une domination physique et sexuelle. C'était ça qui m'intéressait dans le film. Je voulais inscrire les violences sexuelles dans la domination des corps, dans le champ plus large des champs de la domination."

    La Terre des hommes est à l'affiche ce mercredi.

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