La pandémie ne leur a pas permis de se déplacer en France, mais qu'à cela ne tienne puisque l'équipe de la série Love, Death + Robots était présente cette année au festival d'Annecy pour un panel en ligne entièrement dédiée aux coulisses du show animé Netflix !
Parmi les intervenants, le créateur de la série Tim Miller, le producteur délégué David Fincher, la réalisatrice Jennifer Yuh ou encore le superviseur des effets visuels français Jérôme Denjean. L'occasion d'en apprendre un peu plus sur la série animée phénomène qui fera par ailleurs prochainement l'objet d'un artbook, mais également d'un recueil de nouvelles regroupant toutes les histoires de la première saison !
Les origines du projet
C'est l'association des deux cinéastes Tim Miller et David Fincher qui a marqué le coup d'envoi du projet Love, Death + Robots. Alors que les deux hommes s'étaient déjà cotoyés par le passé (Miller - par le biais de sa société d'animation Blur - avait travaillé sur les effets visuels de Millenium : Les hommes qui n'aimaient pas les femmes), c'est leur amour commun pour l'animation pour adultes qui les a poussés à faire aboutir ce projet unique en son genre.
"David Fincher est un réalisateur très technique porté sur l’expérimental, et nous nous sommes très vite rendus compte que nous avions les mêmes goûts. A l’époque où nous avons lancé la série, il n’existait que très peu d’animation pour adultes en occident, et encore moins avec des gros budgets comme chez Pixar et Disney" résume Tim Miller en ouverture du panel organisé par le festival d'Annecy.
Pour autant, le but des deux cinéastes n’était pas de "réparer" l’industrie de l’animation, pour reprendre les termes employés par Miller, mais bien d'explorer un nouvel horizon propice au développement de leur imagination, comme l'explique David Fincher : "Non, simplement nous voulions nous amuser et faire autre chose que des histoires d’animaux qui chantent (rires). Nous voulions raconter des histoires mettant en scène des personnages qui s’entretuent."
Du jamais vu en Occident
"J’ai le souvenir des sorties au cinéma de Ghost in the Shell et Akira. A l'époque, personne ne comprenait pourquoi ce genre de film ne voyait pas le jour à Hollywood. Mais la réponse est tout simplement qu’il n’existait à l’époque aucun public pour ce genre de production" explique, quant à elle, la réalisatrice Jennifer Yuh.
Nouvel el dorado de l'industrie américaine, l'animation pour adultes connait désormais un engouement inouï, un changement de statut auquel n'est sûrement pas étranger Love, Death + Robots : "Faire des contenus plus mûrs, sans pour autant se détourner de la comédie, c’est le pari qu’a réussi à relever Love, Death and Robots, et l’engouement pour l’animation pour adultes n’est en soi pas une nouveauté, c’est simplement qu’auparavant il n’existait pas d'opportunité auprès des studios pour faire ce genre de série."
Convaincre Netflix de produire la série n'a d'ailleurs pas été une simple affaire, comme le rappelle Tim Miller : "Quand nous avons rencontré Netflix pour leur parler du projet avec David, nous avons lancé une bande-démo conçue par le studio d’animation Blur (...). Netflix fonctionne énormément par algorithmes, selon les recherches et les consommations de leurs abonnés, mais ils étaient embêtés car ils n’arrivaient pas à rattacher le projet à quoi que ce soit."
Face à l'incapacité de la ranger dans une case, Love, Death + Robots a longtemps essuyé les refus des networks et studios américains; par chance, la plateforme a finalement pris le risque de produire le programme, ouvrant alors la voie à une toute nouvelle ère pour l'industrie de l'animation occidentale.
Une prise de risque pour Netflix d'autant, comme le rappelle Tim Miller, qu'il est très rare de pouvoir vendre une idée à un studio un projet sans la garantie d'un succès au box-office : "Une règle d'or à Hollywood est qu’il est très difficile de vendre un projet original, surtout s'il est impossible de le comparer à un film ou une série déjà produit."
Réunir des talents d'horizons divers
Nouvelle venue dans la série (elle n'avait pu participer à la première saison, pour cause d'indisponibilité), Jennifer Yuh ne cache pas sa joie d'avoir pu travailler sur la série : "Ma présence au casting de la série peut surprendre, du fait de mes travaux précédents (Kung-Fu Panda 2 et 3). Mais mes projets personnels ont toujours été plus sombres, et j’ai été ravie d’obtenir l’opportunité de pouvoir faire accomplir un projet qui correspond pleinement à ma personnalité."
La particularité de Love, Death + Robots, outre son format anthologique, est de changer de style d'animation à chaque épisode; une volonté pour offrir à chacune des histoires une identité propre, mais également pour s'entourer d'artistes internationaux de talent. C'est d'ailleurs l'association de ces esprits qui est à l'origine du succès de la série, selon Jérôme Denjean :
"Je travaille avec Tim depuis vingt ans et j’ai déjà collaboré à quelques reprises avec David, donc je connais bien leur noirceur. Mais en voyant arriver Jennifer qui possède une personnalité totalement différente , cela a donné une symbiose d’esprits créatifs. Je me souviens notamment avoir dévoilé une scène violente qu'on beaucoup aimé Tim et David ; Jennifer était ravie de leur réaction et que son travail soit apprécié de la sorte (rires)."
Un avis partagé par Jennifer Yuh, qui semble avoir énormément apprécié de travailler avec des cinéastes d'horizons divers : "Ce qui est passionnant c’est que beaucoup de réalisateurs viennent d’univers totalement différents que celui de la série ; certains produisaient des contenus moins sombres, d’autres des productions moins narratives (...) Je formais une sorte de duo bon flic / mauvais flic avec Tim, j’apportais aux réalisateurs le réconfort dont ils avaient besoin après qu’il leur ait fait des retours sur leur travail (rires)."
Le format court
Pour David Fincher, on minimise énormément la difficulté de l'écriture sur un format court. Le talent des scénaristes de Love, Death + Robots réside pourtant dans leur capacité à concevoir une histoire, des personnages et tout un univers en à peine une vingtaine de pages de scénario. "C'est inouï tout ce qu'ils arrivent à créer dans un format aussi court" s'émerveille-t-il, un constat partagé par l'ensemble de ses collègues et notamment Tim Miller, lui-même un grand fan lecteur de nouvelles :
"Parfois je lis des critiques qui réclament que telle ou telle histoire soit étendue en long métrage. (...) L’avantage du format actuel est qu’il nous permet de couvrir de nombreux genres, des formats d’animations différents, ce qui nous serait impossible si nous produisions des longs métrages. Ce n’est tout simplement pas la même chose."
L'impact du confinement
L'apparition du Covid 19 a-t-elle eu un impact sur la production de la seconde saison ? S'il ne nie pas les conséquence que le confinement a pu avoir sur le fonctionnement de la production, Tim Miller note pourtant que seul le cadre de travail a finalement été affecté, "notamment en France qui a été un pays particulièrement touché par l'épidémie".
Alors que les équipes ont opté pour le travail à domicile en attendant la réouverture des studios, Jennifer Yuh salue l'efficacité de l'industrie de l'animation, la seule à n'avoir jamais cessé son activité, une situation exceptionnelle qui a permis de préserver des milliers d'emplois. "C'est incroyable ce qu'il a été permis de faire, et c'est même un excellent signal".