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    Plus Belle la vie : "l'agression de Patrick montre que cela peut arriver à tout le monde" pour la productrice
    Julia Fernandez
    Julia Fernandez
    -Journaliste Séries TV
    Elevée à « La Trilogie du samedi », accro aux séries HBO, aux sitcoms et aux dramas britanniques, elle suit avec curiosité et enthousiasme l’évolution des séries françaises. Peu importe le genre et le format, tant que les fictions sortent des sentiers battus et aident la société à se raconter.

    Alors que la série aborde le sujet douloureux des violences sexuelles à travers le viol du commandant Nebout, joué par Jérôme Bertin, retour sur la conception de cette intrigue forte avec Géraldine Gendre, productrice de Plus Belle la vie.

    Olivier Martino - FTV - TELFRANCE

    Plus d'un an après le début de la crise sanitaire et l'interruption des tournages, avez-vous retrouvé une certaine sérénité dans la production de Plus Belle la vie ?

    Géraldine Gendre, productrice : Malheureusement, on s'habitue ! (rires) On jongle en permanence, ça nous demande plus de travail qu'avant parce que nos équipes et nos comédiens sont exposés à des risques, comme tout un chacun. Mais on s'habitue à tout, c'est le principe de la résilience !

    La série aborde en ce moment le thème des violences sexuelles, dans une intrigue où le personnage masculin, Patrick Nebout, subit un viol. Qu'est-ce qui a motivé le choix d'aborder ce sujet encore très tabou et rarement illustré du point de vue d'un homme ?

    L'idée remonte à avant mon arrivée, notre pool d'auteurs voulait traiter des violences faites aux hommes, et c'est parti de là. Après, la question était de savoir comment le traiter, et surtout quand on pouvait se permettre d'aborder ce type de sujet très tabou, parce que quand on fait ça, on le fait pour ouvrir une brèche, ouvrir un débat. 

    Plusieurs choses m'ont mise la puce à l'oreille : une interview de Marine Turchi qui avait fait toute l'enquête autour d'Adèle Haenel, et où elle disait qu'elle recevait beaucoup de signalements de violences sexuelles. Et elle observait un phénomène nouveau : sur la proportion des témoignages reçus, il y avait 80% de femmes et 20% d'hommes. Qu'ils soient victimes, témoins ou proches de victimes, c'était assez nouveau comme statistique. Je me suis dit que cela signifiait peut-être que la libération de la parole des femmes permettait aussi la libération de la parole des hommes. Nous sommes partis de là, en nous disant que c'était le moment d'en parler.

    Pourquoi avoir fait le choix d'un personnage comme Patrick Nebout, qui est un commandant de police assez viril et traditionnel, en apparence inébranlable ?

    C'était un choix totalement libéré de porter sur l'emblème de la virilité et de la puissance physique, car c'est un grand gaillard, pour montrer que ça peut arriver à tout le monde. Y compris pour les violences faites aux femmes, on a pas besoin d'être une petite chose pour être agressé, malheureusement, ça peut arriver à tout le monde. De l'incarner sur quelqu'un qui possède une certaine stature montre bien qu'en situation de danger, et d'autant plus de danger de mort, la contrainte est plus forte.

    Plus belle la vie
    Plus belle la vie
    Sortie : 2004-08-30 | 26 min
    Série : Plus belle la vie
    Avec Michel Cordes, Sylvie Flepp, Cécilia Hornus
    Spectateurs
    1,3
    Streaming

    En échangeant avec les directeurs d'écriture de la série, aviez-vous certaines appréhensions, notamment sur le degré de violence à montrer à l'écran, et sur les réactions morales ou non du personnage suite à son viol ? En choisissant le chemin de la vengeance, par exemple...

    Evidemment. On a pris beaucoup de temps pour l'écrire, car c'était un sujet très délicat, et nous voulions le traiter au plus proche de la réalité. Quelque part, on décortique un processus d'agression sexuelle : qu'elle soit contre un homme ou contre une femme, le processus de honte, de non-dits, de dégoût de soi, de refus du statut de victime, l'idée c'est de montrer que sans libération de la parole, on souffre. Tant qu'il y a de la souffrance, on ne peut pas vivre, donc on ne peut pas s'en sortir tout seul. 

    En cherchant des témoignages, on s'est rapprochés d'une association qui s'appelle Les Résilientes, qui est une des rares associations à avoir des groupes de paroles de victimes hommes en non-mixité et des groupes de paroles mixtes. Jérôme Bertin, le comédien, a rencontré certaines victimes. Certes, peu de fictions ont traité ce sujet, mais il y en a eu : je pense à la série The Shield où il y a une scène d'une violence extrême, et l'idée avec Jérôme, c'était de ne pas faire "à la manière de". On voulait rester proches de la réalité, et ces échanges avec les victimes l'ont beaucoup aidé à incarner ce personnage dans cette situation extrême. 

    Par rapport à la représentation de la violence, quand vous regardez la séquence, on ne voit rien. Ce qui est violent, c'est ce qu'on imagine, ce qu'on projette, parce qu'on est en empathie avec le personnage. C'est toute la puissance de la scène.

    La libération de la parole est cruciale dans cette thématique; pensez-vous qu'en sensibilisant un public qui n'est pas forcément préparé au sujet, cela peut aider à faire bouger les choses et inciter les potentielles victimes à parler ?

    C'est pour ça qu'on l'a fait. Sans cette histoire, on ne serait pas là à en discuter ensemble, et vous ne seriez pas en train de relayer ce phénomène. Jérôme s'est beaucoup documenté, c'est un ancien journaliste, et lorsque j'échangeais avec Philippe Vandel sur Europe 1, il m'a rapporté ces chiffres : à priori, un homme sur 25 a été victime de viol, aussi bien enfant qu'adulte. Mais un homme sur 25, c'est colossal ! Ce n'est pas un épiphénomène. Ce qu'on espère, on traitant de ce sujet-là, c'est permettre à des victimes qui souffrent en silence de peut-être se libérer, se dire que ce n'est pas tabou et que pour aller mieux il faille parler, se faire aider. Jérôme a reçu des témoignages de gens lui disant qu'ils avaient été bouleversés, ramenés à des choses vécues.

    On reçoit beaucoup de témoignages en direct lors de nos émissions post-prime autour de thématiques fortes; ça avait été le cas notamment lors de l'intrigue sur le viol conjugal, qu'on a traité il y a quelques années. Certains témoignages nous ont vraiment donné la chair de poule : des femmes nous disaient qu'elles ignoraient qu'elles se faisaient violer, et qu'elles avaient eu un déclic. Ca nous rappelle notre mission, et pourquoi on fait ce métier. Bien sûr, Plus Belle la vie ce n'est pas que ça, c'est aussi du divertissement, de la comédie, de la romance, du thriller... Mais c'est dans notre ADN d'ouvrir le débat.

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