Août 1992 : naissance d'un jeu culte
En 1992, les salles d'arcade étaient encore loin de subir de plein fouet la concurrence des consoles de salon, qui sortiront plus tard vainqueur de ce combat un peu inégal. A cette époque, l'effervescence règne au sein de la communauté des joueurs. Le jeu de combats Street Fighter 2, développé par Capcom, suscite un raz de marée, et règne en maître dans les salles d'arcade. De nombreux éditeurs, flairant le filon, tentent de lui disputer la place de champion incontesté des jeux de bastons. Parmi eux, un éditeur qui a sans doute le nez un peu plus creux que les autres : Midway Chicago, qui va créer l'événement avec un jeu reposant sur deux concepts inédits pour l'époque : Mortal Kombat.
Les sprites des personnages sont en effet réalisés à partir de vidéos d'acteurs numérisés ; une technique testée deux ans plus tôt par l'éditeur Atari pour son jeu d'arcade Pit-Fighter. Et surtout, clou du spectacle, un déchaînement d'ultra violence encore jamais vu dans les combats, où les personnages déversent des hectolitres de gerbes de sang, avant que le vainqueur n'achève son opposant dans ce qui constitue l'acmé du combat : les célèbres Fatalities.
Autrement dit, des mises à mort sauvages de l'adversaire, qui iront d'ailleurs crescendo en matière de sadisme et de trouvailles au fur et à mesure des sorties des jeux dans les années suivantes : décapitation par uppercut, arrachage de la colonne vertébrale, un baiser de la mort, un combattant transformé en torche vivante, arrachage du coeur... Même les zones de combats se prêtent au jeu de massacre, comme l'arène "The Pit", où il est possible de précipiter son adversaire du haut d'une passerelle pour qu'il s'empale en contrebas. Si le cinéma a sur le thème de la représentation graphique de la violence déjà pas mal de longueurs d'avance, c'est une révolution dans l'univers vidéoludique.
Ci-dessous, une publicité US annonçant l'arrivée de Mortal Kombat sur consoles...
La violence des jeux vidéo au coeur du débat politique
Violent, gore et spectaculaire, Mortal Kombat a un doux parfum d'interdit. Si bien que la polémique et les associations de parents ne manquent évidemment pas de s'emparer du sujet, ce qui contribue à faire de la publicité au jeu. En 1993, déjà, le Congrès américain se penche sur la violence dans les jeux vidéo, tandis que le sénateur Joseph Lieberman pourfend le cas emblématique de Mortal Kombat. Un processus qui aboutira à la création de l'Entertainment Standards Review Board (ESRB), l'organisme US de classification des jeux vidéo. Doté d'une législation particulièrement sévère, l'Allemagne quant à elle fait saisir en mars 1994 tous les jeux Mortal Kombat adaptés sur consoles, à l'exception de la version Game Boy. Motif : coupable de montrer des "actes cruels envers les individus". Une confiscation levée seulement...en 2004.
Ci-dessous un (très !) long montage des fameuses Fatalities, du Mortal Kombat de 1992 au Mortal Kombat sorti en 2011 (le 9e volet de la franchise). Attention, âmes sensibles s'abstenir...
Deux petits génies fans de Jean-Claude Van Damme
Derrière la saga Mortal Kombat se cache en fait un duo : Ed Boon, programmeur et game designer, et John Tobias, dessinateur de comics, qui a conçu le look des personnages et les environnements du jeu. Bien que sorti en 1992, la genèse de Mortal Kombat remonte en fait à 1989. A l'origine, le tandem voulait conçevoir un jeu autour de Jean-Claude Van Damme, depuis qu'ils l'avaient vu exploser auprès du grand public un an auparavant avec Bloodsport, tous les coups sont permis. Indisponible, l'acteur décline finalement le projet. En guise d'hommage malgré tout, l'équipe de développement créera le personnage de Johnny Cage, qui reprend d'ailleurs certains de ses coups, notamment son fameux grand écart-coup de poing dans les parties intimes...
Ci-dessous, le making-of d'époque sur la création des personnages et son casting :
De multiples références cinéma
En amoureux du cinéma, les développeurs ont d'ailleurs introduit dans la saga Mortal Kombat des références sympathiques. Ainsi, le visage du personnage de Kano est inspiré du Terminator. Le design du personnage de Raiden, le dieu de la foudre, reprend celui du personnage de Lightning dans le film de John Carpenter, Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin ; tandis que l'attaque du chapeau du moine Shaolin Kung Lao, qui fait son apparition dans Mortal Kombat II, est un hommage au personnage de Oddjob dans Goldfinger...
Après Mortal Kombat, Midway Chicago a ainsi créé cinq suites sur bornes d'arcades et les autres systèmes de jeu, en veillant à ce que la franchise maintienne son quota de "Fatalities" bien entendu. Dans Mortal Kombat II puis Mortal Kombat 3, de nouvelles façons d'exécuter l'adversaire font leurs apparition : "Brutalities", où l'adversaire est réduit en steak haché ; "Animalities", où le personnage se transforme en un animal sauvage pour tuer l'adversaire. Plus étonnant et en contrepied total de la sauvagerie des mises à mort : les "babalities", où l'adversaire est transformé en bébé, ainsi que les "Friendship", où l'ennemi a la vie sauve. Ces deux dernières alternatives furent introduites, non sans un brin d'ironie, dans un souci de contenter les mouvements anti-violences particulièrement virulents aux Etats-Unis.
Ci-dessous, un montage des "Friendship" et "Babalities" de Mortal Kombat 3 :