De quoi ça parle ?
L'histoire de l’escroc Charles Sobhraj et les tentatives remarquables du diplomate néerlandais Herman Knippenberg pour le traduire en justice. Se faisant passer pour un négociant en pierres précieuses, Charles Sobhraj et sa compagne Marie-Andrée Leclerc voyagent à travers la Thaïlande, le Népal et l’Inde entre 1975 et 1976, commettant sur leur passage une série de crimes sur le « Hippie Trail» asiatique.
C’est avec qui ?
Entre le drame, le thriller et le biopic, Le Serpent est une série britannique commandée par la BBC. Pour tenir le rôle-titre, les producteurs ont jeté leur dévolu sur Tahar Rahim. L’acteur français est familier des productions internationales. On a pu le voir récemment dans The Looming Tower ou encore Panthers. Et ici, il est presque méconnaissable.
A ses côtés, Jenna Coleman – célèbre pour ses rôles dans Doctor Who et Victoria – joue Marie-Andrée Leclerc, la compagne de Charles Sobhraj, aussi complice que soumise. Face à ce tandem mortel, le britannique Billy Howle (le père de Rey dans Star Wars : L'Ascension de Skywalker) interprète Herman Knippenberg, le diplomate néerlandais qui a tout mis en œuvre pour mettre fin à la cavale infernale du couple.
Enfin, Mathilde Warnier, qu’on a vue auparavant dans Au service de la France, tient le rôle d’une Française, voisine et amie de Charles et Marie-Andrée qui vivent dans une résidence sous une fausse identité.
Ça vaut quoi ?
Collant au plus près de la réalité, Le Serpent impressionne rapidement. Le réalisme bénéficie d’un tournage réalisé en partie in situ en Thaïlande, en Inde et au Népal. La moiteur et la chaleur écrasante sont palpables. Surtout, on se rend très vite compte qu’il s’agit d’autre chose que d’un énième thriller sur un tueur en série.
Le Serpent dresse un tableau pas si glamour qu’il n’y paraît des années 1970 et de la vie à cette époque en Asie. Les jeunes routards qui partent sur la route du fameux "Hippie Trail" sont en rupture avec la société de consommation occidentale.
Cela s’illustre par l’usage fréquent de drogues à des fins récréatives mais qui ressemblent à des fuites en avant. La série montre des jeunes gens vulnérables, en quête de sens, entre drogues et religion, dans une société qui amorce un déclin sans même s’en rendre compte.
La réalisation très soignée, de Tom Shankland lors des quatre premiers épisodes et de Hans Herbots les quatre suivants, joue parfaitement avec les codes du thriller des années 1970. Les zooms depuis un balcon sur l’expression d’un personnage installé au bord d’une piscine, le grain de l’image, les substances versées discrètement dans un verre par Charles qui jette un œil en coin sur sa victime… tout rappelle les films d’espionnage qui nous ont fait palpiter 50 ans plus tôt.
Le bien-nommé
Si Charles Sobhraj a été surnommé le Serpent, c’est pour sa capacité incroyable à passer entre les mailles du filet et à échapper à la police. Mais la série montre aussi à quel point il est séducteur et parvient à hypnotiser ses victimes, exactement comme Kaa, le serpent dans Le Livre de la jungle.
Lorsque les pauvres hères croisent son chemin, Charles identifie immédiatement leurs faiblesses et leurs attentes. Ils cherchent l’aventure, la liberté, la nouveauté, la découverte de soi. Et Charles leur donne l’illusion de combler tous leurs désirs.
Dans la peau du tueur, Tahar Rahim est terrifiant. D’abord séduisant, il révèle ensuite la face sombre du personnage. Un regard, un simple changement d’attitude suffisent à sonner l’alarme. La voix posée, les mouvements fluides, le corps musclé… il a tout du redoutable prédateur qui trompe sa proie en jouant de ses atours.
A ses côtés, Marie-Andrée opère une sorte de mue. Jenna Coleman donne à voir la lente évolution du personnage avec toutes ses ambiguïtés et ses contradictions. D’abord timide et mal dans sa peau, elle gagne en assurance. Puis, lorsqu’elle prend conscience des agissements de son compagnon, elle finit par franchir le point de non-retour.
Le Serpent captive par l’énergie de son récit qui ne cesse de faire des allers-retours sur la chronologie de l’histoire. Si on se sent perdu au départ, c’est au bénéfice de la série qui forme un étau autour du spectateur pour mieux mettre en avant l’art de la coercition exercé par Sobhraj. Redoutable.