De quoi ça parle?
Adolescente des plus ordinaires, Christiane vit avec ses parents dans un immeuble modeste de Berlin à la fin des années soixante-dix. Lorsqu'elle fait la rencontre d'une bande d'amis, sa vie prend un autre tournant. Elle commence à zoner dans les rues de la ville et à fréquenter régulièrement la boîte de nuit Sound. Après une injection d'héroïne, la jeune fille sombre dans l'addiction. Prête à tout pour se procurer des doses et échapper à son quotidien insipide, elle découvre un monde dans lequel l'innocence n'a plus sa place.
Moi, Christiane F., une série créée par Annette Hess, Oliver Berben, Philipp Kadelbach et Sophie von Uslar.
Disponible en intégralité sur Amazon Prime Video
C'est avec qui?
La série allemande met en lumière de jeunes talents encore peu connus du grand public. Au premier plan, l'Autrichienne Jana McKinnon succède à Natja Brunckhorst dans le rôle de Christiane Pelscherinow. Autour d'elle, Lena Urzendowsky, Lea Drinda, Michelangelo Fortuzzi, Jeremias Meyer et Bruno Alexander incarnent sa bande d'amis. Angelina Häntsch et Sebastian Urzendowsky jouent, quant à eux, les parents de Christiane.
ÇA VAUT LE COUP D'ŒIL?
C'est un récit qui siège dans les bibliothèques des établissements scolaires depuis quatre décennies. Aujourd'hui encore, Moi. Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée... reste un choc littéraire pour de nombreux jeunes lecteurs et lectrices. En 1978, Kai Hermann et Horst Rieck, deux journalistes du magazine allemand Stern, rencontrent Christiane Felscherinow, une Berlinoise de 15 ans, pour mener une enquête sur les jeunes sans-abri. L'article devient finalement un livre centré sur l'adolescente, qui vend son corps pour payer ses doses d'héroïne. Après sa publication, la biographie scandalise le monde entier.
Le témoignage de Christiane Felscherinow est traduit dans plusieurs langues et se voit même adapté au cinéma, en 1981, par Uli Edel. Citée dans le livre, la rockstar David Bowie accepte d'incarner son propre rôle. Le film marque toute une génération et devient un classique du cinéma allemand. Suite à cet immense succès, la principale intéressée touche des droits d'auteur à l'âge de 18 ans, avant de retomber dans ses addictions.
Des libertés et des prises de risques
Quarante ans après l'adaptation filmique, la vie de "l'héroïnomane la plus connue d'Allemagne" investit cette fois le petit écran avec une série de 8 épisodes. Plutôt que de répéter les œuvres précédentes, les créateurs optent pour une relecture contemporaine du destin de Christiane Felscherinow et de ses amis. Ces derniers occupent une place plus importante et sont développés à travers des sous-intrigues purement fictionnelles. Les mésaventures de la jeune femme restent, quant à elles, plutôt fidèles à la réalité.
En plus de ses nombreuses libertés, Moi, Christiane F. surprend par ses choix artistiques. L'action est toujours située à la fin des années soixante-dix, mais la bande adopte une attitude et un langage proches des adolescents d'aujourd'hui. En boîte de nuit, le DJ enchaîne les sons électro-pop, tout comme la bande originale, qui réunit divers artistes et groupes modernes, de Florence + The Machine à Tame Impala. La musique de David Bowie, elle, est toujours aussi présente, jusqu'à devenir un personnage à part entière. L'artiste apparaît même à l'écran, sous les traits de Alexander Scheer .
Jeunesse du passé... et du présent
D'abord déroutants, ces anachronismes volontaires séduisent et trouvent une logique dans le message véhiculé par la série. Il y a, évidemment, une ambition d'attirer un nouveau public, mais aussi une volonté de souligner que la drogue chez les adolescents est un fléau encore très actuel. Avec son univers intemporel, Moi, Christiane F. refuse d'associer les jeunes héroïnomanes uniquement au Berlin-Ouest des années soixante-dix.
Tandis qu'elle navigue entre le rétro et le moderne, la série flirte également avec le surréalisme, comme dans cette séquence en boîte de nuit où le groupe décolle de la piste de danse pour léviter à quelques mètres du sol. C'est cette poésie qui fait de Moi, Christiane F. une fiction captivante qui ne perd rien de sa pertinence. Pour contrebalancer la noirceur et la détresse de ces héros noyés dans la spirale de la drogue, la série est sublimée par une excellente photographie, signée Jakub Bejnarowicz, chef opérateur polonais.
Une révélation
Impossible de parler du programme sans mentionner le talent des jeunes interprètes qui donnent vie aux personnages. Au centre de la bande, il y a l'Autrichienne Jana McKinnon, qui incarne une jeune femme révoltée - et paumée - avec force et émotion. L'actrice porte un rôle difficile, ses corps et âme et brillent dans toutes ses scènes. Ses camarades ne sont pas en reste. Chacun tire son épingle du jeu et livre une performance impressionnante.
Loin d'édulcorer le récit original, Moi, Christiane F. ne lésine pas sur l'extrême violence et cumule de nombreuses séquences brutales. Soutenue par des partis pris audacieux, un univers étourdissant et un casting impeccable, la série rend hommage au courage de Christiane Felscherinow et adresse un messsage puissant sur les excès d'une jeunesse livrée à elle-même. À découvrir d'urgence.
Découvrez la bande originale de "Moi, Christiane F." :