EROTISME
En 1956, Roger Vadim est le mari de Brigitte Bardot et lui confie le rôle principal de son long métrage Et Dieu... créa la femme. Le fait de présenter une femme libre de choisir ses amours, de laisser ses désirs guider sa vie provoque des réactions différentes. Certains y voient le progrès en marche et font de Bardot un sex-symbol en même temps qu'une icône des changements de mœurs. D'autres jugent le film scandaleux, lui reprochant notamment ce personnage très provoquant (qui n'est pas narrativement condamné pour son attitude). Séducteur, le personnage de Bardot est en effet très indépendant et le fait savoir tout au long du film, faisant ainsi tomber nombre de tabous.
Lors de sa sortie, la Centrale catholique du cinématographe appelle à ne pas voir le film, en déclarant notamment dans Les Fiches du cinéma : "malgré des coupes (qui n’ont pas été toutes faites dans la publicité et la bande-annonce), la sensualité qui domine ce film oblige à le désapprouver fortement. Les images sont sans cesse à la limite de ce qu’a toléré la censure pourtant bien large. – Les situations sont d’une moralité très basse, toute centrée sur la jalousie, et surtout le désir". Et Dieu... créa la femme sort en exclusivité à Paris et réalise 173 030 entrées en trois semaines, avant que les salles de quartier de toute la France ne s'en emparent et portent Et Dieu... créa la femme à 3,91 millions d'entrées.
ANTICLERICALISME
Dans L'Âge d'or (1930), le réalisateur Luis Buñuel s'en prend à l'Eglise, à la famille et à l'armée en proposant notamment (mentionnée mais visuellement passée sous silence) une scène d'orgie à laquelle participe un personnage habillé et coiffé comme le Christ. Il montre des scènes choquantes comme un homme tirant au fusil sur un enfant qui lui a simplement joué un tour. Le film avait déjà causé des remous dans les salons mondains où il avait été montré, mais le scandale éclate vraiment lors d'une projection publique perturbée par des militants d'extrême-droite et antisémites qui conduisent le comité de censure à s'emparer des copies du film, qui ne sera à nouveau montré qu'en 1981. Avant cette date, il a été projeté à la Cinémathèque française en 1949, et quelques copies continueront à discrètement circuler sous le titre Dans les eaux glacées du calcul égoïste.
REPRESENTATION DU CHRIST
Réalisée par Martin Scorsese, l'adaptation au cinéma du roman de Nikos Kazantzakis La Dernière tentation du Christ (1988) a été un véritable enfer. En plein tournage, les fondamentalistes chrétiens affirment que l'oeuvre dépeint le Christ comme un homosexuel, bien qu'une telle notion ne figure ni dans l'ouvrage de Kazantzakis ni dans le film que Scorsese souhaite réaliser. Malgré tout, sous la pression des manifestations et des pétitions, les fondamentalistes obtiennent satisfaction, et Paramount Pictures lâche le projet, qui est récupéré par Universal. A sa sortie, le film est violemment critiqué. En France, plusieurs incendies sont causés dans des cinémas et à Paris, une salle fait l'objet d'un attentat à la bombe faisant plusieurs blessés, dont plusieurs dans des états graves. Pour ces actes, cinq personnes sont condamnées à des peines de 15 à 36 mois d'emprisonnement avec sursis et à 450 000 francs de dommages et intérêts.
RACISME
Sorti à l'époque où le cinéma était encore muet, Naissance d'une nation a fêté ses 106 ans le 8 février dernier. Le scénario présente une fresque sur la Guerre de sécession américaine avec un focus sur la population afro-américaine. Tiré de la pièce The Clansman, le film n'hésite pas à faire l'apologie du Ku Klux Klan, à montrer des Noirs comme des individus insidieux animés d'instincts primitifs et dangereux. Cela place le spectateur dans une position où les héros de l'histoire sont les membres de la milice anti-Noirs, défendant les Blancs contre la barbarie orchestrée par les Afro-Américains et prônant le "droit de naissance aryen" (comme le dit explicitement un carton du film). A l'époque, l'Association nationale pour l'avancée des personnes de couleur essaye de le faire interdire pour racisme, mais en vain, et Naissance d'une Nation est un succès retentissant. Il est publiquement beaucoup plus contesté aujourd'hui qu'à son époque, notamment par l'autrice Ellen C. Scott, qui n'a pas hésité à le qualifier de "sans doute le film le plus raciste jamais fait", ou par les réalisateurs Spike Lee et Ava Duvernay.
Polémique, censure, pédagogie : faut-il recontextualiser les films et séries ? [PODCAST]SCENES DE SEXE
Dans Le Dernier tango à Paris (1972), Paul (Marlon Brando), un Américain vivant à Paris, rencontre Jeanne (Maria Schneider) et ils vont se voir régulièrement dans un appartement pour faire l'amour en ignorant tout l'un de l'autre. Le film a notamment fait polémique lors d'une scène de viol par sodomie. En France, Le Dernier tango à Paris est interdit aux moins de 18 ans et le film est entièrement interdit en Italie de 1972 à 1986. La scène précitée fera d'autant plus scandale lorsqu'on apprendra qu'elle a été tournée à l'insu de Maria Schneider, alors âgée de 19 ans. Ni Brando, ni le réalisateur Bernardo Bertolucci n'ont prévenu l'actrice de l’usage du beurre comme lubrifiant. L'intéressée relatera que lors du tournage de la séquence, elle s'est sentie "violée".
A la mort de Maria Schneider en 2011, Bertolucci a affirmé à l'agence italienne Ansa qu’il aurait voulu lui présenter ses excuses : "Sa mort est arrivée trop tôt. Avant que je ne puisse l’embrasser tendrement, lui dire que je me sentais lié à elle comme au premier jour, et, au moins pour une fois, lui demander pardon. Maria m’accusait d’avoir volé sa jeunesse et aujourd’hui seulement je me demande si ce n’était pas en partie vrai."
SCENES PORNOGRAPHIQUES
Inspiré d'un fait divers, L'Empire des sens (1976) raconte la rencontre entre une ancienne geisha et prostituée devenue servante et son amant. Ensemble, ils décident de s'isoler pour vivre une intense passion charnelle. Le scandale vient notamment du fait que la sexualité est explicitement montrée dans le film et de façon non simulée. Ce choix artistique choque plusieurs pays dont le Japon, car L'Empire des sens ne respecte aucune des conditions de diffusion imposées par la censure locale : il faudrait que des scènes soient purement et simplement coupées et que du flou soit mis sur les parties génitales, ce qui n'est pas le cas. Un procès s'ouvrira pour "obscénité" du scénario et des photos prises sur le tournage, mais le réalisateur Nagisa Oshima sera relaxé, après trois ans de procédure, en invoquant la liberté d'expression.
SUICIDE GASTRONOMIQUE
Lors de son passage au Festival de Cannes en 1973, La Grande bouffe de Marco Ferreri crée la polémique et suscite un déchaînement de sifflets et de quolibets. En cause, les deux heures consacrées au suicide par excès de nourriture de quatre personnages (Philippe Noiret, Michel Piccoli, Ugo Tognazzi et Marcello Mastroianni), ponctué de nudité, d'orgies et même de moments scatologiques. Le film concourt pour la France, et cette satire sur la société de consommation n'est pas du goût de tous les spectateurs ni de tous les critiques. Malgré tout, La Grande bouffe sera un succès populaire, réunissant 2,4 millions de curieux dans les salles, mais Michel Piccoli racontera des années plus tard chez France Culture : “ce film a déclenché chez les spectateurs un fantasme à l’envers de ce film métaphysique et sensuel en même temps. Ça les a bouleversés et ça les a mis en fureur”, décrivant “l’agressivité extravagante, les crachats, les coups de pied, les grossièretés” subis par l'équipe à Cannes.
TORTURE
Dans la République fasciste fantoche de Salò, quatre notables enlèvent des adolescents de la région pour les emprisonner dans un somptueux palais et les soumettre à leurs désirs... Libre adaptation des Cent vingt journées de Sodome du Marquis de Sade, critique de la société capitaliste, Salò ou les 120 journées de Sodome (1976) de Pier Paolo Pasolini présente des scènes incluant des excréments, du viol, de la torture et des mutilations explicites. Ce film choc de Pasolini fut interdit en Grande-Bretagne jusqu'en 2000, et jusqu'en 2001 en Nouvelle Zélande !
En 1976, le critique François Chalais descend le film à la télévision :
VIOL
Une femme se fait violer par un inconnu. Son compagnon et son ex-petit ami décident de se faire justice eux-mêmes. En 2002, la présentation d'Irréversible à Cannes est pour le moins houleuse, puisque le film est marqué par deux séquences insoutenables : un viol de 9 minutes et un long meurtre à coups d'extincteur, qui perturbent les spectateurs, comme en témoigne notre sortie de salle d'époque. Le film de Gaspar Noé, très éprouvant, sortira dans les salles françaises avec une interdiction aux moins de 16 ans avec avertissement, là où d'autres pays comme l'Italie ou l'Allemagne le classeront interdit aux moins de 18 ans.
VIOLENCE
En adaptant le roman d'Anthony Burgess L'Orange mécanique, Stanley Kubrick met en scène la vie d'Alex, jeune chef de bande exerçant avec sadisme une terreur aveugle, emprisonné et devenant cobaye d'expériences destinées à juguler la criminalité. A sa sortie, on reproche au film sa "violence sexuelle" jugée trop extrême, et la décontraction avec laquelle elle est mise en scène, notamment le fait qu'elle est présentée comme un divertissement comme un autre pour les jeunes héros du film. La controverse est telle que la famille du réalisateur Stanley Kubrick est harcelée et Orange mécanique (1972) est retiré de l'affiche au Royaume-Uni. Ce n'est qu'à la mort de Kubrick en 1999 et à la sortie du film en vidéo et à nouveau en salles, qu'il peut désormais être vu librement sur le territoire.