"BIENVENUE A JURASSIC PARK !"
En les conviant sur son île pour récolter leurs avis d'experts, John Hammond se garde bien d'expliquer à ses prestigieux invités quelle est véritablement la nature de son parc. A l'instar de Spielberg avec ses spectateurs, l'excentrique milliardaire prend un malin plaisir à faire mariner son public pendant de longues minutes. Après un tour en hélico et une balade en Jeep, au moment où personne ne s'y attend, il lève enfin le rideau sur Jurassic Park... et le résultat est hallucinant. Comme souvent chez Spielberg, c'est d'abord à travers le regard héberlué de ses personnages que l'on découvre le spectacle.
Lentement, Alan Grant enlève son chapeau, se lève doucement de son siège, retire ses lunettes de soleil, pose sa main sur la tête d'Ellie Sattler sans jamais quitter des yeux ce qu'il est en train de regarder. A son tour, la paléontologue se redresse et admire, bouche bée... le tout premier dinosaure du film (sans compter le raptor de la scène d'intro, qu'on ne voyait pas entièrement). Même si visuellement, le spectacle a pris un petit coup de vieux, sa magistrale orchestration le rend tout simplement immortel.
A l'instar d'Alan Grant, et même en 2021, la question qu'on brûle tous d'envie de poser à Monsieur Spielberg à ce moment-là, c'est : "Comment avez-vous fait ?" A travers le regard malicieux de John Hammond, le réalisateur nous répond alors : "Je vais vous montrer."
LE T-REX
Le Professeur Alan Grant attendait de le voir pour y croire. Et nous aussi. Après plus d'une heure de film, l'attraction principale du show que nous a concocté Spielberg arrive enfin sur scène. A travers le jeu des acteurs, la magie des effets spéciaux et surtout la virtuosité de la mise en scène, le miracle peut finalement avoir lieu.
Même au sein de la séquence en question, Spielberg prend tout son temps avant de dévoiler sa carte maîtresse. Totalement sûr de lui quant à l'effet que s'apprête à produire son T-Rex sur le public, il joue littéralement avec les spectateurs, distille savamment chacune de leurs émotions, s'assure que leur taut d'adrénaline est à son paroxysme avant de lâcher sur eux son précieux dino.
Un verre d'eau qui tremble sur la plage avant, un cuissot de chèvre ensanglanté sur le pare-brise, quelques câbles électriques violemment arrachés, un coup de tonnerre, et le spectacle peut commencer.
RAPTORS DANS LA CUISINE
Extraordinairement réaliste pour l'époque, cette scène que l'on considère encore aujourd'hui comme la séquence "horrifique" du film de Spielberg est sans doute celle qui a donné le plus de cauchemars aux jeunes spectateurs de 1993. Pour la première fois du long métrage, les deux enfants de Jurassic Park se retrouvent totalement seuls, sans la présence du moindre adulte pour les rassurer, livrés à eux-mêmes face à deux vélociraptors qui comptent bien leur mettre les crocs dessus.
Là encore, le réalisateur prend son temps pour orchestrer cet angoissant jeu du chat et de la souris dans les cuisines du parc. Sous les comptoirs, derrière les plans de travail, dans les placards... La caméra et le spectateur accompagnent en frissonnant l'itinéraire désespéré de Lex et Tim entre les poêles et les casseroles. On sursaute au moindre petit bruit, on se mord la lèvre en même temps que les personnages lorsqu'une louche tombe malencontreusement par terre, on retient notre souffle... Bref, on lutte pour notre survie face aux redoutables créatures de Phil Tippett.
Deux monstres que le superviseur des effets visuels avait initialement représentés avec des poupées Barbie lors d'une démo, avant de leur donner vie numériquement. On peut dire qu'ils ont fait du chemin, les raptors...
DANS LES HAUTES HERBES
Beaucoup plus courte et condensée que les précédentes, cette petite séquence fait rarement partie de celles que l'on cite d'instinct lorsqu'il s'agit de revenir sur les grands moments de la saga Jurassic Park. Et pourtant... Son efficacité et ses brillantes trouvailles de mise en scène en font un savoureux moment qu'on prend toujours plaisir à déguster lorsqu'on revoit Le Monde Perdu.
Au menu de cette délicieuse petite sucrerie : la musique envoutante de John Williams, un groupe de rescapés totalement paumés, un champ qui ne demande qu'à être traversé, une sage recommandation totalement ignorée ("N'allez pas dans les hautes herbes"), et bien sûr quelques vélociraptors.
Le dîner est servi ! Et cette fois-ci, le spectateur se régale avec les dinos, le temps d'une séquence qui pourra nous rappeler à de nombreux points de vue le festin d'un certain requin géant. Sauf que cette fois-ci, Spielberg a décidé de mettre en scène... les dents de la terre.
UN VISITEUR A SAN DIEGO
Qu'est-ce qui pourrait bien se passer si l'un des dinos de Jurassic Park quittait son île et réussissait à gagner le continent ? Cette question, on se l'est certainement tous posée le jour même où l'on a découvert le film de Steven Spielberg pour la première fois. A la fin de son deuxième opus, le réalisateur a donc décidé de nous apporter une réponse, doublée d'un hommage à un autre classique du cinéma : King Kong.
A l'instar du singe géant, coincé dans les rues de New York, le T-Rex de Jurassic Park se retrouve ici lâché en plein centre-ville de San Diego. Visuellement splendide, et particulièrement enthousiasmante, la scène tient lieu d'apothéose au Monde Perdu. Un petit avant-goût, sans doute, de ce qui nous attend dans les salles le 8 juin 2022, lorsque tous les dinosaures de Jurassic World: Le Monde d'après se retrouveront enfin en liberté.