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    Les Trolls 2 : interview avec le compositeur oscarisé Ludwig Göransson
    Maximilien Pierrette
    Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

    Oscarisé en 2019 pour son travail sur "Black Panther", Ludwig Göransson évoque son expérience sur "Les Trolls 2 - Tournée mondiale", dont il est le producteur musical aux côtés de Justin Timberlake.

    Universal Pictures International France

    Une virée au Wakanda qui lui a valu un Oscar en février 2019. Un voyage dans une galaxie lointaine, très lointaine, avec le chasseur de primes de The Mandalorian. Les combats de boxe de Creed. Les séries Community et New Girl. Le sonorités si particulières de Tenet, le dernier opus de Christopher Nolan. Ludwig Göransson, c'est tout ça. Mais c'est aussi Les Trolls 2 - Tournée mondiale, dont il est le producteur musical aux côtés de Justin Timberlake. Un long métrage sur lequel le compositeur s'est pleinement investi, jusqu'au bout des ongles, comme il nous l'a expliqué au téléphone quelques jours avant le confinement, alors que le résultat était attendu dans nos salles quelques semaines plus tard. Mais ce n'était que partie remise.

    AlloCiné : Comment vous êtes vous retrouvé impliqué sur ce projet alors que vous n'aviez pas travaillé sur le premier film ?

    Ludwig Göransson : C'est Justin Timberlake [producteur musical du film et doubleur de Branche dans la version originale, ndlr] qui m'a contacté il y a deux ans et demi pour me parler de ce film. Il m'a expliqué le concept avec tous ces différents genres musicaux, et en quoi il s'agissait d'un film assez nouveau sur la musique. C'est ce qui m'a intrigué, et c'était un vrai défi que de travailler sur un long métrage qui représente tout la musique de la sorte. Justin et moi avons ensuite travaillé étroitement pour concevoir la bande-originale, en choisissant des chansons que les personnages allaient pouvoir chanter, et en écrivant les autres, dans différents genres. Ce qui était très amusant.

    Était-ce plus difficile pour vous de travailler sur la suite d'un film où la musique est si importante ?

    Ce qu'il y avait de plus important, et de plus difficile aussi, c'était d'écrire les chansons du grand final. Lorsque tout le monde se rejoint. Nous avons dû écrire des chansons qui, à la fois, unissent les personnages, tout en incarnant les différences dans la musique. Une chanson partait donc de son genre musical pour aller vers la partie dramatique, narrative, et c'était la partie la plus compliquée du projet pour nous.

    Les Trolls 2 - Tournée mondiale
    Les Trolls 2 - Tournée mondiale
    Sortie : 14 octobre 2020 | 1h 34min
    De Walt Dohrn, David P. Smith
    Avec Vitaa, Anna Kendrick, Matt Pokora, Justin Timberlake, Rachel Bloom
    Presse
    2,8
    Spectateurs
    2,5
    louer ou acheter

    Y a-t-il de types de sons que vous recherchiez tout particulièrement avec ce film ? Et avez-vous pu expérimenter davantage que sur un long métrage en prises de vues réelles ?

    Oui, nous voulions que chaque tribu ait un son différent. Il y a du rock, du funk, de la pop, de la country… Et c'est moi qui jouait de la guitare pour Barbara, le Troll rock. C'était ma propre guitare. J'ai grandi en faisant du heavy metal quand j'étais adolescent, et c'était amusant d'y revenir, de ressortir ma guitare pour jouer ces solos.

    En quoi ce travail a-t-il été différent par rapport à un film en prises de vues réelles ?

    C'est la première fois que je travaillais sur un film d'animation. Et ce qui m'intéressait, c'était de m'efforcer à rendre la musique aussi bonne et intéressante que possible. Nous ne voulions pas faire que des reprises, nous voulions que cela sonne nouveau et original. Et j'ai le sentiment que nous sommes parvenus à faire ce que nous recherchions, à obtenir ce que nous voulions entendre. Je voulais faire en sorte d'aboutir à un film dont j'adorerais moi-même la musique si je le découvrais en salles.

    A quel point le genre d'un film influe sur votre travail et votre approche de la musique ?

    Cela joue beaucoup. Quand je produis l'album d'un artiste, je tente d'entrer dans sa tête pour raconter l'histoire qu'il cherche à raconter. Quand je travaille sur un film, je commence par lire le scénario pour me plonger dans l'histoire afin de saisir ce qu'il cherche à dire, l'essence du projet. Dans un cas comme dans l'autre, il faut que l'histoire racontée soit claire pour tout le monde, et que l'on puisse la comprendre avec la musique.

    Agence / Bestimage

    Quelles différences y a-t-il entre votre travail sur un film, et ce que vous composez pour vous-même ? L'approche est-elle la même ?

    C'est sans doute plus facile de travailler sur un film, car vous n'avez pas vraiment à vous soucier de votre propre égo. Vous devez juste écouter le réalisateur et tenter de le rendre heureux, car c'est lui qui a le dernier mot. Quand vous travaillez sur votre musique, vous êtes le réalisateur et tout se passe dans votre tête, donc vous devez gérer vous-même votre égo et des choses qui ne sont pas bonnes pour vous. Voilà pourquoi j'aime travailler sur des films.

    De manière plus générale, à quel moment commencez-vous à travailler sur un film ?

    Dès que possible. Plus tôt je peux m'y mettre, et plus j'ai de temps, mieux c'est. J'ai commencé à travailler sur Trolls 2 il y a environ deux ans et demi. Mais j'aime être impliqué avant le début du tournage. Dès qu'ils ont un scénario que je peux lire et à partir duquel je peux commencer à écrire la musique.

    De tous ceux du film, quel genre musical vous correspondrait le mieux ?

    Je serais définitivement Barbara. C'est moi qui joue des guitares dont elle joue, et j'ai fait du heavy metal quand j'étais plus jeune. Donc c'était amusant d'y revenir, de renouer avec mes racines et de pouvoir interpréter tous ses solos pendant le film.

    Il faut que l'histoire racontée soit claire pour tout le monde, et que l'on puisse la comprendre avec la musique

    Êtes-vous plus à l'aise sur un film qui se suffit à lui-même ou sur une suite, comme "Trolls 2" ou "Creed", ou même un dérivé façon "Mandalorian". Est-il plus facile pour vous de partir de zéro, ou d'avoir déjà une base ?

    Pour moi c'est plus facile de partir sur quelque chose de complètement nouveau. Je pense avoir été assez chanceux sur tout ce que j'ai fait jusque là, car j'ai pu créer un nouveau son, un nouvel environnement sonore. Même sur des suites comme Creed ou Mandalorian, qui sont rattachées à quelque chose que l'on connaît déjà, j'ai toujours eu la chance que les réalisateurs attendent de moi que j'aille dans une nouvelle direction. Et c'est la partie la plus amusante et le plus gros défi de ce travail, que de chercher et parvenir à un nouveau son pour un film.

    Que vous ont appris vos expériences sur des séries telles que "New Girl" ou "Mandalorian" ? Avez-vous été contraint de travailler plus vite que d'habitude ?

    Pour travailler sur une série télévisée, il faut être capable de développer une ligne générale. Vous ne pouvez pas l'aborder épisode par épisode, mais je travaille comme sur des films : j'aime développer des thèmes et des lignes qui vont se revenir tout au long du show dans ses épisodes. Et c'est en travaillant sur plusieurs séries que j'ai appris à quel point c'était important.

    Le thème de "The Mandalorian" signé Ludwig Göransson :

    L'Oscar que vous avez remporté en 2019 a-t-il eu un impact sur votre carrière, dans les propositions que vous avez reçues depuis, et les choix que vous avez pu faire ?

    Si vous avez du succès dans le milieu, les studios et producteurs vont écouter votre musique différemment et peut-être se révéler plus ouverts à l'expérience et vous laisser suivre votre voie, vous donner plus de liberté. Et c'est pour moi ce qu'un Oscar peut vous apporter de mieux.

    Et c'est pour cette raison que Christopher Nolan vous a contacté pour composer la bande-originale de "Tenet" ?

    (rires) Non, il m'a appelé juste avant que je reçoive cet Oscar. Il avait compris, en écoutant mon travail à l'époque, que je cherchais à repousser les limites et créer de nouveaux sons, de nouvelles idées. Je pense que c'est ce à quoi il a été sensible, et ce qui lui a donné envie de travailler avec moi. Mais c'est un réalisateur qui, lui aussi, cherche à repousser les limites et créer des images inédites pour raconter son histoire. Il fait partie de ces rares metteurs en scène qui font naître des matériaux originaux, que nous n'avions jamais vu auparavant, et c'est pour moi incroyable. Cela me pousse moi aussi à trouver de nouvelles idées, des sons que vous n'avez pas entendus auparavant. Et Christopher Nolan voulait quelque chose de différent par rapport à ce qu'Hans Zimmer avait fait pour lui, que j'aille dans une toute autre direction. Il a une idée très claire de ce qu'il veut, une vision incroyable. Et ce qu'il recherchait me paraissait très clair lorsque je travaillais avec lui.

    La personne qui vous a succédé au palmarès des Oscars cette année est également européenne puisqu'il s'agit de l'Islandaise Hildur Gudnadottir pour la bande-originale de "Joker". Quel regard portez-vous sur son travail ?

    Je n'ai jamais eu la chance de la rencontrer, mais j'étais très content de sa victoire. J'adore son score pour Joker comme pour Chernobyl, où j'ai trouvé particulièrement intéressante sa manière de travailler le design sonore pour créer quelque chose d'unique et différent. Ce que je trouve très excitant également, dans le monde du cinéma, c'est que de nouvelles voix émergent et tentent de raconter des histoires autrement. Et c'est très gratifiant de voir ces personnes remporter des prix, se faire remarquer. C'est ce qu'il lui arrive en ce moment, alors que, de mon côté, j'ai Tenet, Les Trolls 2 et bientôt la saison 2 de The Mandalorian.

    Vous parliez de nouvelles voix vous concernant ou concernant Hildur Gudnadottir : est-ce le fait de venir de Suède, ou d'Islande pour elle, qui vous donne cette nouvelle voix, cette inspiration qui vous permet de vous démarquer des Américains ?

    Je pense que oui, définitivement. Ayant grandi en Suède où j'ai suivi une formation musicale m'a permis de faire naître mon propre son, ma propre identité. C'est quelque chose qui attire les gens ici, et le fait de venir d'Europe, de Suède, a affecté mon son et m'a permis de me démarquer un peu. Mais de façon positive.

    A quel type de nouveaux sons peut-on s'attendre pour la saison 2 de "The Mandalorian", après les échos de western et de film de samouraïs dans la première ?

    Ce qui est amusant avec The Mandalorian, c'est que je peux utiliser des sons venus du monde entier et de différents genres grâce auxquels je peux créer un environnement sonore. Nous sommes déjà parvenus à créer un ton intéressant, et j'ai hâte de pouvoir continuer à explorer ces idées.

    Y a-t-il une bande-originale que vous aimez particulièrement, en tant que fan de musique, et que vous pourriez considérez comme votre préférée ?

    Je pense que celle qui m'a dirigé vers la musique, c'est celle d'Edward aux mains d'argent, que j'ai découverte quand j'avais 10 ans. Je me souviens que je regardais le film et que j'ai été comme aspiré dans cet univers où j'ai ressenti beaucoup d'émotion. J'étais trop jeune à l'époque, et je ne savais pas ce qui avait provoqué cela. Ce n'est qu'après que je me suis rendu compte que c'était la musique qui m'avait autant ému.

    Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 10 mars 2020

    La bande-originale de "Trolls 2", en salles depuis le 14 octobre :

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