Comme son grand frère Sherlock, avec qui elle partage ce sens de la déduction et ce goût pour le mystère, Enola Holmes est née dans un livre. Mais son père n'est pas Sir Arthur Conan Doyle, l'auteur des aventures du célèbre détective consultant, et c'est même à une femme que l'on doit sa création : l'Américaine Nancy Springer, auteure spécialisée dans la science-fiction, la fantasy et les romans pour jeunes adultes, et qui aime revisiter les mythes de la littérature anglo-saxonne à sa sauce. Après Rowan Hood, la fille de Robin de Bois, place donc à la cadette de Sherlock Holmes, héroïne de six romans parus en 2006 et 2011.
Et c'est le premier d'entre eux, "La Double disparition", qui est aujourd'hui adapté en long métrage par le réalisateur Harry Bradbeer (Fleabag, Killing Eve) et le scénariste Jack Thorne (A la croisée des mondes). La star de Stranger Things Millie Bobby Brown y prête ses traits à l'héroïne, plongée dans une enquête particulièrement mouvementée pour son baptême du feu : envoyée dans un pensionnat par ses deux frères, le jour où leur mère disparaît sans laisser de traces, elle s'enfuit et part à la recherche de cette dernière. Un voyage qui la mène dans la ville de Londres, où elle se retrouve confrontée à un jeune Lord en cavale.
Si ce premier long métrage, disponible sur Netflix depuis le 23 septembre, devait être un succès, il y aurait donc de la matière pour cinq autres histoires, ce qui permettrait notamment de faire intervenir le Docteur Watson, présent dans le troisième roman, "Le Mystère des pavots blancs". Pour le moment, parmi les noms familiers de l'univers créé par Conan Doyle, il n'y a que l'Inspecteur Lestrade (Adeel Akhtar), Mycroft Holmes (Sam Claflin) et, donc, Sherlock, incarné par Henry Cavill et présenté comme quelqu'un de plus enjoué et chaleureux, qui est même capable d'éprouver des émotions. Et c'est ce qui pose problème aux ayants droits de l'auteur anglais, qui reprochent à son homologue américaine de s'être inspirée, pour sa réinvention, d'une histoire publiée en 1923, où le personnage devenait plus humain, en écho aux pertes subies par le romancier pendant la Première Guerre Mondiale, au cours de laquelle son fils puis son frère ont péri. Or il s'agit là de l'un des dix récits écrits par ses soins à ne pas être libre de droit à ce jour, ce qui fait de ses histoires de vraies adaptations selon eux.
Une plainte visant également le film a donc été déposée en 2020, et le Conan Doyle Estate demande donc que des droits lui soient versés dès lors qu'il est fait de Sherlock autre chose qu'un homme dénué de sentiments. Miramax et le long métrage Mr. Holmes avaient eux aussi été attaqués, il y a cinq ans, pour avoir montré le héros à la retraite, ce qui se produit dans l'une de ses dernières aventures, publiées entre 1923 et 1927. Mais un arrangement avait pu être trouvé et c'est peut-être ce qui attend Enola Holmes. Car si l'affaire est restée en suspens, elle n'a pas bloqué sa sortie ce mercredi 23 septembre.