Après le tourbillon Papicha qui lui a valu un passage à Cannes, un César et le prix Alice Guy, Mounia Meddour fait désormais partie des réalisatrices à suivre. Membre du jury présidé par Vanessa Paradis de la 46ème édition du festival de Deauville, la cinéaste franco-algérienne a partagé avec nous sa vision du cinéma et son optimisme quant au retour en salles. Elle est également revenue sur le succès de son premier long-métrage.
LE CINÉMA AU TEMPS DU COVID
AlloCiné : Quel est votre état d’esprit durant cette édition assez particulière du festival de Deauville surtout en tant que membre du jury ?
Mounia Meddour : Lorsque Bruno Barde m'a appelé, j'ai accepté tout de suite. Je n'avais pas vraiment peur malgré les conditions sanitaires compliquées. Bien sûr, toutes les mesures ont été prises pour que le festival se fasse dans les meilleures conditions et on fait très attention. Pour tout dire, le plaisir d'être dans une salle a primé. On était tous très heureux de se retrouver ici, de parler de films, de débriefer, de critiquer.
Il y a beaucoup de premiers films et de films réalisés par des femmes dans la sélection cette année au festival de Deauville.
Effectivement, il y a déjà eu un premier travail de programmation et de sélection. On est à une époque où les femmes ont envie de prendre part dans le récit de leurs histoires. Beaucoup de femmes ont envie d'extérioriser, d'exorciser des histoires. Lorsqu'on fait un film, c'est déjà un acte de résistance très fort. Pour un premier film, on a quelque chose de puissant à raconter. Ce sont des envies de femmes qui se réapproprient ce milieu, ce domaine, leurs corps et leurs récits. Il faut continuer à démocratiser et laisser exprimer les points de vue différents, masculins et féminins qui sont diverses. C'est une richesse qu'il faut encourager.
Le cinéma est un lieu primordial pour l'échange, le partage et la transmission.
Comment avez-vous vécu la période de confinement ? Est-ce que vous en avez profité pour travailler sur de nouveaux projets ?
J'ai instauré des rituels d'écriture. Tous les matins, j'écrivais trois ou quatre heures. J'ai pu travailler sur mon prochain film dans des conditions particulières. Je me suis retrouvée dans une bulle, je me suis concentrée sur l'écriture. C'était bénéfique pour échapper au climat anxiogène.
Etes-vous optimiste quant à l’avenir du cinéma et à la diffusion de films en salles ?
C'est vrai que la situation est inquiétante mais j'ai tendance à être très positive. J'anticipe, je suis toujours dans quelque chose de constructif. Malgré les restrictions de tournage, on essaie d'avoir un calendrier. On veut laisser la place à une pulsion de vie et de ne pas se laisser gangréner par cette pandémie. Il faut rester positif, continuer à raconter des histoires, organiser des tournages. Il faut continuer à se battre pour le cinéma parce qu'on a vu des gros mastodontes comme Netflix qui permettent à certains de faire des films mais il faut garder le circuit des salles. Un film, ça se partage dans une salle avec des spectateurs et qui permet d'engager un débat. Le cinéma est un lieu primordial pour l'échange, le partage et la transmission.
LE CINÉMA AMÉRICAIN
Quels sont les réalisateurs américains que vous admirez le plus ?
Je viens du documentaire donc je suis plus attachée au cinéma du réel. J'ai une préférence pour le cinéma indépendant américain, j'aime beaucoup Sofia Coppola notamment. Il y a à chaque fois une belle mise en scène et une thématique intéressante dans ses oeuvres. Beaucoup de cinéastes américains ont été marquants dans mon parcours, c'est difficile de n'en citer qu'un. Après, on ne peut pas ne pas aimer Tarantino et tous ces grandes pointures.
LE SUCCES PAPICHA
Revenons sur Papicha, votre premier long-métrage. Quel parcours pour ce film entre Cannes, Angoulême et les César...
Quelle fierté ! Effectivement, le parcours de ce film est assez incroyable puisque c'est un film qui part de loin. C'est une envie de transmettre une histoire algérienne très singulière et je me suis longuement battue pour arriver au bout d'un scénario dont j'étais fière. Avec une équipe qui croyait vraiment dans ce projet, on a réussi à monter le financement du film qui a été laborieux puisque c'était le point sensible. On a accumulé énormément de difficultés pour monter ce film entre le casting peu connu, le tournage à l'étranger et en langues française et arabe. On est fiers d'avoir pu terminer ce film et la sélection à Cannes a été l'élément déclencheur de la carrière du film, qui a eu un accueil très favorable, notamment d'AlloCiné d'ailleurs qui a lancé un très beau signal. Les prix à Angoulême et aux César ont récompensé ce film qui m'est cher.
Et maintenant le prix Alice Guy que vous avez reçu ce jeudi.
Personnellement, je ne connaissais pas Alice Guy, je découvre que cette femme a réalisé plus de 8000 films. Elle tournait un film par semaine. C'est une fierté absolue d'avoir ce prix. Je suis très contente que cette 3ème édition ait eu lieu. Il faut encourager ce prix et en parler. Je soutiens tous les projets autour d'Alice Guy pour lui rendre justice. C'était important de recevoir ce prix. Le jury était incroyable. Julie Gayet oeuvre beaucoup pour le cinéma des femmes comme Yann Arthus-Bertrand. Et bien évidemment, Véronique Le Bris qui s'est battue pour créer l'évènement, de partager le film avec un public dans une salle de cinéma. Cela a permis de revenir dans une salle de cinéma, ce qui est finalement un acte de résistance face à la situation. C'était très beau.
Propos recueillis par Mégane Choquet le 12 septembre 2020 à Deauville.
(Re)découvrez la bande-annonce de Papicha :