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    Un Homme ordinaire sur M6 : que vaut la série inspirée de l'affaire Dupont de Ligonnès ?
    Julia Fernandez
    Julia Fernandez
    -Journaliste Séries TV
    Elevée à « La Trilogie du samedi », accro aux séries HBO, aux sitcoms et aux dramas britanniques, elle suit avec curiosité et enthousiasme l’évolution des séries françaises. Peu importe le genre et le format, tant que les fictions sortent des sentiers battus et aident la société à se raconter.

    Ce mardi 15 septembre à 21h05, M6 diffuse les deux premiers épisodes de la série "Un Homme ordinaire", thriller librement inspiré de la funeste "tuerie de Nantes" survenue en 2011. Un exercice aussi ambitieux que périlleux.

    M6

    De quoi ça parle ?

    Une mère et ses quatre enfants sont retrouvés assassinés, enterrés dans leur jardin. Le père, Christophe de Salin, a disparu. Les soupçons s'orientent immédiatement vers lui. Anna-Rose, une june professionnelle du web et de ses réseaux, se met à enquêter. Contre toute apparence, cette famille bourgeoise était au bord du gouffre, criblée de dettes. Et l'homme aurait méthodiquement préparé les meurtres… 

    4 X 45 minutes - à partir du mardi 15 septembre à 21h05 sur M6

    A quoi ça ressemble ?

    Ca vaut le coup d'oeil ?

    Comment adapter en fiction un fait divers contemporain qui a défrayé la chronique et dont le principal suspect s'est volatilisé sans laisser de traces ? Un exercice délicat auquel s'est livré le créateur et réalisateur Pierre Aknine (La Main du mal) sur un Homme ordinaire, en collaboration avec la scénariste et psychanalyste Anne Badel (Souviens-toi). Pendant plusieurs mois, tous deux se sont immergés dans les ressources documentaires entourant l'affaire de la "tuerie de Nantes", interrogeant de nombreux journalistes, policiers et auteurs sur le sujet, se gorgeant de ressources documentaires et de rapports de police jusqu'à plus soif au point de connaître les retombées de l'enquête les moindres détails.

    De cette recherche documentaire scrupuleuse, "proche d'un travail journalistique" selon leurs propres propos, Aknine et Badel ont brossé une minisérie de quatre épisodes suivant le parcours d'Anna-Rose (Emilie Dequenne), jeune femme au quotidien tranquille happée par la brutalité du fait divers survenu dans son voisinage... et dont l'auteur pourrait bien être cet homme qu'elle a rencontré quelques jours plus tôt. S'ensuit une chasse à l'homme virtuelle dans laquelle l'héroïne s'improvise hackeuse, obsédée par le profil psychologique de Christophe de Salin (Arnaud Ducret), le tout ponctué par les flashbacks des événements ayant conduit cet homme, en apparence bien sous tous rapports, à se débarrasser de toute sa famille.

    La série (tout en ayant pris soin de modifier les noms des personnes concernées par l'affaire) prend donc un parti, à l'instar de ce que proposait l'unitaire La Part du soupçon en 2019 avec Kad Merad : celui de montrer un coupable, de chercher à comprendre l'origine du passage à l'acte, et d'imaginer une issue possible à ce drame insoluble, dont la réalité a dépassé à bien des égards la fiction. 

    Fabrice LANG / CAPA DRAMA / M6

    Malheureusement, le poids du sujet semble tellement écrasant qu'il empêche toute possibilité au récit de le transcender et de se l'approprier, tant la fascination pour l'affaire et son suspect numéro 1 semble avoir accaparé ses créateurs. De la complaisance à filmer les scènes des meurtres, dont les séquences sont repassées en boucle au fil des épisodes, au quasi-voyeurisme lorsqu'on s'attarde sur leur exécution (un plan sur la pâtée pour chien des deux labradors de la famille juste avant leur mise à mort frise le ridicule), à la trop grande facilité dans la manière dont le personnage d'Anna-Rose est amenée à rencontrer Christophe de Salin (une collision en voiture fortuite la veille des meurtres !), on a bien vite le sentiment de regarder une vitrine aguicheuse, qui s'applique soigneusement à retranscrire l'affaire dans ses moindres aspects, mais échoue en profondeur à en tirer un véritable propos, un angle de vue salvateur qui élèverait le fait divers en sujet de société. 

    Ici, au contraire, les thématiques de la fascination malsaine et du voyeurisme, pourtant évidentes, sonnent creux, desservies par des dialogues qui manquent de finesse et de profondeur, et des choix de mise en scène déconcertants (dont celui de faire lire Emilie Dequenne d'une voix monocorde tous les messages virtuels reçus par Anna-Rose plutôt que de simplement les faire apparaître à l'écran - peut-être dû à une contrainte de diffusion.) Et malgré une ressemblance plutôt saisissante avec celui qui a inspiré l'affaire et dont on ne doit pas prononcer le nom, Arnaud Ducret se cantonne à une interprétation en deux dimensions et échoue à transformer l'essai dans un rôle dramatique à contre-emploi pourtant prometteur.

    Le principal atout de ces quatre épisodes de 45 minutes réside peut-être dans le personnage d'Anna-Rose, incarné par Emilie Dequenne. Bien que bancale dans son introduction et ses motivations, elle demeure ambigüe et insaisissable, et permet d'incarner le point de vue d'entrée du spectateur, aussi avide de théories spéculatives et de réponses qu'elle. En tant que public, que dit de nous cette fascination pour le fait divers ? En cherchant une réponse à l'horreur à tout prix, qu'essayons-nous de nous prouver sur la nature humaine ? La fin de la série, ouverte, laisse une possibilité au récit et à l'imaginaire. Trop mince, trop tardive hélas.

    Un Homme ordinaire
    Un Homme ordinaire
    Sortie : 2020-09-15 | 52 min
    Série : Un Homme ordinaire
    Avec Arnaud Ducret, Emilie Dequenne, Chloé Lambert
    Presse
    2,4
    Spectateurs
    2,7
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