En cet mois de juillet 2020, Christopher Nolan aurait dû etre à la fête à plus d'un titre, puisque la sortie de son nouvel opus, le très attendu Tenet, devait avoir lieu quelques jours avant son cinquantième anniversaire. Alors qu'il fête cet anniversaire en ce jeudi 30 juillet, et pour patienter jusqu'à son prochain long métrage, désormais prévu pour le 26 août, voici le classement de ses dix précédents, établi à partir de vos notes. Le numéro 1 va-t-il vous étonner ?
10 - INSOMNIA (2002)
3,6 sur 5 (8 800 notes) - Une bonne moyenne, mais une place de lanterne rouge qui s'explique peut-être par le fait qu'il s'agit là du moins nolanien de ses films. Ne serait-ce que parce que cet Insomnia, remake du polar norvégien du même nom commandé par la Warner, est le seul long métrage de sa filmographie dont il n'a pas écrit le scénario. Articulé autour du face-à-face psychologique et tendu entre Al Pacino et Robin Williams, ce jeu du chat et de la souris entre un meurtrier et un policier responsable de la mort de son partenaire dans une Alaska où le soleil ne se couche pas ne manque pas de qualités, et s'inscrit parfaitement dans l'œuvre de son réalisateur, à travers les notions de deuil, de manipulation ou de temps, ici représenté par l'absence de sommeil du personnage principal et ses pertes de repères. A l'arrivée, le succès est solide (113,8 millions de dollars dans le monde pour un budget de 46) et le studio assez emballé par le résultat pour confier à son poulain le soin de ressusciter Batman.
9 - FOLLOWING (1998)
3,8 sur 5 (1 224 notes) - Sorti de manière confidentielle dans les salles françaises le 1er décembre 1999, après un passage par le Festival du Film Britannique de Dinard, Following a marqué ses rares spectateurs, qui ont senti que son réalisateur, alors âgé de 29 ans, était à suivre. Ce qui colle bien avec le titre de son premier long métrage, dans lequel on retrouve déjà plusieurs de ses obsessions : la manipulation bien sûr, la narration morcelée à grands renforts de flashbacks, et même un personnage qui s'appelle Cobb, comme le futur héros d'Inception. Tourné en noir et blanc, pour coller avec le daltonisme de son auteur, le film s'accorde avec les nuances de gris de son cinéma, et se présente comme une ébauche de ce qu'il a signé par la suite. Le voir de manière rétrospective, après ce qui a suivi, peut donc atténuer sa force, mais souligne la cohérence dont le cinéaste fait preuve depuis ses débuts.
8 - DUNKERQUE (2017)
3,9 sur 5 (20 007 notes) - Est-ce le genre du long métrage en lui-même ? Son scénario plus épuré que d'habitude ? Son concept qui vous a quelque peu perdu ? Plus que jamais désireux de faire de la salle de cinéma une expérience, le cinéaste nous immerge dans l'évacuation des troupes alliées du Nord de la France en mai 1940, qui entremêle trois points de vue et autant de lieux (terre, mer, ciel) et de temporalités (une semaine, un jour, une heure), mais Dunkerque apparaît assez bas dans votre classement. Récompensé par trois Oscars (Meilleur Montage, Meilleur Montage Son, Meilleur Mixage Son), cet opus reste un tour de force technique pour Christopher Nolan, qui s'attaque au film de guerre de manière personnelle, en l'encapsulant dans une bulle temporelle où résonne le tic-tac persistant de la bande-originale signée Hans Zimmer, qui nous suit encore après la séance.
7 - BATMAN BEGINS (2005)
4,1 sur 5 (54 995 notes) - On ne parlera pas forcément de miracle, car il suffisait "juste" de bien faire les choses pour parvenir à ressusciter l'Homme Chauve-Souris. Mais ce Batman Begins était attendu au tournant : par le public, échaudé par Batman & Robin puis Catwoman ; et par l'industrie, curieuse de voir si la nouvelle vague super-héroïque initiée par Spider-Man et les X-Men pouvait se poursuivre avec la star du catalogue de DC Comics. Malgré un box-office mondial en-dessous des 400 millions de dollars de recettes, le bilan est positif. Il y a bien des problèmes de rythme et un méchant, Ra's Al Ghul, un peu moins convaincant qu'espéré. Mais en faisant table rase du passé et en s'inspirant aussi bien du comic book "Année Un" de Frank Miller que de polars tels que French Connection, Christopher Nolan réussit son pari avec une approche réaliste du personnage, et un impeccable Christian Bale dans le costume. Des débuts plus qu'encourageants avec un final qui annonce une suite explosive.
6 - MEMENTO (2000)
4,2 sur 5 (26 754) - Trois prix à Deauville, un à Sundance, deux nominations aux Oscars (Meilleur Scénario et Meilleur Montage)… Si Following lui a permis de se faire remarquer, c'est bien avec Memento que Christopher Nolan commence à se faire un nom auprès du public et de la profession, et notamment la Warner qui en fera son poulain peu de temps après. Co-écrit avec son frère Jonathan, ce thriller redoutable peut sembler classique sur le papier, puisque l'on retrouve une femme fatale et une histoire de vengeance et de manipulation autour du personnage principal, atteint de pertes de la mémoire immédiate qui l'empêchent de se souvenir de ce qu'il s'est passé au-delà des dix dernières minutes. Mais c'est dans sa manière de raconter l'histoire que le cinéaste impressionne et préfigure la suite de sa filmographie. Car le long métrage déroule les séquences à rebours, partant de la fin pour terminer au début, ce qui nous plonge dans un état proche de celui de son héros, car nous ne savons pas ce qu'il s'est passé auparavant. Une petite pépite, fûtée, qui fonctionne encore au second visionnage.
5 - LE PRESTIGE (2006)
4,3 sur 5 (32 520 notes) - Christopher Nolan a souvent comparé son travail de réalisateur à celui d'un prestidigitateur, en référence sans doute aux films signés Georges Méliès au debut du XXe siècle. Et il le prouve littéralement avec Le Prestige, thriller d'époque situé dans le monde de la magie et construit comme un tour, dont les trois actes sont énoncés dès le début par le personnage incarné par Michael Caine. Centré sur l'affrontement de deux magiciens, qui cherchent sans cesse à prendre le dessus sur l'autre dans des styles très différents, le long métrage multiplie les rebondissements jusqu'au twist final, mais c'est dans sa manière d'allier le fond et la forme qu'il convainc : alors que les deux protagonistes joués par Hugh Jackman et Christian Bale représentent les deux facettes de son cinéma (à la fois spectaculaire et cérébral), le récit évoque, en creux, les sacrifices auxquels on peut consentir pour un art. Une gravité qui fait de cet opus l'un des plus personnels de son auteur.
4 - THE DARK KNIGHT RISES (2012)
4,3 sur 5 (55 072) - Conclure une histoire n'est jamais chose aisée, et c'est notamment pour cette raison que le troisième épisode d'une trilogie est souvent considéré comme le plus faible. Au vu de vos notes, ça n'est pas le cas pour la saga Batman de Christopher Nolan, dont The Dark Knight Rises est le plus gros succès mondial à ce jour avec 1,081 milliard de dollars de recettes. Passer après l'opus précédent n'était pourtant pas chose aisée, et c'est peu dire que les attentes autour de celui-ci étaient fortes. Trop peut-être, car malgré le final épique, la qualité de la mise en scène ou l'émotion suscitée par Michael Caine, certains spectateurs sont ressortis déçus. S'inspirant notamment du "Conte des deux cités" de Charles Dickens, qui se déroule pendant la Révolution Française, le réalisateur évoque la lutte des classes et le soulèvement des pauvres contre les riches, tout autant qu'il met un point final à l'aventure initiée en 2005. Même sans être exempt de défauts, l'ensemble est aussi solide que Tom Hardy en Bane, et la fin de l'histoire, sombre et réaliste, coïncide avec l'explosion du Marvel Cinematic Universe, plus léger et coloré, grâce au carton d'Avengers la même année.
3 - INCEPTION (2010)
4,4 sur 5 (91 722) - Le film qui a tout changé. Après un remake, une adaptation de roman et deux de comic books, Christopher Nolan signe son premier projet original dans le giron de la Warner : un thriller d'espionnage qui se déroule dans un esprit et dans le monde des rêves. Constante de cinéma, le temps devient un outil que les personnages peuvent manipuler tout autant que le réalisateur (avec l'emploi du montage alterné notamment), tandis que ce dernier construit un monde dont il instaure les règles. A l'écran, Leonardo DiCaprio est l'alter ego de son metteur en scène, dans un récit à tiroirs qui cache une histoire de deuil et fascine avant, pendant et après. A la fois l'un des opus les plus aboutis de son auteur en même temps que la pierre angulaire de son cinéma, alors qu'il trouve une autre manière d'agencer ses thèmes fétiches et se fait définitivement un nom. Présenté comme "le réalisateur de The Dark Knight" au moment de la sortie d'Inception, il parvient ici à concilier succès public et critique et devient une franchise à lui tout seul, à l'heure où l'industrie se repose avant tout sur des marques préexistantes, plus faciles à vendre.
2 - INTERSTELLAR (2014)
4,5 sur 5 (57 888) - Le cinéma de Christopher Nolan n'a jamais vraiment rimé avec "émotion". Malgré Michael Caine dans sa saga Batman, ou le fond plus dramatique que cachent les rebondissements d'Inception ou du Prestige. Avec Interstellar, le réalisateur franchit un cap. Au propre comme au figuré, car il quitte la terre ferme pour une odyssée de l'espace aux contours humains, qui lui permet de marcher sur les traces de Stanley Kubrick, son modèle, et de Steven Spielberg, à qui le projet était initialement destiné. Au-delà des histoires de trous noirs et de planètes sur lesquelles le temps s'écoule différemment, le long métrage se focalise sur le dilemme d'un homme qui doit choisir entre rester auprès des siens sur une Terre mourante, ou les abandonner et manquer une bonne partie de leur vie pour leur offrir un avenir. Un drame de SF qui a bouleversé bon nombre de parents et rappelle que la famille est l'un des thèmes majeurs de son auteur, qui produit avec son épouse Emma Thomas, co-écrit avec son frère, et dirigé son oncle John (Following, Batman Begins) ou l'un de ses enfants (Le Prestige). Et force est de constater que son voyage aux confins de la galaxie vous a transportés puisqu'il manque de peu la première place du classement.
1 - THE DARK KNIGHT (2008)
4,5 sur 5 (87 301) - Et à la fin, c'est donc Batman qui gagne. De peu, car s'il affiche la même moyenne qu'Interstellar, c'est grâce à un plus grand nombre de notes qu'il s'offre la tête. Ce qui n'est pas plus surprenant que cela, dans la mesure où The Dark Knight se présente, aujourd'hui encore, comme l'un des meilleurs blockbusters du XXIe siècle et comme l'un des meilleurs films de super-héros de tous les temps, en plus de bien représenter le cinéma de son auteur, metteur en scène de blockbusters capables de convaincre la critique et le public, en alliant tradition et modernité : il tourne sur pellicule, valorise les effets spéciaux en dur au détriment du numérique, et cherche moins à proposer un produit de consommation qu'une vraie expérience (même lorsqu'il s'empare d'un genre rebattu comme le film de guerre) dans laquelle il brasse ses obsessions.
Influencé par Heat, pour son pas de deux entre le méchant et le gentil, cet opus confirme les espoirs placés en Begins et décolle grâce à la performance démente (et oscarisée) du regretté Heath Ledger en Joker, très éloigné de l'approche de Jack Nicholson et Tim Burton en 1989. Imprévisible comme son agent du chaos et davantage ancré dans l'après-11-Septembre que son prédécesseur, il constitue l'un des sommets de la carrière de son réalisateur. Et, donc, votre préféré parmi les dix longs métrages qu'il a signés.
Alors que plusieurs de ses films ressortent en édition Steelbook le 19 août, où se situera "Tenet", attendu le 26, dans ce classement ?