Il y a 20 ans, jour pour jour, nous quittait Claude Sautet, l’un des plus grands cinéastes français, riche d’une carrière de 14 longs métrages (une cinquantaine en tout, si l’on prend en compte son œuvre de scénariste et d’assistant réalisateur), de Bonjour sourire (1955) à Nelly et Monsieur Arnaud (1995). Des films qui ont laissé une empreinte forte sur le cinéma français. Des films dont le ton et l'atmosphère semblent avoir évolué avec l’âge de son réalisateur -des bavards et foisonnants dialogues des premiers films, Sautet est allé vers un cinéma plus introverti, pudique, intimiste et économe en mots-. Néanmoins, ces 14 longs métrages semblent tous unis, par leur côté intemporel et liés, par un fil invisible, celui des « choses de la vie », des relations humaines et de la façon dont on réussit à communiquer plus ou moins difficilement entre hommes et femmes.
Si ses oeuvres des années 70 - Les Choses de la vie (1970), César et Rosalie (1972), et Vincent, François, Paul et les autres (1974)- sont probablement celles citées les plus fréquemment, les plus diffusées à la télévision aussi, ses deux derniers longs métrages, tous deux sortis dans les années 90, –Un cœur en hiver et Nelly et Monsieur Arnaud- sont les seuls qui lui ont valu d’être enfin récompensé par l’Académie des César. Parce qu’il est toujours délicat de faire un choix, ce sont précisément de ces deux films dont nous avons choisi de parler aujourd’hui pour un hommage. Des films d’une infinie finesse et beauté qui méritent à leur tour d’être vraiment mis en lumière, tout autant que les collaborations plus connues du cinéaste, avec Yves Montand, Romy Schneider ou Michel Piccoli. Dans ces deux films, il mettait au premier plan un couple à l'époque à la ville, Emmanuelle Béart et Daniel Auteuil.
A noter qu'une grande partie de la filmographie de Claude Sautet est facilement visible en VOD notamment sur Canal VOD ou en DVD / Blu-Ray.
Un Cœur en hiver (1992)
Les non-dits et une forme d'ambiguité sont au coeur de ce long métrage tout en pudeur et retenue, porté par un formidable trio d'acteurs, Emmanuelle Béart, Daniel Auteuil et André Dussollier. L'histoire se passe sur fond de lutherie, cadre original pour poser l'intrigue au sein de laquelle la musique et l'artisanat occupent une belle place, mais le film a avant tout pour sujet, encore et toujours chez Sautet, les relations humaines.
Il s'agit plus exactement d'une histoire d'amour, qui, sur le papier à de faux airs de Jules et Jim avec cette femme (Emmanuelle Béart, sublime), tiraillée entre un homme expansif (Dussollier) et un autre taiseux et solitaire (Auteuil). Attirée par ce dernier, une forme de relation va naitre entre eux, toute en ambiguité et malentendus... A vous briser le coeur. Il y a des sentiments contrariés, du jeu, de la manipulation, mais surtout un grand film sur la naissance des sentiments d'un côté et la question de la solitude. Un Coeur en hiver est un très grand film, que d'aucuns considèrent comme le chef d'oeuvre de Sautet. Le cinéaste repartira des César 1993 avec le premier César de sa déjà longue carrière.
Nelly et Monsieur Arnaud (1995)
Dernier long métrage du réalisateur, et film testamentaire aux yeux de beaucoup... Comment ne pas deviner un portrait en creux du cinéaste dans le personnage incarné avec beaucoup de justesse et finesse par Michel Serrault. Un personnage particulièrement introverti qui va se lier à une jeune femme incarnée à nouveau par Emmanuelle Béart, trois ans après Un Coeur en hiver. Difficile de qualifier exactement quels sont les liens que réussissent à tisser le vieil homme et la jeune femme en instance de divorce, mais c'est cela qui confère une grande poésie et délicatesse au film.
Tout l'enjeu du film, dont l'intrigue est finalement assez minimaliste (l'histoire d'un homme retiré des affaires, à l'heure de faire le bilan, fait une rencontre inattendue), repose sur cette relation intellectuelle entre deux personnes assez différentes a priori. Comme beaucoup de films de Sautet, il est question de solitude, et c'est cette femme qui va parvenir à faire sortir le personnage de son introversion.
Pour sa dernière oeuvre, le réalisateur nous offre un film à l'opposé dans grandes tablées et personnages tourbillonnants de ses films les plus connus des années 70. De la grâce, des sentiments et des acteurs au sommet de leur art. Nelly et Monsieur Arnaud vaudra le César du meilleur réalisateur à Sautet (et celui du meilleur acteur à Serrault), le second après Un Coeur en hiver. Cette même année, c'est le film La Haine de Mathieu Kassovitz qui décrochera la statuette du meilleur film. Difficile de faire plus différent, mais si une chose lie ces deux films, c'est bien la façon avec laquelle ils ont réussi à traverser les années sans prendre une ride, tout étant tous deux en phase avec leur époque.
La bande-annonce de Nelly et Monsieur Arnaud