"Du jamais vu" selon Ecran large, "Une expérience sensorielle inédite" d'après Le Journal du dimanche, "Le film le plus spectaculaire qu'il ait été donné de voir sur l'espace" pour Le Monde, "Une virtuosité technique d'autant plus efficace qu'elle se fait totalement oublier" selon Première... voici quelques unes des critiques que l'on pouvait lire à propos de Gravity à sa sortie en 2013.
Adoubé par James Cameron, qui déclarait à l'époque à Variety : "Je pense que c’est la meilleure photo de l’espace jamais vue, le meilleur film sur l’espace jamais réalisé", le long-métrage d'Alfonso Cuarón a également reçu la validation du célèbre astronaute Buzz Aldrin, impressionné tant par la représentation de l'espace que par la psychologie des personnages. Deux encensements de taille accompagnés d'une approbation générale de l'industrie du cinéma pour le caractère révolutionnaire de sa réalisation technique.
Et pour cause, le metteur en scène a dès le départ imposé le réalisme comme mot d'ordre de la production. "Chivo [Emmanuel Lubezki, directeur de la photographie - ndlr], Tim [Webber, superviseur des effets spéciaux] et moi avons souhaité que les plans soient réalistes, à tel point qu'on ait l'impression qu'on s'est contenté de filmer l'espace. (...) J'étais conscient qu'il nous faudrait quelques effets spéciaux, mais ce n'est que lorsqu'on a essayé d'utiliser des techniques traditionnelles que je me suis aperçu qu'on allait devoir mettre au point un dispositif inédit pour réaliser le film tel que je l'envisageais". Les trois ont donc opté pour un mélange entre infographie et animation. Pendant la phase de prévisualisation, les équipes ont élaboré intégralement le film par ordinateur, poussant très loin le processus en raison de l’exigence réaliste fixée.
Innovation technologique
Pour mieux rendre compte de la gravité zéro, les équipes ont mis au point une technologie totalement inédite, la "Light Box" : un cube aux parois intérieures constituées de panneaux couverts de minuscules lampes LED. Son objectif principal était d'offrir un éclairage que la méthode traditionnelle n'aurait pas permis, comme dans les scènes où le personnage de Sandra Bullock tournoie dans l'espace. Les lampes, les caméras fixées sur des bras robotisés et les systèmes de rotation étaient dirigés à distance par ordinateur.
L'équipe a dû inventer une caméra assez petite et maniable pour enregistrer dans la Light Box. Pour les mouvements des acteurs, une plaque tournante était installée sous le plancher, les renversant ou les soulevant. Un dispositif, le "système de coeur-à-coeur", faisait tournoyer Sandra Bullock et George Clooney face à face. Le producteur David Heyman précise qu'un robot fixé à un bras, nommé Isis, se déplaçait à toute vitesse pour s'arrêter à quelques centimètres à peine du visage de l'actrice.
La préparation de Sandra Bullock
Pendant le tournage, la comédienne était souvent isolée dans la Light Box avec pour seul moyen de communication un dispositif d'oreillette, et un panel assez large de sons et de bruitages dans son casque, lui permettant de caler les émotions qu'elle devait exprimer avec le processus de tournage très mathématique. Un isolement répété qui, comme le note le cinéaste, "fait écho à la solitude de son personnage" et que Sandra Bullock a utilisé pour le nourrir : "Dès que je me sentais seule, frustrée ou désemparée, je me disais 'Sers-toi de cette sensation pour le rôle'."
Une coach de mouvement a appris à Sandra Bullock à se déplacer comme si elle était en apesanteur, lui montrant des images d'astronautes. La difficulté principale consistait à se mouvoir plus lentement, tout en parlant à une vitesse habituelle. "Le cerveau ne fonctionne pas spontanément de cette façon. Il a fallu que j'habitue mon corps à se comporter comme s'il était dans l'espace. Chaque parcelle de mon corps devait s'accoutumer à l'apesanteur avec grâce et poésie", souligne la comédienne.
Filmer l'apesanteur
Les équipes des effets visuels ont imaginé un dispositif d'une douzaine de câbles pour créer l'illusion que Sandra Bullock flottait en apesanteur. Les câbles classiques ne rendant pas l'effet désiré, il a fallu mettre au point un système de câbles pouvant être manoeuvré manuellement ou par télécommande grâce à une réplique miniature informatisée du mécanisme.
Six câbles étaient attachés à ses épaules, six autres à sa taille, de chaque côté, pour éviter l'effet de balancier, et le système a été manipulé et piloté par les plus grands marionnettistes. Enfin, pour certaines séquences, d'autres dispositifs auxquels les acteurs étaient attachés permettaient de les faire pivoter à des degrés divers, et des bras robotisés identiques à ceux utilisés dans l'industrie automobile ont rendu possible le tournage d'un certain nombre de plans audacieux.
Un défi pour les animateurs
L'apesanteur ajoutant de la difficulté à l'animation virtuelle, les animateurs ont fait appel à un outil baptisé "simulateur de la poupée de chiffon". Mark Solomon, superviseur de l'animation, explique qu'il "s'agit d'un petit personnage souple qu'on pouvait lancer dans l'espace virtuel et qui simulait les mouvements du corps humain. C'était utile pour bien comprendre la manière dont un personnage se déplace dans l'espace."
"Il nous a fallu revoir toutes nos règles physiques, puisqu'en général, nous partons du principe que le mouvement d'un objet est déterminé par son poids", note son collègue, David Shirk. "Nous avons dû remettre en question ces postulats, et accepter l'idée que, par exemple, lorsqu'un objet se met à tournoyer, il continuera à tournoyer indéfiniment – jusqu'à ce qu'il heurte un autre objet qui le déviera de sa trajectoire."
Un acharnement payant qui a valu au film une pluie de récompenses, près de 100, dont 7 aux Oscars, parmi lesquels celui de la Meilleure Photographie, des Meilleurs Effets Visuels, des Meilleurs Décors et du Meilleur Réalisateur.