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    Stephen King : pas seulement un maître de l'horreur
    Thomas Desroches
    Thomas Desroches
    -Journaliste
    Les yeux rivés sur l’écran et la tête dans les magazines, Thomas Desroches se nourrit de films en tout genre dès son plus jeune âge. Il aime le cinéma engagé, extrême, horrifique, les documentaires et partage sa passion sur le podcast d'AlloCiné.

    Connu et reconnu pour ses œuvres horrifiques, Stephen King est aussi à l'origine de nombreux récits dramatiques qui ont particulièrement résonné auprès du public et notamment au cinéma.

    Action Press / Bestimage

    Tout commence en 1974. Dès la publication de son premier roman, Carrie, Stephen King s'impose comme le maître incontesté de la littérature horrifique. Avec plus de 80 livres et pas moins de 300 adaptations cinématographiques et télévisuelles, l’écrivain s'est depuis construit un héritage vertigineux, peuplé d'anti-héros sanguinolents. Carrie White, Jack Torrance, Grippe-Sou... Autant de personnages que de monstres modernes érigés en figures de la culture pop. Pourtant, il serait faux de penser que le talent du « King » se limite uniquement à l'horreur. Tout au contraire, l'auteur de Shining s'est de nombreuses fois essayé à la science-fiction, au fantastique et même au roman policier. Mais c'est dans le registre dramatique qu’il dévoile une toute autre plume, à la fois intense, authentique et empreinte d'une grande sensibilité. 

    Au cinéma, l'adaptation de ses récits dramatiques trouve un écho tout particulier chez les spectateurs du monde entier. Vingt-cinq ans après sa sortie en salles, Les Évadés de Frank Darabont occupe la première place des films les mieux notés sur le site américain IMDb. Une note qui s'élève à 9,3/10 pour plus de deux millions de votants. Sur Allociné, c'est la Ligne verte, sorti en 1999 et toujours réalisé par Frank Darabont, qui occupe la deuxième place du classement avec une moyenne de 4,6/5 (Les Évadés, non loin derrière, est classé quatorzième avec une note de 4,5/5). Dès lors, qu'est-ce qui fait le succès de ces adaptations pourtant si éloignées du style habituel de l'auteur ?

    D.R.

    La fin de l'innocence

    Pour le savoir, il faut revenir sur l’une de ses premières intrigues non-horrifiques : la nouvelle Le Corps, publiée dans le recueil Différentes Saisons en 1982. Stephen King y raconte l'histoire de quatre jeunes adolescents qui entament un périple pour retrouver le cadavre d'un garçon disparu. Le court roman gagnera en notoriété grâce à son adaptation sur grand écran en 1986 sous le titre Stand by Me, par Rob Reiner. Le film rencontre un franc succès à sa sortie, avant d’acquérir un statut d’œuvre culte pour les générations à venir. Le casting, composé d’enfant stars de l’époque, y est pour quelque chose mais c’est le génie de Stephen King qui prime. Son récit, quasi autobiographique, pose un regard juste sur la fin de l’enfance, la mort et l’amitié. Une émotion qui reste intacte une fois transposée à l'écran. Stand by Me (nommé à l’Oscar du meilleur scénario adapté) demeure l'un des films les plus fidèles de l'univers de l'auteur et pour cause, certains dialogues ont même été retranscrits à l’identique.

    C'est un autre portrait de l’adolescence, plus inquiétant il faut dire, que l’on retrouve dans l’une des adaptations ciné les plus mésestimées : Un élève doué, de Bryan Singer. Le long-métrage adapte une nouvelle, présente également dans le recueil Différentes Saisons, dans laquelle Stephen King dépeint le quotidien de Todd, écolier solitaire et passionné par le nazisme, qui va se lier d’amitié avec un vieil homme, autrefois directeur d’un camp de concentration. Ce récit réaliste et d'une grande noirceur, à la frontière entre le drame et le thriller, permet une nouvelle fois à l’auteur de se pencher sur des thèmes forts : le pouvoir de la haine, le culte de la violence et l'innocence révolue. Le film, qui met en scène Brad Renfro et Ian McKellen, s’autorise beaucoup de libertés mais parvient tout de même à respecter l’intention de l’écrivain.

    Un Élève doué
    Un Élève doué
    Sortie : 20 janvier 1999 | 1h 51min
    De Bryan Singer
    Avec Ian McKellen, Brad Renfro, Bruce Davison
    Presse
    3,4
    Spectateurs
    3,3

    Un drame féministe

    En utilisant le réalisme, Stephen King perfectionne également ses personnages féminins. Souvent accusé de misogynie dans ses pages, l’auteur prend le contre-pied avec Dolores Claiborne, édité en 1993. Le livre raconte l’histoire d’une veuve, injustement accusée d’un meurtre qu’elle n’a pas commis. Au cours d'un interrogatoire, elle avouera un autre homicide, celui qu'elle a planifié contre son ancien mari violent. Avec cette fiction, l’écrivain publie un récit profondément féministe et engagé. Ce dernier s’inscrit dans une trilogie sur les violences faites aux femmes, avec Jessie (adapté pour la plateforme Netflix en 2017) et Rose Madder.

    À l’écran, Dolores Claiborne prend davantage de hauteur grâce aux performances déchirantes de Kathy Bates et Jennifer Jason Leigh dans le film de Taylor Hackford en 1995. Le long-métrage, à l’instar de Stand By Me, reste l'une des meilleures adaptations cinématographiques d'une œuvre de Stephen King.

    Dolores Claiborne
    Dolores Claiborne
    Sortie : 11 octobre 1995 | 2h 12min
    De Taylor Hackford
    Avec Kathy Bates, Jennifer Jason Leigh, Christopher Plummer
    Spectateurs
    3,9
    louer ou acheter

    Entre les murs

    Mais c'est dans l'enceinte d'une prison que la puissance émotionnelle monte encore d'un cran. La nouvelle Rita Hayworth et la Rédemption de Shawshank, publiée en 1982, en est le parfait exemple. L'histoire suit Andy Dubresne, emprisonné pour un double meurtre alors qu'il clame son innocence. Au fil des années, le prisonnier nouera une longue et belle amitié avec un autre détenu, nommé Red. Le film, maladroitement titré Les Évadés, est un échec cuisant en salles. Et ce, malgré son duo d'acteurs bankables (Tim Robbins et Morgan Freeman). Il faut attendre la sortie en vidéo pour que le long-métrage s'offre une seconde vie. L'ode à l'amitié et le message plein d'espoir imaginés par Stephen King finissent enfin par trouver leur public. En mars 2018, le magazine américain Empire le classe quatrième dans la liste des "100 meilleurs films de tous les temps". Un classement confectionné par les lecteurs du journal.

    L'autre célèbre drame carcéral de Stephen King est évidemment La Ligne verte. Responsable de nombreuses crises de larmes lors de sa sortie en salles, avec Tom Hanks dans le rôle principal. Contrairement aux œuvres précédemment citées, ce récit flirte de nombreuses fois avec le fantastique mais c'est avec les sujets sociaux que l'écrivain se rattache à la réalité. Dans le roman-feuilleton, publié en 1996, Stephen King invite ses lecteurs à le suivre dans les couloirs d'une prison de la Louisiane pour mieux dénoncer le racisme et la peine de mort. Au cinéma, le prisonnier accusé à tort, personnage crève-cœur pour les spectateurs, est brillamment interprété par Michael Clarke Duncan. Il sera, l'année suivante, nommé à l'Oscar du meilleur acteur dans un second rôle.

    Castle Rock Entertainment

    Si les romans horrifiques de Stephen King jouissent d'une grande popularité au cinéma, les adaptations de ses œuvres dramatiques semblent plus au goût du principal intéressé. Dans une interview accordée au magazine Rolling Stone en 2014, l'auteur admet que son adaptation préférée reste Stand by Me. "Je trouve que c'est fidèle au livre et le film respecte l'évolution émotionnelle de l'histoire", explique-t-il, avant de citer Les Évadés, La Ligne verte et Dolores Claiborne pour compléter la liste de ses favoris. Le Maître a parlé.

    Écoutez notre podcast "Spotlight" sur Stephen King :

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