Comment est né la série Plan Coeur, que vous avez co-créé avec Chris Lang (showrunner britannique, créateur de Unforgotten et Innocent) ?
Noémie Saglio : C'était son idée originale, il avait écrit un scénario il y a plusieurs années, et j'en ai gardé l'essence, à savoir deux copines qui paient un escort pour leur amie qui a du mal à trouver l'amour. Après, le reste n'a rien à voir avec le scénario qu'il avait écrit : c'était très "années 1990", avec des filles qui étaient très axées sur la réussite, super bling bling, très affirmées et aussi un peu plus jeunes il me semble. J'avais plus envie de parler des trentenaires parce que je trouve que ce sont les nouveaux vingtenaires. Nous n'avons pas collaborés ensemble sur Plan Cœur par la suite, il nous simplement a laissés développer la série avec Julien Teisseire à partir de son idée.
La saison 1 a su trouver son public sur Netflix; maintenant que tout le concept du mensonge autour de Jules a été résolu, comment trouver de nouveaux enjeux pour une saison 2 ?
C'était hyper dur, on a pas cherché de nouveau concept, mais c'est surtout que j'ai hyper peur de décevoir ! On se dit que le public a ses attentes, ses envies, et bien sûr ces envies on ne peut pas les deviner. On ne peut pas satisfaire tout le monde ! La relation qu'on a avec les spectateurs est assez particulière, et j'espère qu'ils vont continuer à aimer les personnages, à les suivre et à s'y retrouver.
La saison 2 arrive en octobre, moins d'un an après la première saison diffusée en décembre 2018. Était-ce une contrainte de produire dans des délais aussi courts ?
Avec Netflix, tout va assez vite, ce qui est plutôt une bonne chose. On a eu trois, quatre mois pour écrire la saison 2. On a toujours l'impression que c'est trop court car on a toujours envie d'écrire pendant dix ans jusqu'à ce que ce soit parfait, malheureusement ce n'est pas une industrie qui le permet, on n'écrit pas un livre. On est soumis à tout un tas d'impératifs, et les spectateurs attendaient la suite, donc c'est bien de continuer dans la même énergie.
Quelle place a pris Netflix dans le processus créatif de la série ? Étaient-ils très accompagnants ou au contraire vous a-t-on laissé beaucoup de liberté ?
Je pense qu'on a eu plus de libertés à l'écriture sur la saison 2 que sur la 1. Ils sont très présents, et pourtant on a pas du tout l'impression d'être coincés, ils laissent beaucoup de place au dialogue. S'ils ne sont pas d'accord avec un truc qu'on aime, on le défend, et tout passe. Il n'y a pas de censure, simplement des choses qu'ils aiment moins, mais même dans ce cas-là il est toujours possible d'argumenter et de discuter avec eux. On ne fait jamais une série seuls en tant qu'auteurs, et ce n'est pas plus mal car souvent quand on a fait une oeuvre à succès on nous laisse trop de liberté par la suite, et après on fait de la merde. (rires)
La série possède des codes très parisiens : les lieux, le mode de vie des personnages, etc. Mais demeure plutôt réaliste, en s'éloignant de la vision glamour des comédies romantiques. Comment éviter de tomber dans ces stéréotypes ?
Je me suis beaucoup battue pour ça. C'était difficile au début car Netflix voulait quand même montrer un Paris un peu idéalisé, vu que leurs séries voyagent... Et j'ai insisté sur le fait que ça avait été suffisamment montré, et qu'il fallait montrer le "vrai" Paris maintenant. (rires) Et ils ont vite suivi cette idée en fait ! Après, il faut toujours qu'il y ait un petit côté aspirationnel, elles sont dans des apparts qui sont un peu plus cools que ce qu'elles pourraient avoir... Dans une série, il faut quand même un peu donner envie, sinon c'est un peu triste. Surtout pour de la comédie !
C'était difficile au début car Netflix voulait quand même montrer un Paris un peu idéalisé, vu que leurs séries voyagent... Et j'ai insisté sur le fait que ça avait été suffisamment montré, et qu'il fallait montrer le "vrai" Paris maintenant.
Justement, les trentenaires que vous montrez dans la série sont à la fois drôles, touchants et un peu mélancoliques... Est-ce que cette génération est condamnée aux échecs affectifs ?
Mais comme tout le monde ! (rires) La vie est une éternelle petite bataille qui vaut le coup d'être menée. Toutes les générations ont eu leur lot d'emmerdes, et la nôtre se retrouve vraiment prise entre deux évolutions. Moi quand j'ai commencé à travailler, j'envoyais des fax, après je suis devenue très forte en nouvelles technologies, j'ai été biberonnée au Nutella et maintenant on est hyper sensibilisés à l'écologie... J'ai l'impression qu'entre nos 20 ans et nos 40 ans il va se passer beaucoup de choses, mais on a les épaules solides ! Beaucoup de choses changent, que ce soit la vision de la femme, ce qu'on doit défendre pour les générations suivantes, et pourtant on a pas été élevés de cette manière-là. C'est assez violent, on est pas nés avec Instagram et pourtant on se retrouve à stalker tout le monde et à avoir peur de cette vie idéalisée qui n'existe pas. C'est une génération qui me passionne et que je trouve géniale !
On déconstruit en permanence tout ce qu'on a appris.
Exactement ! C'est dur mais il faut raconter aux gens que ce n'est pas grave, c'est normal d'être imparfait, il faut continuer à y croire, et il n'y a pas d'obligation au bonheur ou à l'accomplissement à tout prix. Il faut juste être bien ensemble, et se regarder vraiment en face.
Quelles séries regardez-vous en ce moment ?
J'ai eu un coup de cœur pour Big Little Lies, j'étais plus fan de la saison 1 mais la 2 est tout aussi qualitative. Et tout est parfait : l'image, le jeu d'actrices... C'est incroyablement beau.
A côté de Plan Coeur, avez-vous d'autres projets en cours, pour le cinéma ou la télévision ?
J'ai tourné un film cet été qui s'appelle Parent d'élève, avec Vincent Dedienne, et nous sommes en plein montage. J'ai également un autre projet de série pas facile à monter, mais que j'aimerais beaucoup faire. Pour les autres, j'ai besoin d'un petit temps de redescente après Plan Coeur. (rires)
Avez-vous le sentiment que le succès de Plan Cœur vous a permis d'être plus écoutée ou sollicitée désormais ?
C'est vrai que la série a débloqué pas mal de choses pour moi; juste avant j'avais fait un film au cinéma qui n'avait pas très bien marché donc c'était pas mal de relancer la machine. (rires) Ce qui est génial, c'est d'être une des infimes voix d'un truc générationnel. Ça me fait super plaisir. Et j'espère que je vais réussir à continuer à en parler, et de parler aussi à des générations qui ne sont pas exactement la mienne.
Découvrez la bande-annonce de Plan Coeur saison 2, disponible sur Netflix :