Sorti en 2009 et développé par le studio texan Gearbox, Borderlands était un jeu mélangeant le jeu de rôle et tir à la première personne, dans lequel quatre aventuriers badass et charismatiques se lançaient à la recherche d'une fameuse Arche sur une planète du nom de Pandore, supposée renfermer tous les trésors de l'univers.
Dans un monde ouvert avec une ambiance d'inspiration far-west post-apocalyptique rappelant furieusement Mad Max mais en nettement plus drôle et barré, le studio avait frappé très fort avec son titre qualifié de Shoot'n Loot. Mais plus encore avec sa suite, Borderlands 2 et son méchant absolument génial, le Beau Jack, vendue à plus de 19 millions d'exemplaires. Complétée avec d'autres Spin Off vidéoludiques (dont l'excellent Tales From The Borderlands en 2014) la franchise Borderlands est une cash machine absolue pour son développeur et surtout son éditeur, 2K. Tellement d'ailleurs qu'au terme d'une poignée de jours à peine après la sortie de Borderlands 3 le 13 septembre dernier, 2k dégainait un communiqué de presse précisant que le dernier opus de la franchise s'est écoulé à plus de 5 millions d'exemplaires ; franchise devenant au passage milliardaire. Pour l'anecdote, mais qui en dit long sur la confiance de l'éditeur vis-à-vis de sa bonne étoile vidéoludique, le titre de Gearbox était d'ailleurs son unique jeu présenté sur le salon de l'E3 en juin dernier, sur un stand absolument gigantesque. Autant dire quand même que l'échec n'était pas vraiment une option...
Par le pouvoir de la sainte grenade !
Si en 2015, on apprenait que Lionsgate lorgnait la licence dans la perspective d'en faire une adaptation au cinéma, ce n'est toujours pas de ce côté que les choses bougent, mais bien au rayon jeu vidéo. C'est qu'en dix ans d'existence, la formule du succès de Borderlands a largement eu le temps de se rôder et faire ses preuves. Dans Borderlands 3, l'univers est toujours aussi punk et destroy, avec sa violence outrancière lorgnant ouvertement du côté de Ken le Survivant et sa galerie de Freaks parfois hauts de trois étages.
Comme à l'accoutumée, les joueurs choisissent d'incarner un chasseur de l'Arche parmi quatre disponibles ; chacun ayant trois styles de combats qu'il est possible de combiner en plaçant des points à chaque niveau gagné dans un arbre de talents. Entre Moze et son mécha «Ours en fer» lorgnant vers l'esprit de Tank Girl, Zane l'adepte des gadgets comme un hologramme et son drone de combat, Fl4k surnommé «le roi des bêtes», accompagné de fidèles créatures qu'il envoie attaquer les bandits, ou encore Amara la Sirène, qui, à la manière du dieu Vishnou, peut invoquer plusieurs poings immatériels pour écraser ses ennemis, le champ des possibles est large.
Quel que soit l'incarnation choisie, on retrouve avec plaisir dès le début de l'aventure le robot mono-roue Clap Trap, souffre-douleur des uns et des autres qui aime au passage à vous prendre pour son esclave de service -évidemment consentant-. Ce personnage, sorte de version déviante dirons-nous de Wall-E, mais pas moins attachante, est d'ailleurs devenu une véritable mascotte au sein de la franchise. Ce sont aussi les retrouvailles avec le personnage de Lilith, un des personnages principaux du premier volet de la saga, et clé de voûte de l'histoire de ce Borderlands 3, qui est désormais à la tête d'un groupe de rebelles dénommés «les pillards écarlates». Une fois encore, la menace pesant sur tout ce petit monde est de taille XXL, avec l'arrivée d'un duo de jumeaux frère / sœur dégénérés du nom de Calypso, qui se proposent d'unifier tous les clans de bandits et de mettre la main au passage sur le plus grand pouvoir existant dans la galaxie, conféré par l'Arche. Comme dans les opus précédents, le scénario tient là encore sur le coin d'une nappe ; fruit sans doute d'un intense brainstorming à la machine à café chez Gearbox.
Le fait est que ce duo de méchants aimant jouer les super-méchants est nettement moins percutant que le formidable antagoniste de Borderlands 2, «Le Beau Jack» et son cultissime poney en diamant, qui était aidé il est vrai par l'abattage monstrueux et jubilatoire du doublage effectué par le comédien Christophe Lemoine, bien connu des fans de South Park puisqu'il prête sa voix au personnage de Cartman. Tant qu'à parler du doublage du jeu en français -car Borderlands 3 est, comme ses petits camarades précédents, très bavard- le boulot abattu est costaud. Si les fans seront très certainement en terrain conquis par l'humour trash tapant très (trop ?) régulièrement sous la ceinture, d'autres en revanche risquent d'avoir les oreilles qui sifflent devant une telle avalanche de vulgarité. Certes totalement assumée, mais quand même.
Caresser le fan dans le sens du poil (soyeux)
De toute façon, les joueurs -et les ennemis avec- ne sont pas là pour faire dans la dentelle de Bruges. Dans Borderlands 3, on avance en mode « no brain no pain », en laissant son cerveau au vestiaire. A rebours de la philosophie du «less is more», Gearbox pousse au contraire le taquet au maximum dans le fan service. Avec des armes par milliards (oui oui!) où l'on trouve même des fusils sur pattes (!), c'est un festival de loot d'armes et de matériel à gogo, que les gamers se font un plaisir de tester sur les ennemis et le bestiaire du coin, dans des environnements qui nous ont semblé encore plus grands que dans les opus précédents. A ce titre d'ailleurs, on louera la variété des zones parcourues, entre les étendues désertiques de Pandore, la planète de Prométhée et son urbanisme tentaculaire transformé en zone de guerre, ou celle d'Eden-6, à nos yeux l'environnement le plus réussi ; une planète marécageuse recouverte de verdure, d'eau croupie, d'épaves de vaisseaux rouillées et de quelques habitations tombant presque en ruines. C'est un régal de parcourir les zones, armes aux poings et le doigt sur la gâchette, d'autant que le feeling de celles-ci est toujours aussi excellent.
Et c'est aussi le sourire aux lèvres lorsqu'on découvre, au détour de notre exploration ou d'une réplique, à quel point Borderlands 3 est bourré d'Easter Eggs, et pas seulement liés à la Pop culture d'ailleurs. Entre une punchline balancée par un personnage renvoyant directement à une des nombreuses répliques cultes du Full Metal Jacket de Stanley Kubrick (la fameuse chanson "ca c'est mon flingue et ça c'est mon dard, d'abord soldat et après c'est ça !") jusqu'à un skin d'arme baptisé "Born to Kill", reprenant le même symbole et légende que le pin's sur le casque de Matthew Modine dans le film ; en passant par Game of Thrones où une Khaleesi des égouts accompagnée de deux petits dragons vous attend dans les tréfonds d'une prison répondant au doux nom de l'enclume, jusqu'à Rick et Morty (un duo de dégénérés dans le jeu, rebaptisés « Wick et Warty »!), la saga ciné du Seigneur des Anneaux avec une zone littéralement calquée sur les mines de la Moria, Stranger Things, Downton Abbey, la série anim' One Punch Man, les jeux God of War, Half-Life, un clin d'oeil à Mario, Ariana Grande, John Wick… Il faudrait un dossier complet pour toutes les référencer. Un joyeux mélange qui, sur le papier, part effectivement dans tous les sens, mais offre dans le jeu un côté vraiment jubilatoire.
Plus c'est long, plus c'est bon ?
Non content d'être parfaitement jouable (et appréciable) en solo, le jeu déroule une aventure qui vous prendra au moins une trentaine d'heures pour se boucler. Et encore, en filant en ligne droite, donc sans compter les missions annexes ! Cela dit, le titre révèle tout son sel avec la possibilité de jouer en coopération, en ligne ou en écran splitté, quel que soit son niveau ou son avancement dans l'histoire. Les ennemis sont évidemment plus costauds, mais les sacro-saints loots seront encore meilleurs. Sans compter qu'une fois l'aventure bouclée une première fois, il est fortement encouragé de refaire le jeu avec un personnage déjà boosté et de très nombreux défis qui se déverrouillent, là aussi collectifs ou individuels. Ajoutons à cela bien entendu que le studio et son éditeur ne manqueront pas d'alimenter leur bébé dans les mois à venir à grands renforts de DLC, histoire de continuer à alimenter la flamme sacrée chez les fans (et titiller leurs portes-monnaies au passage...).
«Plus loin, plus fort, plus gros» : telle semble avoir été la devise de Gearbox avec Borderlands 3. On pourra toujours pester sur le fait que le studio – et par extension 2K- n'a cherché à prendre aucun risque concernant cet opus, se contentant in fine de faire du (très) gros fans service et de bien le faire, mais sans jamais dévier d'une recette d'alchimiste ayant réussi à transformer le plomb en or.
Pourquoi changer et prendre des risques, effectivement, quand on a une licence qui s'est déjà vendue, avant l'arrivée de la déferlante Borderlands 3, à plus de 41 millions d'exemplaires ? Les fans seront de toute façon aux anges. Quant aux nouveaux venus, ils pourront toujours se faire la main sur un titre ultra efficace dans son genre, très généreux -voire roboratif- sur son contenu, souvent vulgaire mais parfois diablement drôle. Mais dont il est n'est pas interdit de lui préférer peut-être son aîné, sorti il y a déjà sept ans, et qui disposait d'un supplément d'âme bienvenue. Pas de quoi non plus faire de Borderlands 3 un mauvais jeu.
Ci-dessous, la bande-annonce de lancement de Borderlands 3...