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    Deux moi de Cédric Klapisch : "Notre hyperconnexion nous déconnecte des autres"
    Laetitia Ratane
    Laetitia Ratane
    -Rédactrice en chef adjointe
    Très tôt fascinée par le grand écran et très vite accro au petit, Laetitia grandit aux côtés des héros ciné-séries culte des années 80-90. Elle nourrit son goût des autres au contact des génies du drame psychologique, des pépites du cinéma français et... des journalistes passionnés qu’elle encadre.

    A l'occasion de la sortie en Blu-ray DVD du dernier bijou de Cédric Klapisch, le réalisateur et son actrice fétiche Ana Girardot refont le monde...

    A Angoulême, Ana Girardot et Cédric Klapisch nous ont parlé avec leur gentillesse légendaire du monde dans lequel on vit et qui est mis en scène dans leur comédie romantique Deux moi, emmenée également par François Civil. Hyperconnectivitée, solitude individuelle, doutes et quête sur soi... Chez Klapisch, après son chat, chacun cherche son moi. Rencontre en vidéo (ci-dessus) et en quelques mots (ci-dessous).

    Un monde moderne qui crée de grands retours en arrière

    Cédric Klapisch : On a l'impression qu'on est connecté, mais en fait on est déconnecté quand on est connecté. Ce paradoxe est intéressant. Je pense qu'aujourd'hui la modernité va dans des sens différents, car à la fois, il y a une espèce de retour – retour à la nature, à des valeurs un peu fondamentales comme le retour du vélo dans les grandes villes ou le retour du potager, la permaculture, des choses comme ça - qui paraissent être des choses très datées, mais au fond c'est super moderne. Du coup, il y a des mouvements contradictoires où la modernité crée de grands retours en arrière.  Moi même oui, je suis intoxiqué par les réseaux sociaux, le téléphone. Mais je suis conscient de l'être. Ça n'enlève pas l'addiction, mais je suis conscient du problème que ça crée. C'est vrai que pour mon métier, Instagram notamment, c'est un outil extraordinaire. Le fait de pouvoir rentrer dans l'intimité « falsifiée » des gens, parce que ça n'est pas la vraie intimité des gens. C'est ce qu'ils veulent montrer d'eux-mêmes, donc c'est une mise en scène d'eux-mêmes, et en général, une mise en scène extrêmement hollywoodienne. C'est assez drôle d'avoir accès à une intimité à laquelle on n'avait pas droit avant. Je suis fasciné par ça, par exemple en suivant des comptes Instagram personnels par rapport à des pays ou des villes qui nous intéressent. On a accès à des trucs pour lesquels on se dit : c'est dingue leur quotidien ! Pour un scénariste, encore plus que pour un réalisateur, le fait d'avoir accès à ces données-là, c'est incroyable. Ce sont des outils super, mais j'ai bien conscience qu'après, on se perd dedans.

    Connais-toi toi-même : un film qui met en avant la psychanalyse

    Ana Girardot : On oublie parfois de se trouver soi-même et de se valider soi-même et on a tendance à se comparer aux autres, à comparer les autres. Les deux héros du film ont recours à la psychanalyse parce que leur âme est en quelque sorte cassée. La thérapie par la parole permet de poser des mots sur des maux et de se libérer, de comprendre nos schémas. J'ai suivi une psychanalyse avant le tournage parce que je n'en avais jamais fait et je m'interrogeais. On avait les mêmes rapports que dans le film, si bien qu'à un moment donné, elle me disait les mêmes choses et je répondais les mêmes phrases. J'ai dû arrêter parce que je ne savais plus si je lui livrais mon texte ou mon ressenti. La mienne était lacanienne, et elle ne parlait pas. J'étais perturbée, je la payais, elle ne disait rien ! Et en fait tu parles et à un moment donné, y'a un mot, une phrase qui sort et elle pose son doigt dessus. "Ah vous avez dit ça?" C'est fascinant mais long car il y en des paquets à ouvrir et des caisses à ranger ! Avec sa rupture, l'héroïne que je joue a cessé d'être aimée et a, du même coup, arrêté de s'aimer. Grâce à cette psy, elle va commencer à comprendre qu'elle s'est complètement oubliée en cet homme. Mélanie est très représentative des femmes d'aujourd'hui.

    Une rencontre amoureuse pas comme les autres

    Ana Girardot : Après ce film, je me suis dit "mais si ça se trouve, y'a un homme qui habite le mur à côté de mon immeuble et c'est celui qui me correspond le plus au monde". Parfois on ne se rend pas compte que la personne était là depuis le début. Ce film a plein de codes de la comédie romantique parce que les personnages secondaires sont drôles, attachants, on s'y identifie. Mais on tombe amoureux d'eux séparément et c'est comme si à la fin du film, on était leurs amis et qu'on avait envie de les présenter l'un à l'autre, sachant qu'ils iraient parfaitement l'un avec l'autre. Je suis une très grande romantique, j'ai adoré The Notebook au cinéma, qui a été mon film d'amour préféré pendant des années parce qu'il montrait les histoires d'amour que la société veut te donner et celles auxquelles tu ne peux pas échapper, ou justement le film que vous citez, Nuits blanches à Seattle, ou des films avec Meg Ryan comme Vous avez un message. Les plus belles histoires d'amour sont celles qui durent depuis très longtemps, et je dis aussi qu'après 40 ans si les histoires d'amour ont échoué, il reste les amis. Le "the love of my life it's you" dans les films d'amitié me fait pleurer parce que ce sont des histoires d'amour éternelles, construites sur les années. Les films d'amitié me font pleurer...

    Les retrouvailles de François, Ana et Cédric

    Ana GirardotFrançois Civil a vraiment tout pour lui. C'est un vrai bosseur, il a une patate et un smile contagieux. C'est simple de l'approcher, de lui parler, ce qui fait qu'il a un quota sympathie, tout le monde l'adore. C'est aussi un vrai passionné de son métier d'acteur, qui prend son travail au sérieux. Sur Ce qui nous lie, Cédric a vu à quel point on aimait travailler ensemble. Cédric Klapisch, quant à lui, a bercé mon adolescence. Ses films m'ont donné des envies de repartir à New York, de faire des choix, de ne pas avoir peur. Il capte des choses qui parlent à tout le monde. Lors de nos tournées, on a rencontré des gens qui ont voyagé grâce à lui, dont la vie a été déterminée par ses films, notamment L'Auberge espagnole. Je trouve cela génial !

    La rencontre entre Ana Girardot et François Civil c'est ici :

    Propos recueillis par Laetitia Ratane et Brigitte Baronnet.

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