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    L'étincelle : "Aucun film ne retraçait l'histoire LGBT sur 50 ans et à travers plusieurs pays !"
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 13 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    Entretien avec Benoit Masocco, réalisateur du documentaire "L'étincelle : une histoire des luttes LGBT+" qui sort en salles ce mercredi.

    CAPA

    AlloCiné : Quel a été le point de départ de L'Etincelle

    Benoît Masocco, réalisateur : Il y a quelques années, en me promenant dans le Marais, j'ai constaté à quel point ce quartier n'avait plus de gay que sa réputation. J'ai commencé à m'intéresser à son histoire et c'était comme dérouler une pelote, ça m'a amené à découvrir comment vivaient (ou survivaient) lesbiennes, gays et trans en France dans les années 80, 70, 60...

    Parallèlement, je me suis également intéressé à l'histoire américaine et d'une partie de l'Europe. C'est assez frappant de voir à quel point lesbiennes, gays et trans de chaque pays vivaient une histoire commune sans même le savoir ! De la répression souvent très violente des années 50 et 60 à la libération sexuelle des années 60, de l'apparition du sida au début des années 80 aux premières revendications autour des contrats d'union civile puis du mariage et de l'adoption dans les années 90 et 2000, tous ces pays ont joué leur rôle et ont apporté leur pierre à l'édifice... C'est cette histoire que j'ai voulu raconter.

    Et chose incroyable, je me suis rendu compte qu'aucun documentaire n'existait ! Il y a des films et des reportages sur des choses plus spécifiques mais aucun film ne retrace l'histoire LGBT sur 50 ans et à travers plusieurs pays !

    Combien de temps a été nécessaire pour mener à bien ce documentaire ?

    J'ai commencé à travailler sur le projet il y a 4 ans. Dans un premier temps, ça a été très compliqué de boucler le financement et sans l'aide de deux chaînes TV (Histoire et RMC Story) et du CNC, c'aurait été tout bonnement impossible. L'enquête ensuite a été très longue car les gens que je contactais étaient plutôt méfiants : pendant des années on leur a demandé de se taire et de nier leur propre histoire et tout à coup on leur dit que c'est capital de témoigner dans un but mémoriel...

    CAPA

    Quel est votre souvenir le plus fort de cette expérience ?

    J'ai vécu des rencontres uniques sur ce film. Chaque interview sans exception a été un moment d'une rare émotion. Parmi ces rencontres, en France, je pense à Robert Badinter évidemment, presque 40 ans après avoir fait voter la dépénalisation de l'homosexualité, il reste farouchement engagé contre l'homophobie, son intervention en fin du documentaire notamment marque beaucoup les spectateurs... Bertrand Delanoë qui revient avec franchise sur son coming out aussi... Sans oublier Jenny Bel'air, l'ex-physionomiste du Palace, Marie-Jo Bonnet, militante féministe et lesbienne, Didier Lestrade, le co-créateur de "Têtu" et d'Act-Up Paris ou encore le docteur Willy Rozenbaum, premier médecin en Europe a avoir été confronté au VIH, il est devenu depuis l'un des spécialistes mondiaux.

    Aux Etats-Unis, je pense à l'incroyable Cleve Jones, le bras droit de Harvey Milk lorsqu'il était jeune, qui ensuite a permis de faire voter le mariage pour tous aux USA, au si talentueux réalisateur de "Shortbus" John Cameron Mitchell, au scénariste oscarisé de "Milk" Dustin Lance Black, aux vétérans des émeutes de Stonewall qui racontent cet évènement fondateur avec un humour implacable, Honey Mahogany, ex participante de "RuPaul's drag race" qui revient sur la vie des personnes trans et non-binaire... A Amsterdam, le père du tout premier mariage gay au monde, la femme qui a créé la toute première manifestation LGBT en Europe... Bref, je suis intarissable ! Et à présent, je suis très touché par les retours des premiers spectateurs -hétéros ou LGBT- qui me disent leur fierté et leur reconnaissance face à tou-te-s ces pionnier-e-s...

    CAPA

    Vous avez un parcours diversifié, de la radio à l'écriture de pièces de théâtre, du journalisme culturel à la réalisation de documentaires notamment. En tant qu'ancien journaliste cinéma, quel(s) film(s) autour des questions LGBT conseilleriez-vous à nos lecteurs ? 

    L'un des films qui m'a le plus marqué lorsque j'étais adolescent a été Les Roseaux sauvages d'André Téchiné, j'ai même passé mon bac cinéma sur ce film ! L'homosexualité n'est pas la question centrale du film mais les personnages se débattent avec leur désir de manière si intense... Plus récemment son Quand on a 17 ans qu'il a co-écrit avec Céline Sciamma m'a également bouleversé.

    Le monde du spectacle a beaucoup inspiré un certain cinéma queer : "Cabaret", "Victor Victoria", "Hedwig and the Angry Inch" mais aussi "Torch Song Trilogy", petit film méconnu inspiré d'une pièce de Harvey Fierstein. C'est extrêmement drôle et pourtant, même si cela date des années 80, cela dit déjà beaucoup de choses du couple, de la question de genre, de l'hétéronomalisation...

    Dans les films plus récents, évidemment Harvey Milk, PridePriscilla, folle du désert ou encore C.R.A.Z.Y. En série, j'ai une admiration infinie pour Six feet under et j'aime beaucoup aussi pour Queer as folk ou The L world.

    Dans les documentaires : Les invisibles du formidable Sébastien Lifshitz, "Bleu Blanc Rose" de Yves Jeuland, Paris is burning sur le voguing, "The times of Harvey Milk" ou encore "We were here" sur l'épidémie de Sida à San Francisco. Voilà, vous savez ce qu'il vous reste à regarder cet été !

    D.R.

    Quels sont vos projets? Avez-vous un autre projet de long? Etes-vous tenté par un projet de fiction?

    Je m'apprête justement à tourner mon premier long métrage de fiction. Il s'intitule "Tactiles" et il s'agit d'un film chorale sur des rencontres amoureuses dans le Paris actuel, entre les applis, #metoo, la question de la fidélité, du couple, le polyamour, la fin du genre, la pansexualité... Cette comédie de société est inspirée d'une série de courts métrages que j'ai réalisée avec une petite équipe d'artistes, de techniciens et de comédien-ne-s formidables ces dernières années. Et le moins qu'on puisse dire c'est que malgré le maigre budget, avec ces thèmes, ce n'est pas évident de trouver le financement ! Mais il en faut plus pour se démotiver, la lutte continue ! 

    La bande-annonce de L'Etincelle : une histoire des luttes LGBT+

     

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