Alors que les films sous licences Marvel caracolent toujours en tête du Box Office depuis une dizaine d'années, -et ce n'est pas le carton planétaire d'Avengers Endgame qui fera mentir ce diagnostic- il n'en va pas franchement de même concernant les jeux vidéo sous licence Marvel; tandis que sur la rive d'en face, les jeux estampillés DC Comics, portés notamment par le brillant studio Rocksteady, étaient logés à meilleure enseigne. Ce triste constat a cependant été battu en brèche avec le formidable Spider-Man, exclusivité PS4, développé par le studio Insomniac.
En 2014, TQ Jefferson, vice président de Marvel Entertainment, sonnait déjà le tocsin. Haro sur les jeux Marvel, qui était le plus souvent des ratages d'envergures. Budget de développement à la baisse et pressions maximales pour sortir un titre à temps afin de coïncider avec une sortie en salle ne faisaient pas franchement pas bon ménage. "L'énorme succès de Marvel dans les films et séries TV attire de meilleurs partenaires en ce qui concerne les jeux vidéo" disait-il; "nous ne sommes plus focalisés sur des titres qui doivent sortir en même temps qu'un film. Nous devons prendre le temps de les développer et ne les sortir que lorsque le résultat sera bon. De fait, nous sommes désormais beaucoup plus sélectifs sur nos partenariats".
Si le jeu Spider-Man a constitué un premier -solide- jalon, le jeu Marvel's Avengers, développé par le studio Crystal Dynamics et édité par Square Enix qui l'a dévoilé lors de sa conférence pré E3 lundi soir, est censé être une nouvelle pierre vertueuse ajoutée à l'édifice, et déconnectée de son pendant cinématographique. Là où le dernier opus en salle est sorti en avril 2019, le jeu Marvel's Avengers n'est, pour rappel, pas attendu avant le mois de mai 2020. Et encore, il n'est pas à l'abri de reports possibles.
Un titre qui représente en tout cas à date le projet le plus ambitieux pour son éditeur et son studio de développement : "Nous avons décidé que l'histoire se déroulera sur plusieurs années, sans nécessiter l'achat de loot-box et sans recourir aux scénarios pay-to-win" a expliqué Ron Rosenberg, responsable du studio Crystal Dynamics, lors de la conférence. "C'est vraiment un énorme projet, pas moins de cinq studios ont travaillé dessus, il a d'ailleurs fallu revoir tout notre process de codéveloppement afin de coordonner une aussi grosse équipe" abonde de son côté Scot Amos, coresponsable du studio, que nous avons rencontré.
Annoncé en 2017 par l'entremise d'un bref teaser, Marvel's Avengers débute son histoire lors du A-Day, où Captain America, Iron Man, Black Widow, Thor et Hulk célèbrent l'inauguration d'un nouveau quartier général des Avengers à San Francisco et le lancement de leur héliporteur alimenté par une source d'énergie expérimentale. Mais la journée vire au cauchemar lorsqu'un accident catastrophique entraîne la destruction d'une grande partie de la ville. Les Avengers sont considérés comme responsables de la tragédie et se séparent. Cinq ans plus tard, alors que les super-héros sont devenus des parias, le monde fait face à une terrible menace et le seul espoir pour le sauver est de rassembler la dream team des supers-héros.
Pour l'heure, la présentation à laquelle nous avons assisté, d'une durée de 25 min et en Hands OFF (pour les non initiés : sans pouvoir poser nos mains dessus) se déroulait justement en cette triste journée du A-Day. Prétexte à une mise en bouche composée d'une successions d'affrontements se déroulant sur et autour d'un Golden Gate ravagé et menaçant de s'écrouler à tout moment, et qui faisaient défiler les personnages de Thor, Iron Man, Captain America, Hulk et Black Widow à tour de rôle.
Tandis qu'Iron Man poursuivait avec ses propulseurs des ennemis équipés de Jetpack, Thor jouait logiquement du marteau avec Mjolnir, déclenchant entre deux séries de coups des arcs de foudre. Puis entrait en scène Hulk, la brute épaisse de la bande. La puissance de ses coups dévastateurs, entre balancement de carcasses de véhicules à la tête des ennemis ou frappant rageusement le sol de ses poings, donnait à l'écran -et on imagine entre les mains- un vrai sentiment de puissance et de rage destructrice propre au personnage; fidèle en cela de ce qu'on a pu voir de lui sur grand écran. Tandis que Captain America jouait logiquement avec son bouclier qui rebondissait sur les ennemis à l'écran, la Veuve noire quant à elle jouait plutôt sur son agilité et sa dextérité avec un flingue dans chaque main dans une séquence partiellement très "unchartedesque", face à un méchant faisant soudainement irruption et que les fans de comics connaissent bien : Maître de corvée (Taskmaster en VO).
Si les personnages de la bande des Avengers se succédaient dans cette séquence de gameplay, tout se faisait avec une belle fluidité entre les combats dans une ambiance de Roller Coster, grâce à de petites cut-scenes qui se fondaient parfaitement dans le déroulé de l'action; presque imperceptibles. Une action qui était d'ailleurs, il n'est pas inutile de le préciser, toujours lisible, en dépit des explosions envahissant l'écran. Et soyons honnête : visuellement, ca avait quand même de la gueule.
Passons maintenant à la question qui taraude les esprits depuis le reveal de ces Avengers vidéoludiques : les visages. Si les premières impressions de leurs découvertes furent plutôt crispantes tellement les visages des acteurs de la saga cinématographique nous sont familiers, force est de reconnaître qu'une fois la séquence de gameplay engagée et dans le feu de l'action, nous n'y avons pas attaché plus d'importance que cela. On imagine quand même que la question de leurs représentations a pas mal dû alimenter les débats en interne au sein du studio.
In fine, n'ayant pas encore eu le jeu entre les mains, on se gardera bien entendu de porter tout jugement hâtif; d'autant que l'on a rien vu du volet coopératif Online promis, ni la manière dont s'articulent les missions, pas plus que le volet concernant la customisation des équipements des personnages, pouvant modifier leur gameplay. D'ici la sortie encore lointaine du titre, nous aurons très certainement l'occasion de poser nos mains dessus.
Quatre questions à Scot Amos, coresponsable du studio Crystal Dynamics.
AlloCiné : Comment avez-vous travaillé avec Marvel Entertainment ? Quel a été le process ?
Scot Amos : Sur ce point, je dois dire que l'engagement de Bill Rosemann, Vice président et Creative Director chez Marvel Games, a été précieux et total. On parle de quelqu'un qui a plus de 25 années d'expérience de storytelling dans les comics et les jeux vidéo. Il adore bien entendu tous ces personnages, il continue de travailler tout le temps dessus d'ailleurs. Pour nous, c'était un partenariat dès le départ, et au fond, ils fonctionnent vraiment comme nous chez Crystal Dynamics. Ils veulent raconter des histoires épiques, mais avec un esprit, un souffle humain. Lara Croft est un bon exemple de cet approche. On parlait chaque semaine, chaque jour avec eux. On a eu d'intense séances de brainstorming aussi avec eux.
C'est compliqué de partir sur une histoire originale sur un projet comme celui-ci, alors que vous auriez pu tout aussi bien chercher à coller à des comics déjà existants ?
C'est un challenge différent. On a des décennies d'histoires de comics, des centaines de personnages. sans compter les variations offertes par les films, les Graphic Novels, les séries animées ou non... Il y a tellement de matériau de base, comment allait-on faire pour extraire ce que l'on voulait ? D'autant que nous voulions créer une histoire qui puisse s'étendre sur plusieurs années. D'un autre côté, les fans connaissent déjà tout ça. Donc pourquoi ne pas créer quelque chose de nouveau, qui puisse aussi rendre hommage à un héritage bien connu ? C'est en tout cas ce vers quoi Marvel nous a vraiment encouragé.
Que vous a appris le développement de votre précédent jeu, et qui vous a aidé sur ce projet ?
Bonne question. Je dirai la manière de traiter l'humanité d'un personnage, être capable d'en faire un portrait intime grâce à la narration, et son héroïsme. L'humanité et l'héroïsme, des éléments évidemment très présents chez Lara Croft, mais aussi dans le storytelling de l'univers créé par Marvel.
Ca été difficile de trouver l'identité visuelle du jeu, en l'occurence celle des personnages ? C'est que les gens sont aussi marqués par les visages qu'ils ont connu sur grand écran depuis dix ans...
Oui, ca été compliqué. Mais d'un autre côté, c'était aussi une énorme opportunité. On a une dizaine d'années remplies de formidables histoires, qui se sont achevées avec Avengers : Endgame. Donc comment faire avec ça ? Il faut garder à l'esprit que Marvel a très souvent réinterprété ses propres personnages; ils sont l'étoile du Nord pour ça. Regardez aussi les James Bond par exemple : combien d'incarnations avez-vous eu ? Combien de variations autour de Batman avez-vous eu ? Il n'est pas impossible d'apporter une vraie fraîcheur aux personnages, tout en restant fidèle et authentique aux racines. Mais c'est effectivement une grosse responsabilité.
Ci-dessous, les images du jeu dévoilées lors de la conférence de Square Enix...