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    Years and Years : "C'est l'élection de Trump qui m'a donné envie d'écrire la série" avoue Russell T Davies

    Disponible sur MyCANAL et Canal+ Séries à raison d'un épisode par semaine, l'excellente série "Years and Years" est la nouvelle création ultra-ambitieuse du prolifique Russell T Davies à l'oeuvre sur "Doctor Who" ou encore "Queer As Folk". Rencontre.

    StudioCanal

    AlloCiné :  Years and Years n'est pas une série facile à pitcher, car elle se situe à mi-chemin entre de nombreux genres, elle est très ambitieuse et très riche thématiquement. Comment vous, vous l'avez pitché à la BBC ? 

    Russell T Davies : C'est vrai que Years and Years est une série compliquée à pitcher sur le papier, mais quand on la regarde, je crois que tout se révèle finalement beaucoup plus simple. Quand je me suis assis face aux dirigeants de la BBC, ce dont je leur ai parlé en premier lieu, ce n'est pas de l'aspect politique, pas du Brexit, pas de Donald Trump... Je leur ai parlé de la famille, des personnages, du réalisme qui me tenait très à coeur. Je leur ai parlé de Daniel qui se marie à son fiancé, de cette jeune fille qui se dit transhumaine, de cette grand-mère irrévérencieuse, d'Edith qui voyage à travers le monde, de Ruby et ses enfants nés de pères différents, de son handicap et de son amour de la vie, du monde qui s'effrondre suite à la faillite d'une banque... Je leur ai aussi parlé des acteurs que je voulais et que j'ai réussi à avoir. 

    Le terme dystopie pour la qualifier vous convient ?

    Je suis un peu réticent à la qualifier ainsi personnellement parce que c'est quelque chose de très sombre en général, et j'ai fait en sorte que notre série ne soit pas que sombre, elle l'est c'est vrai, mais elle peut être lumineuse aussi, et il y a toujours un espoir, toujours une lueur. C'est une série sur une famille, et sa survie, avant tout. 

    La série se déroule sur 25 ans, dans notre futur proche. Comment avez-vous défini ce à quoi cela ressemblerait d'un point de vue politique ?

    J'ai fait marcher mon imagination et j'ai voulu partir sur des choses probables, crédibles. Je pense tout à fait que Donald Trump pourrait obtenir un second mandat à la présidence des Etats-Unis. Au moment où j'écrivais la série il y a quelques mois, les gens autour de moi me disaient "Mais non, il y a trop d'affaires, il va tomber avant la fin de son mandat...". Et je leur répondais que pour moi il allait survivre à tout, et qu'il allait se représenter. J'ai fait des paris. On verra si je suis tombé juste...

    Mais c'est son élection qui m'a donné envie d'écrire la série au départ et au fur et à mesure des mois, j'ai pu constater que la situation devenait de plus en plus hors de contrôle. Ce qui nous a d'ailleurs forcé à écrire très vite, et je voyais des choses que j'avais écrites qui se réalisaient dans la réalité. Tout évolue à une vitesse spectaculaire actuellement.

    Le personnage d'Emma Thompson ressemble à s'y méprendre et physiquement et dans son attitude à une politique que l'on connaît bien en France : Marine Le Pen. Est-ce que vous avez pensé à elle en écrivant le role ? Faisait-elle partie de vos inspirations ?

    Je sais très bien qui c'est... (rires) J'ai fait référence à elle à un moment donné... mais il est possible que la BBC n'ait pas gardé ce passage, je n'étais pas très poli ! (rires). Peut-être qu'Emma Thompson s'en est inspirée, mais je ne peux pas répondre à sa place. Ce qui est sûr c'est que je n'ai pas voulu m'inspirer d'une seule personnalité politique, mais de plusieurs. Il y a du Donald Trump, du Nigel Farage (ndlr: fondateur du Parti du Brexit), du Katie Hopkins (ndlr: une chroniqueuse anglaise controversée) et oui du Marine Le Pen. Chaque pays a certainement un équivalent de ces gens qui me font peur ici, en Angleterre. Ils m'ont aidé à créer Vivienne Rook, tout en sachant que c'est impossible de faire plus fort que la réalité. Et ce qui est le plus effrayant c'est que ces gens ont un réel pouvoir sur l'opinion publique.

    Un jour, je suis tombé sur un débat télévisé qui était diffusé sur BBC One et qui était plein de bile, de fureur, c'était terrible, vraiment terrible. Quand j'ai vu ça, j'ai eu envie d'en faire quelque chose. Il faut dire que c'est une matière riche et fascinante. Mon rôle c'est de montrer le mécanisme de cette fascination et comment on en arrive là. Et en cela, je suis fier de ma création. J'ai choisi de ne pas montrer Vivienne dans son intimité, rester toujours sur le personnage public, sur ce qu'elle renvoie à travers l'écran, pour qu'elle reste fascinante et quelque part mystérieuse tout le temps.

    La bande-annonce de Years and Years :

    Comment avez-vous convaincu Emma Thompson d'endosser ce rôle alors qu'elle est très rare en télévision ?

    J'aurais aimé vous raconter une histoire plus palpitante où j'aurais passé des nuits à frapper à sa porte pour la convaincre, mais la réalité est beaucoup plus simple. Elle doit recevoir des tas de propositions, elle ne peut pas tout lire, mais j'ai eu de la chance : son agent a lu le script et a adoré, donc il lui a conseillé directement d'en faire autant, et elle a accepté notre proposition assez rapidement. Je vous avoue qu'encore aujourd'hui, j'ai dû mal à le croire ! On a eu beaucoup de chance et elle est formidable dans le rôle.

    Le personnage principal de la série, Daniel (Russell Tovey), est homosexuel, comme de nombreux héros dans vos séries précédentes (Queer As Folk, Cucumber, A Very English Scandal). Est-ce que c'était quelque chose de naturel pour vous, d'évident ?

    Oui, je ne me pose pas vraiment la question car ça me vient comme ça naturellement, je pars de ce que je connais le mieux, de ce qui me fait vibrer, mais j'ai bien conscience aussi que j'ai un rôle à jouer. En mettant un couple homosexuel au coeur de mon histoire, je pense au fait que c'est une série diffusée sur la BBC, puis partout dans le monde, et c'est important pour la visibilité. Et en même temps, on ne m'en fait jamais le reproche au sein des chaînes, ce que je trouve formidable : ça montre bien que les mentalités ont évolué.

    Il y aussi un couple lesbien dans la série, ainsi qu'un personnage transgenre en transition. Je suis fier de ça, et pour tout dire, quand je regarde ma propre famille, c'est ce que je vois. Des couples mixtes notamment. Cela doit être célébré de mon point de vue, et ces différences, ces multitudes de combinaisons amoureuses, participeront à la survie de la race humaine. 

    La série se déroule à Manchester, comme Queer As Folk il y a 20 ans. Comment auraient réagi les héros de la série dans la même situation que ceux de Years and Years ?

    Ils auraient fait la fête toute la journée ! (rires) Mais quelque part, Daniel aurait tout à fait pu faire partie de la bande, il en est une version moderne. Un homme gay, sexy, au milieu de sa vie, qui pense au mariage et qui a une vie amoureuse compliquée... 

    Est-ce que Years and Years est une mini-série ou une suite est-elle possible ?

    J'ai vraiment pensé la série en 6 épisodes et j'ai pensé la fin comme quelque chose d'assez définitif. Et je suis heureux du travail accompli. Mais il ne faut jamais dire jamais. Si on m'offre un pont d'or, j'y réfléchirai ! 

    Entretien réalisé le 10 mai 2019 en collaboration avec Le Figaro (Constance Jamet)

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