Personne ne connaissait Bob [Fosse]. J’ai été avec lui pendant 40 ans ; je ne connaissais pas Bob. Ann [Reinking, son autre femme] a été auprès de lui pendant 7 ou 8 ans. Et aucune de nous deux ne connaissions Bob, parce qu’il ne se connaissait pas lui-même. (Gwen Verdon)
Bob Fosse est resté une énigme pour celle qui fut sa partenaire, sa femme, sa confidente et sa muse : Gwen Verdon. Bob Fosse est probablement resté une énigme pour lui-même. Génie de Broadway au comportement autodestructeur, il a ainsi sabordé son mariage, ses relations, sa personne. Accroc aux drogues (Seconal et Dexedrine, un anesthésique et un stimulant), à l’alcool, au sexe et aux femmes, il aura, peut-être aussi à cause de ses excès mais surtout pour son talent, marqué l’histoire de Broadway et des comédies musicales. Un succès qu’il doit à un sens inné de la chorégraphie qui a « défini ce que nous imaginons être un musical à Brodaway » selon Kevin Winkler, auteur de la biographie, Big Pearl : Bob Fosse and Dance in the American Musical. « Il possédait ce style singulier à la fois cool et sexy, mené par le pelvis ». Un succès également, voire surtout, gagné grâce à sa collaboration avec Gwen Verdon, sans qui, il ne serait pas la légende qu’il est devenu.
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Nous sommes au début des années 50 et si Bob Fosse et Gwen Verdon se connaissent, c’est uniquement parce que le milieu du musical est un petit monde. Lui débutait, elle, avait la réputation d’être difficile « parce que je ne supportais pas une mauvaise chorégraphie » confiera-t-elle à CUNY Television en 1991. C’est par l’intermédiaire du producteur Hal Prince, du metteur en scène George Abbott et du projet Damn Yankees qu’ils se rencontrent. Le jeune chorégraphe est d’abord réticent et cède uniquement s’il peut passer quelques jours en répétition avec elle. Elle est choisie pour incarner le premier rôle, Lola et Fosse veut être certains qu’elle en soit capable, bien qu’elle ait déjà reçu un Tony Award en 1953 pour son rôle dans Can-Can. La suite appartient à l’histoire. Ainsi est né le plus grand couple de Broadway.
En 1960, l’année de leur mariage, ils montent leur première comédie sur les planches : Redhead. Il dirige et chorégraphie, elle joue le premier rôle. La reconnaissance est totale, le show remportera 6 Tony Awards, dont la meilleure actrice, meilleure chorégraphie et meilleure musique. Dans l’oeuvre de Bob Fosse et Gwen Verdon, il y aura beaucoup d’eux-mêmes. Elle façonne les rôles de Charity dans Sweet Charity, Lola dans Damn Yankees ou Roxie Hart dans Chicago à son image. All That Jazz (Que le spectacle commence ! en vf) sera en partie autobiographique, faisant le portrait d’un chorégraphe exigeant, stressé et accro aux drogues.
Tout pourrait aller bien dans le meilleur des mondes mais Bob Fosse est volage et l’accumulation de ses aventures finit par épuiser Gwen. « Bob était connu pour être un womanizer. Il n’a jamais été fidèle avec ses épouses ou ses petites amies » précise Kevin Winkler. Une dernière rumeur lui donne une aventure avec Jessica Lange, c’en est trop pour sa femme. « Bob a grandi autour de clubs de striptease. Les femmes étaient un hobby pour lui. Il a même trompé ses maîtresses ! Une partie de lui devait se sentir coupable, une autre devait être extatique », confiera Verdon.
Je suis plus charmant et drôle quand je suis entouré de femmes. Je me pavane. Probablement un complexe d’infériorité quand j’étais petit garçon, et donc une façon de me prouver à moi-même. J’ai vraiment saccagé mes mariages et c’est quelque chose que je regrette. (Bob Fosse)
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Le couple se sépare mais ne divorce pas. Et si l’amour n’y est plus, ils restent indissociables. « Il y avait une connexion très profonde entre eux. Elle s’est construite dans les salles de répétition. Un jour, Bob Fosse a dit que les meilleurs moments de sa vie, il les avait passé dans une salle de répétition avec sa femme, Gwen et que s’il avait pu y installer un frigo et un lit, il n’aurait jamais quitté la pièce et aurait vécu une vie formidable. Les problèmes ont toujours commencé quand il quittait cette pièce. Je pense que le travail, l’inspiration et la persévérance de bien faire les choses les ont vraiment conduit à avoir la carrière qui fut la leur et créer cette alchimie entre eux » précise Kevin Winkler. Elle restera proche de lui jusqu’au bout, aussi bien dans sa carrière, dans sa vie privée qu’après sa mort. Avec sa fille Nicole (productrice et consultante sur la série Fosse/Verdon), son autre femme Ann Reinking, elles entretiennent l’héritage de Bob Fosse. C’est aussi Gwen qui lui tiendra la main dans sa chambre d’hôtel, alors qu’il attend les secours après une alerte cardiaque.
Fosse/Verdon, c’est l’histoire d’une collaboration professionnelle mais c’est surtout une histoire de passion. Une passion qui a subi des avaries au fil des trahisons de Bob mais qui est malgré tout demeurée intense, belle et noble jusqu’au bout. L’homme qui tua Liberty Valance nous disait que si la légende est plus belle que l’histoire, mieux vaut imprimer la légende. L’histoire de Bob et Gwen serait toujours plus belle que les légendes, au point de se demander pourquoi Hollywood a autant attendu pour raconter leur histoire.
