De quoi ça parle ?
Adaptation du roman de Mathieu Menegaux, Un Homme Parfait dresse le douloureux récit d’une mère qui découvre que son mari abuse de ses deux filles. Elle va alors tenter de faire entendre à la justice que sous cet homme parfait se cache une face bien plus sombre et inavouable.
C’est avec qui ?
Dans le rôle de Daphné, on retrouve Odile Vuillemin. Elle s’était déjà illustrée dans le téléfilm sociétal L’Emprise avec Fred Testot où elle jouait le rôle d’une femme battue qui finit par assassiner son mari. Le père incestueux, Maxime, est tenu par Loïc Corbery, vu notamment chez Delphine De Vigan (A Coup Sûr) ou récemment chez Wim Wenders (Submergence). Enfin ses parents sont joués par Frédérique Tirmont (La Stagiaire, Falco, Nina,...) et Didier Flamand (Capitaine Marleau, Une chance de trop,...).
Ca vaut le coup d’oeil ?
Avec Un Homme Parfait, France 2 aborde les violences incestueuses sur mineurs. Un sujet grave, lourd et pas évident à mettre en mouvement. Les premières images donnent le ton, tout juste perturbées par une nappe sonore trop appuyée. Dommage, car s’y joue une violence crue mais débarrassée de tout effet trop voyeuriste ou putassier et tenant la bonne distance pour suggérer l’inconcevable.
Maxime et Daphné ont tout de la vie parfaite. Une belle maison moderne avec un grand jardin, deux situations professionnelles confortables qui leur permettent de s’épanouir (peut-être un peu moins Daphné qui doit s’éloigner de sa famille quelques jours par semaine). Une existence idyllique que vient d’abord légèrement contrarier les mensonges de Claire. Jusqu’au moment où quelques mots écrits sur une feuille de papier va tout changer.
Avec une économie de moyen et de forme, le téléfilm va progressivement basculer de l’horreur de la découverte à la lutte d’une mère pour faire entendre sa voix. Car Daphné se heurte à la rigidité d’un système judiciaire trop souvent incapable de traiter ces cas, fautes de preuves matérielles. C’est la froideur souvent implacable, impersonnelle et dépourvue de sentiment d’une justice forcément aveugle mais qui accentue l’impression de ne pas être entendu, écouté voire compris. On pense à L’Emprise, téléfilm diffusé en 2015 sur TF1 déjà avec Odile Vuillemin et qui traitait des violences domestiques qui poussèrent la jeune femme à tuer son mari abusif. Même façon de traiter les contraintes et les limites de l’accompagnement judiciaire. Un Homme Parfait aurait pu durer un peu plus longtemps pour mieux figurer la perdition de Daphné s’enfonçant dans une détresse résignée, mais ce traitement sur l’os lui permet aussi de se sortir d’une émotion à fleur de peau, sans surdramatiser des situations qui n’en ont pas besoins.
Le téléfilm se laisse volontairement écrasé par son sujet. Comme si les auteurs (Dominique Garnier et Françoise Charpiat) et le réalisateur (Didier Bivel) avaient sciemment éteint leurs velléités artistiques afin de ne pas détourner l’attention du spectateur. Tout y tres factuel, prévisible, humble, oscillant très subtilement entre la représentation brute et le drame pur. Odile Vuillemin incarne bien cette dualité, où son jeu peut se montrer très naturaliste et virer dans un excès somme toute contrôlé. L’actrice montre une nouvelle fois qu’elle excelle dans ses portraits complexes avec une ascendance doloriste.
La télévision possède un vrai rôle à jouer quand elle s’empare de sujets de société forts. Parce qu’elle touche un grand nombre de gens, ces fictions permettent de lancer les débats ou de sensibiliser sur des questions importantes. Une position qu’ont parfaitement saisi les feuilletons quotidiens où l’on retrouve régulièrement des thématiques jugées parfois délicates (ou « clivantes ») : mariage homosexuel, grossesse adolescente, attentions ou élections. C’est aussi le cas des unitaires, parfois devenus à tort les délaissés d’une télévision qui se sérialise. Avec Un Homme Parfait, France 2 cherche à traiter un sujet grave, encore trop souvent tabou sur les écrans. Et elle le fait bien. Juste et sobre.