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    Love Streams : retour sur la production chaotique du chef-d'oeuvre de John Cassavetes
    Corentin Palanchini
    Passionné par le cinéma hollywoodien des années 10 à 70, il suit avec intérêt l’évolution actuelle de l’industrie du 7e Art, et regarde tout ce qui lui passe devant les yeux : comédie française, polar des années 90, Palme d’or oubliée ou films du moment. Et avec le temps qu’il lui reste, des séries.

    D'un financement par la controversée Cannon à un changement d'acteur principal à la dernière minute, découvrez les coulisses de "Love Streams", chef-d'oeuvre de John Cassavetes qui ressort ce mercredi dans les salles.

    Splendor Films

    A la fois pour la ressortie de Love Streams de John Cassavetes ce mercredi et pour le 30ème anniversaire de la mort du cinéaste le 3 février dernier, redécouvrez les coulisses de ce qui est souvent considéré comme l'ultime film du metteur en scène. Il a ensuite terminé le tournage de Big Trouble (1986) après que son ami Peter Falk lui a demandé de le faire.

    Love Streams présente deux personnages : d'abord Sarah, passionnée, jalouse et possessive en amour. Se sentant trahie par son mari et sa fille, elle débarque chez Robert, riche écrivain accro à la débauche, alors que le fils de ce dernier vient de lui être confié. Dès qu’il la reconnaît, il se jette dans ses bras. Leur amour mutuel réussira-t-il à les apaiser ?

    Par les producteurs de L'Implacable ninja, des Barbarians et de Delta Force 

    Avant Love Streams, la Cannon Group est connue pour sa série de films de ninjaHercule avec Lou Ferrigno ou Le Manoir de la peur, le dernier film de Pete Walker. En cette année 1984, la firme sort Break Street 84, un film sur le break-dance qui remporte un énorme succès et aussi un film signé d'un grand nom du cinéma : Love Streams de John Cassavetes. Si aujourd'hui Netflix attire les grands réalisateurs qui viennent tourner leurs films que personne d'autre ne veut prendre le risque de produire (on pense à The Irishman de Martin Scorsese), hier c'était la Cannon.

    La firme tenue par les cousins Menahem Golan et Yoram Globus (et appartenant désormais à la MGM) avait décidé de financer des réalisateurs reconnus pour changer l'image de leur firme, dont les productions étaient souvent faites d'action vite tournée. Cassavetes rend un premier montage de 120 minutes, mais la Cannon, lui réclame plutôt une version d'1h30. Têtu, il leur proposera un second montage... de 140 minutes !

    John Cassavetes ne devait pas jouer le rôle principal

    Love Streams est à l'origine une pièce écrite par Ted Allan et mise en scène par Cassavetes en 1981, dont Jon Voight et Gena Rowlands interprétaient les rôles principaux. Intéressé par reprendre son rôle dans la version cinéma, Voight donna son accord à Cassavetes mais des divergences avec le réalisateur et son engagement à tourner un autre projet (probablement Runaway Train d'Andrey Konchalovsky) pousseront Voight à renoncer au tournage quelques semaines avant le premier clap.

    Au pied du mur avec l'échéance du tournage qui approche, malade d'un cancer du foie, Cassavetes adapte le personnage principal masculin et s'attribue le rôle de cet écrivain, Robert, qui au contact de Sarah va tenter d'atténuer leurs deux solitudes. Gena Rowlands, femme du réalisateur, lui donnera la réplique pour la dernière fois après dix collaborations depuis Un enfant attend (1963). Le film semble passablement improvisé mais il n'en est rien et le spectateur savoure le mélange de cruauté et de délicatesse des personnages ainsi que les messages envoyés par le réalisateur à sa femme :

    Une solitude autobiographique

    John Cassavetes avait habitué le public à un cinéma caméra à l'épaule, mais il opte pour des plans fixes et des travellings, renforçant l'impression de solitude des deux personnages principaux, isolés dans le cadre. Cette solitude qui frappe les personnages n'est pas sans être celle du cinéaste, à qui l'on vient d'annoncer qu'il allait prochainement mourir d'un cancer et qui a perdu sa mère peu de temps avant le début du tournage. La peur de la vieillesse et de la mort transparaît dans l'intégralité du long métrage.

    Renforçant encore un peu plus l'aspect autobiographique, la maison du héros est réellement celle de  Cassavetes. On y aperçoit d'ailleurs des tableaux peints de sa main et des décors (des escaliers notamment) déjà aperçus dans Faces, un précédent film du metteur en scène.

    Pour aller plus loin, le livre L'impossible Monsieur Cassavetes de Sophie Soligny vient de sortir aux Editions Séguier (21 euros)

     

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