Mon compte
    Exclu : entretiens avec le casting de Red Dead Redemption 2, le Hit de Rockstar
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Sorti fin octobre 2018, "Red Dead Redemption 2" est un incroyable Western Open World naturaliste, qui fera date. Nous avons pu poser quelques questions en exclusivité aux acteurs qui ont donné vie à son extraordinaire galerie de personnages.

    C'est peu dire que la sortie de Red Dead Redemption 2, fin octobre 2018, a fait l'effet d'une déferlante dans le paysage vidéoludique toujours traditionnellement encombré en fin d'année à l'approche des fêtes. Incroyable et hypnotique Open World naturaliste, la dernière création du brillant studio Rockstar offre aux joueurs et joueuses une plongée dans l'univers du Western - un genre cinématographique par excellence- comme on en a jamais vu. Nous vous disions d'ailleurs tout le bien qu'on en pensait ici.

    Les chiffres entourant la création du titre donne d'ailleurs un peu le tournis : un développement de cinq ans, plus de 1000 personnes mobilisées pour la création de cet Open World, 500.000 lignes de dialogues, plus de 1000 rôles parlants, près de deux douzaines de rôles principaux... Une tâche d'une amplitude colossale. Mais gagnante. En trois jours post lancement, le jeu a généré plus de 750 millions $ de chiffre d'affaires, le classant à la deuxième place des meilleurs lancements de tous les temps, derrière GTA V, autre jeu de Rockstar Games.

    L'une des grandes forces du jeu, outre sa narration, réside dans sa galerie de personnages, particulièrement attachants et charismatiques. A l'invitation de Rockstar, nous avons eu l'opportunité de poser quelques questions en exclusivité pour la France à quatre talents qui ont donné vie à leurs personnages. Roger Clark, qui incarne le personnage principal Arthur Morgan; Benjamin Byron Davis, qui s'est glissé dans la peau du non moins formidable Dutch van der Linde, le chef de la bande (et acteur que l'on a pu voir dans le film Ant-Man et la Guêpe); la comédienne Alex McKenna (Preuve à l'appui; Dallas) qui incarne le magnifique personnage féminin Sadi Adler; et enfin Rob Wiethoff, qui a retrouvé après huit longues années les habits de John Marston, héros du premier Red Dead Redemption.

    Roger Clark, alias Arthur Morgan

    AlloCiné : Que saviez-vous à propos de votre personnage d'Arthur Morgan avant de prêter votre voix, et plus largement sur la série des jeux Red Dead Redemption ?

    Roger Clark : Très peu de choses en vérité. Les éléments reçus pour passer la première audition semblaient dresser le portrait d'une sorte d'assassin réticent, et j'ai interprété ça comme une lutte intérieure chez lui, un conflit moral qu'il a à propos de ses actes commis et souvent malveillants, et qu'il est obligé de commettre. On m'a aussi demandé d'adopter un accent américain [NDR : Roger Clark est né dans le New Jersey, aux Etats-Unis, mais a grandi en Irlande et en Grande-Bretagne] et de venir avec des bottes à l'audition. A partir de ces éléments, j'en ai déduit que je passais probablement une audition pour un western.

    En  ce qui concerne la série des jeux Red Dead, j'avais déjà joué au premier jeu, et j'avais adoré. J'ai toujours été un fan des jeux Rockstar, et je me souviens avoir été complètement soufflé de voir la complexité de la narration dans ce jeu, tout comme les nombreuses références cinématographiques au genre du Western. Lorsque vous jouez à ce jeu, vous mesurez à quel point le studio aime profondément les westerns.

    Le jeu a été en développement durant de très longues années, comporte une somme colossale de dialogues... Comment avez-vous travaillé avec Rockstar durant tout ce temps ?

    Ah oui, énormément de dialogues ! Typiquement, notre emploi du temps prévoyait 3 semaines de travail, du lundi au vendredi, et deux semaines OFF. Durant les trois semaines de travail, nous recevions nos dialogues toutes les semaines, et les apprenions en soirée ou chaque week end. Je dirai que la relation avec le studio a été à la fois collaborative, de confiance, et rassurante, et-ce sur une durée quand même hors norme. Mon implication a quand même durée 5 ans ! Des liens forts se sont même créés dans cet environnement bienveillant. Ma relation avec Rod Edge, le responsable chargé de la Performance Capture, a été une des plus productives que j'ai jamais eu dans l'ensemble de ma carrière artistique.

    Quel a été la première scène que vous avez enregistré et pouvez-vous nous en parler ? Comment vous êtes-vous glissé dans les habits de votre fantastique personnage ? Aviez-vous par exemple des références en tête ?

    Je crois que la première scène que j'ai doublé, je ramenais un cerf au personnage de Mr. Pearson [NDR : doublé par Jim Santangeli] avec Charles Smith [NDR : auquel Noshir Dalal prête sa voix].

    Une des premières scènes aussi que j'ai doublé, c'était la séquence où je "sauve" un membre de la bande, le révérend Swanson, d'une partie de poker [NDR : dans la 7e mission du jeu, intitulée "Celui qui n'est pas sans péché"]. Je me suis par exemple beaucoup inspiré du travail que faisait le grand Toshiro Mifune, l'acteur fétiche d'Akira Kurosawa, mais aussi de celui de John Wayne, avec son côté pince-sans rire. Pour l'aspect du conflit intérieur que traverse Arthur, je suis allé cherché l'inspiration du côté de westerns comme Impitoyable ou The Proposition. Dans Impitoyable, vous avez souvent justement ce conflit intérieur avant de passer au meurtre. Dans The Proposition, vous avez ce conflit d'être contraint de rompre une loyauté chère à votre coeur, mais qui est anéantie pour des raisons qui vous échappent.

    Rockstar

    Comment avez-vous fait pour traduire la santé de plus en plus déclinante d'Arthur dans le jeu ?

    J'ai beaucoup travaillé dessus. J'ai même fait des recherches sur la manière dont certaines maladies respiratoires affectaient certains patients, en particulier vers la fin de leurs vies. Mais trouver des enregistrements sonores de ce type d'affection, la tuberculose, s'est quand même révélé compliqué, notamment parce que c'est une maladie que l'on est capable de bien soigner de nos jours. Donc ca été dur de trouver des archives de personnes atteintes à un stade sévère de tuberculose. La prise de produits laitiers m'a souvent aidé à rendre mes cordes vocales plus marquées par la mucosité. Les glaires que j'avais m'ont donc permis de jouer avec certains sons, comme ceux où je tousse. Comme je l'ai dit plus haut, nous avons vraiment travaillé sur le très long terme. Du coup, dans ce lap de temps, on a aussi pu m'enregistrer dans les moments où j'étais vraiment malade et enrhumé !

    Quel est pour vous le souvenir le plus mémorable de cette expérience ?

    Houlà ! C'est tellement dur de n'en choisir qu'un seul ! Je ne suis pas sûr de pouvoir... Je me souviens d'un moment où nous nous sommes tous émerveillé en regardant une éclipse solaire partielle lors d'un déjeuner. A ce moment là, nous avions appris à bien nous connaître depuis plusieurs années, dans un contexte quotidien très spécifique. Pouvoir profiter de ce phénomène naturel, simplement, tous ensemble, me rappelle que notre amitié s'est forgée au fil des ans.

    Benjamin Byron Davis, alias Dutch van der Linde

    AlloCiné : Cela remonte maintenant à plusieurs années depuis l'époque où vous avez prêté pour la première fois votre voix au personnage de Dutch van der Linde. C'était facile pour vous de vous replonger dedans ? Ou aviez-vous besoin d'un truc pour vous mettre à nouveau en immersion ?

    Benjamin Byron Davis : Question intéressante. C'est vrai que ca faisait un sacré bout de temps ! Mon souci justement était de faire en sorte que les performances vocales soient totalement raccord entre les deux jeux. A bien des égards, la manière de parler de Dutch est éloignée de la mienne; donc j'ai dû me replonger dans notre travail original pour m'assurer d'avoir la même qualité. Je suis très critique vis-à-vis de mon travail, et je peux encore entendre certaines choses que nous avons enregistré au début qui ne sont pas pleinement satisfaisantes. Mais globalement, je pense que les deux performances collent bien ensemble ! Une autre chose aussi à laquelle je pense et qui a été très utile pour ce travail sur ce Prequel était le fait que j'ai arrêté de fumer entre Red Dead Redemption et sa suite. J'aime à croire que ca a aidé ma voix à retrouver une certaine jeunesse, ce qui n'aurait sans doute pas été le cas si je n'avais pas arrêté.

    Quelle était la première scène que vous avez enregistré ? Pouvez-vous nous en parler ?

    La première scène que j'ai faite n'était pas une scène en fait; mais un long monologue que Dutch balance à son gang. J'étais seul dans le studio d'enregistrement, juste accompagné par Rod Edge, le directeur responsable de la Performance Capture. C'était un discours assez long et j'étais assez bouleversé, pour être honnête. Il m'a fallu un peu de temps pour y arriver à la satisfaction de tout le monde; c'était le dialogue le plus long que j'ai jamais enregistré. Comme cela arrive parfois, cette séquence a finalement été retravaillée, puis coupée du jeu. Le discours que donne Dutch à son gang au tout début du jeu dans la zone de Colter est ce qui reste de cette séquence initialement plus longue, et ca été enregistré trois ou quatre ans après ! J'ai d'ailleurs été surpris de découvrir il y a quelques temps que vous pouvez trouver la partie coupée du discours que j'avais mémorisé. On le trouve au camp de départ, posé sur un tonneau, parmi les différentes notes de Dutch. J'étais très heureux de le retrouver, et heureux aussi de constater que ces mots merveilleux de l'équipe en charge de l'écriture des dialogues puissent finalement trouver leur place d'une manière ou d'une autre dans le jeu.

    Avez-vous travaillé en même temps que les autres acteurs, sur le même plateau ?

    Absolument. Rockstar abrite d'ailleurs une énorme scène, où moi et les autres acteurs jouions ensemble toutes nos scènes. L'équipe en charge des éléments "décoratifs" de plateau a fait en sorte de créer de vastes environnements au milieu desquels nous avons joué. Escaliers, bateaux, chevaux, des collines, paroi de falaise... Tout ce dont nous avions besoin était construit et / ou représenté à taille réelle. C'était extraordinaire de pouvoir arpenter le plateau et ses structures gigantesques au milieu desquelles nous jouions tous ensemble. On s'est ainsi habitué par exemple à monter et descendre de cheval et de chariot, bien que je détestais monter dans les chariots d'ailleurs. On est aussi devenu très bons avec nos armes !

    Je suis très heureux que vous me posiez cette question en fait, parce que beaucoup de gens parlent de nous uniquement comme des acteurs vocaux. "Acteurs vocaux" est d'ailleurs devenu une expression largement répandue dans l'industrie du jeu vidéo. Elle laisse entendre l'idée que nous nous contentions d'être assis dans une cabine, à éplucher et déclamer les textes. Or cette image est on ne peut plus éloignée de la réalité. Nous avons vraiment travaillé comme un casting global, jour après jour, année après année, et je pense que vous pouvez tout à fait sentir cette énergie et cette proximité dans le jeu. La Performance Capture, c'est quelque chose de très différent du pur travail de comédien de doublage; et j'apprécie, chaque fois que j'en ai l'opportunité, de faire la distinction entre les deux.

    Rockstar

    Le jeu a été en développement durant tellement d'années... Comment avez-vous travaillé avec Rockstar durant ce lap de temps ?

    Travailler avec Rockstar est un honneur. Ils ont élevé et réinventé la nature même du storytelling, depuis 20 ans. J'ai beaucoup travaillé dans les films, séries TV, ainsi qu'au théâtre, et je peux dire, sans aucune hésitation, qu'il n'y a rien de comparable à travailler pour Rockstar. Quand vous travaillez avec une société qui est prête à faire 20 prises dans le but de rendre parfait même des instants qu'on pense être mineurs, vous savez que vous travaillez dans un cadre unique. Cet attachement à la qualité et à leur exceptionnelle ambition est vraiment contagieux.

    Quant au processus de travail lui-même, on était sur un rythme de trois semaines de travail et deux semaines OFF. Le studio se trouvant à New York et moi vivant à Los Angeles, j'ai donc fait beaucoup d'allers-retours ! En ce qui me concerne, le planning a été parfois compliqué à gérer, parce que mes sessions étaient intercalées avec des tournages de films, dont Ant-Man et la Guêpe. Rockstar a été là-dessus généreux en me laissant assez d'espace pour pouvoir travailler sur ces opportunités en même temps, et je leur en suis très reconnaissant pour cela. Au-delà de ça, ce travail était un vrai challenge. Déjà parce qu'il était secret et que j'avais signé un NDA stipulant que je ne devais rien dire à quiconque; mais surtout parce que Dutch parle vraiment beaucoup !

    Quel a été le moment le plus mémorable de cette expérience ?

    Il y en a eu tellement... C'est presque impossible de choisir... Cela dit, un des moments inoubliables était justement ce que j'ai évoqué plus haut, avec le discours de Dutch à Colter lors du prologue, lorsque tout le gang est ensemble pour la première fois. Nous avons travaillé ensemble durant des années à ce moment là, et chacun d'entre nous s'était bien emparé de son personnage et de sa place dans l'histoire. On avait ce décor construit de Colter, site minier abandonné, dans lequel Curzon Dobell, qui joue le personnage de Hosea Matthews, entre, avant que tout le gang le suive à l'intérieur, apprend que Davy est mort, tandis qu'Arthur et Dutch partent à la recherche de Micah. Toute cette scène a été tournée en One Shot. Je suis pratiquement certain qu'il n'y a eu qu'une seule prise.

    Dans un autre medium, il aurait été impossible d'achever cette scène, de cette manière là, en une seule prise. Au théâtre, la mise en place aurait dû être très différente, afin de permettre aux spectateurs de tout voir. Devant une caméra, ca prendrait des jours pour couvrir tous les angles possibles de cette scène et d'assembler la séquence. En utilisant la Performance Capture, vous pouvez justement capturer la scène de haut en bas, sous toutes les coutures, avec tous les acteurs présents en même temps sur le plateau. L'énergie qui se dégage est manifeste, et Rod Edge pouvait bouger sa caméra virtuelle tout autour de la scène et couper où il le souhaitait, en passant d'un angle à un autre. J'adore cette scène, et le jour où on a tourné la séquence; parce qu'elle correspond à un moment où nous étions tous au sommet de ce qu'on pouvait donner pour nos personnages. Le travail des animateurs, des Sound Designers, des décorateurs et des effets de lumière et d'éclairage ont sublimé cet instant vraiment magique.

    En tant qu'acteur, vous évoluez naturellement entre le cinéma, les séries TV et le monde du théâtre. Faites-vous une différence avec votre travail dans les jeux vidéo ?

    Au bout du compte, le jeu d'acteur est le même, mais le processus de travail sur un jeu tel que Red Dead Redemption 2 est certainement différent sur beaucoup d'aspects. Lorsque vous tournez un film, cela prend des mois, pas des années, tandis que la sortie de l'oeuvre se fait à peu près l'année suivante. Un épisode de série TV, ce sont quelques jours de travail, si vous avez un rôle de Guest Star, et environ 6 mois si vous avez un rôle récurrent, sans compter que l'épisode en question est diffusé rapidement. Pour une pièce de théâtre, les répétitions peuvent se mesurer en semaines, parfois mois, mais ensuite elle est montée et jouée. J'ai commencé à travailler sur mes premières pages de script de Red Dead Redemption 2 fin 2013. Dutch est incontestablement le rôle le plus important que j'ai eu. Je pense que quelqu'un a dit qu'il avait quelque chose comme 9h d'éléments propres dans le jeu. Et personne n'a vu le résultat final, pas même moi, avant la diffusion de la toute première bande-annonce. A tout le moins, c'est quand même quelque chose de tout à fait inhabituel. Les deux films que j'ai fait alors que je travaillais sur RDR 2 avaient quant à eux déjà sorti leurs bande-annonces et étaient déjà en Blu-ray avant même que RDR 2 sorte !

    Alex McKenna, alias Sadi Adler

    Alex, comment avez-vous été impliquée dans l'aventure Red Dead Redemption 2 ?

    Alex McKenna : mes agents m'ont envoyé passer une audition pour un projet top secret, sans avoir reçu au préalable le script pour me préparer, jusqu'à ce que j'arrive sur place, ce qui est peu habituel lorsqu'on passe traditionnellement une audition. Puis j'ai reçu un coup de fil m'invitant à passer de nouveau une audition, et la semaine suivante, on m'a demandé de me rendre au siège de Rockstar. Ca été une vraie et belle surprise ! Pour être honnête, je n'ai pratiquement eu aucune idée en quoi le projet consistait pendant presque toute la première année !

    Que saviez-vous à propos de votre personnage, et plus largement de la série des jeux Red Dead ?

    J'avais entendu parler du jeu Red Dead Redemption et savais que c'était un western, mais je n'y avais jamais joué auparavant. Mais je suis fan de leur licence GTA; j'ai beaucoup joué à Vice City lorsque j'étais au lycée. Concernant mon personnage, Sadi Adler, je ne connaissais rien avant de travailler sur Red Dead Redemption 2. A chaque fois j'avais un script différent, ce qui m'a quand même permis de découvrir au fur et à mesure son histoire.

    C'est la première fois que vous travaillez sur un jeu vidéo. Comment s'est passé cette expérience ?

    C'est vrai, c'est ma première expérience dans ce domaine. C'est une idée assez fausse de croire qu'interpréter un rôle dans un jeu vidéo signifie juste être un acteur qui prête sa voix. Je n'avais moi-même aucune idée, dans plein de jeux vidéo, mais ceux de Rockstar en particulier, que le travail est entièrement fait en Performance Capture, qui demande bien plus qu'un "simple" travail vocal. Nous sommes donc sur scène, tous ensemble, à jouer nos scènes. Au fond, c'est une forme hybride de théâtre, de film et, franchement, de chorégraphies parfois très techniques ! Ca été un vrai bonheur de travailler avec tout le casting, équipe technique comprise.

    Vous jouez un personnage à la fois très touchant et puissant, commençant presque son histoire comme une demoiselle en détresse, et évoluant rapidement vers une tueuse capable d'une vraie brutalité, mais loin d'être une sans coeur. Sadi Adler est une sorte de Calamity Jane, mais très éloignée des stéréotypes. Partagez-vous ce point de vue ? Que pensez-vous de l'évolution de votre personnage ?

    Sadi Adler est le personnage de toute une vie. Je ne la vois pas vraiment comme une demoiselle en détresse au début du jeu; plutôt comme une femme qui a tout perdu. Et comme le phoenix, Sadi renaît de ses cendres et parvient à se bâtir une nouvelle vie. Vu l'époque à laquelle le jeu se déroule, Sadi est incroyablement progressiste. Elle veut travailler dur, être considérée comme l'égale des autres, et ne prend pas gentiment la remarque qu'elle est une femme sans défense, comme si sa condition féminine était un désavantage. J'aime d'ailleurs beaucoup une de ses répliques : "My Name is Sadie, Not Lady !"

    Rob Wiethoff, alias John Marston

    Cela fait très longtempe maintenant que vous avez incarné pour la première fois John Marston dans le premier jeu Red Dead Redemption. C'était facile de vous replonger dedans ? Ou aviez-vous besoin d'un truc pour vous immerger à nouveau ?

    Je ne crois pas avoir eu besoin de truc pour me remettre en condition, vraiment. J'ai juste eu besoin que Rod Edge me rappelle que j'étais supposé jouer un personnage, plutôt que de m'en tenir à réciter mes lignes de dialogues. Et, honnêtement, il a eu besoin de me le répéter plus d'une fois ! Quand vous passez un temps vraiment important sur un projet, comme ce que nous avions fait sur le premier jeu Red Dead Redemption et Undead Nightmare, il est plus facile d'éprouver ce sentiment que vous faites partie d'un groupe d'amis, plutôt qu'un groupe de travail. Quelle chance j'ai eu d'avoir cette opportunité de travailler avec des gens qui sont devenus de si bons amis !

    Une chose que j'ai apprise assez tôt était que John, dans ce jeu, ne savait pas exactement qui il était. Il était un jeune homme arrogant, qui pensait que le respect se gagnait simplement en allant voir la personne et lui demander : "je vous demande de me respecter !" Il n'a pas encore eu toutes ces leçons de vie qui feront de lui ce qu'il est dans le premier jeu. Tous ces éléments combinés faisait que j'avais l'impression de jouer presque entièrement un nouveau personnage. Bien sûr, j'avais ce luxe de déjà connaître son périple et son destin; je ne savais juste pas quels chemins il allait emprunter.

    Comparativement avec votre précédente expérience, qu'est-ce qui a changé pour vous dans Red Dead Redemption 2 ?

    L'une des différences était justement que je n'ai pas été casté pour jouer le personnage principal et jouable. Avec ce jeu pensé comme un Prequel, le témoin a été transmis à Roger. Ce qui signifie que j'ai pu voir et jouer avec quelqu'un qui a été assez chanceux pour endosser ce rôle pour Rockstar. Le travail de Roger parle pour lui-même. Il est, et sera toujours une inspiration et une personne de grande valeur avec qui travailler. Une autre différence était que le tournage de Red Dead Redemption s'est déroulé à Los Angeles, ville où je vivais à l'époque. J'étais alors célibataire, sans enfant, je travaillais dans un bar, et je me suis retrouvé sur un job vraiment cool, qui allait donner un coup de fouet à ma vie pendant trois semaines tous les deux mois, si je me souviens bien. Un mois après la sortie du jeu, ma femme et moi sommes retournés vivre dans l'Indiana, où j'ai grandi.

    Le travail que j'ai fait sur Undead Nightmare a commencé peu de temps après, mais presque toute la Motion Capture a été faite à New York. Après ça, j'ai donc travaillé sur Red Dead Redemption 2, alors que ma femme Tayler et moi élevions nos deux enfants jumeaux qui avaient presque deux ans et demi. Ils en ont désormais sept. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage à ma femme, pour avoir pu faire tout ce qu'il fallait pour gérer le quotidien toute seule, avec les enfants, tout en étant pour moi un énorme soutien dans mon travail, qui me tenait éloigné d'elle et des enfants.

    Rockstar

    Vous vous souvenez de la première scène que vous avez tourné ?

    Absolument. C'était une scène entre Arthur, John et Javier. Je ne sais pas trop ce que je peux en dire sans risquer de spoiler, donc je n'en dirai pas plus. Je dirai juste que, dans cette scène, Arthur récupère John et le met sur ses épaules. Et pour tourner cette séquence, ils n'ont pas utilisé de mannequin ! Roger m'a vraiment porté sur ses épaules. Je pèse 86 Kg, et nous avons dû faire plusieurs prises ! Inutile de préciser qu'il n'a pas apprécié autant que moi de travailler dans cette première scène avec moi sur le dos !

    Du côté joueur, on sent une forte alchimie entre les membres de la bande. Certains sont touchants, comme votre personnage, étant donné aussi que l'on sait déjà ce qu'il lui arrive dans le précédent jeu. Je me demandais si cette précieuse alchimie était aussi quelque chose de présent avec les autres acteurs durant votre travail sur RDR 2 ?

    Toutes les personnes avec qui j'ai travaillé étaient vraiment formidables. En ce qui concerne les acteurs, je pense qu'ils ont fait un sensationnel travail. Cette alchimie dont vous parlez, qui transparaît tout au long de l'aventure, est dûe au fait que nous avons passé tellement de temps ensemble au fil des ans ! Nous partagions tous une haute estime de ce que nous faisions, et avons développé des relations de confiances profondes, qui n'auraient sans doute pas été possibles d'obtenir sans justement ce lap de temps nécessaire pour en mesurer son importance.

    J'ignore si cela se fera un jour, mais j'adorerai vraiment pouvoir revivre une telle expérience, avec tout le monde. Je peux déjà imaginer une pièce très bruyante, pleine de rires, d'émotions et de joie de vivre... Et probablement aussi un peu de spéculation à propos du job sur lequel on travaillerait tous ensemble. En fait, nous avons même créé une boucle de mails, qui bouge pas mal ! C'est toujours fun lorsque quelqu'un rentre à fond dedans !

    Quel a été pour vous le moment le plus mémorable de cette expérience sur RDR 2 ?

    Mon souvenir le plus mémorable reste la fin de cette aventure. J'ai profité de tout, mais j'ai partagé un moment avec Rod Edge, le responsable de la Performance Capture, lorsque nous avons terminé pour la dernière fois notre session de capture; un moment que je n'oublierai jamais. Il y avait toute cette émotion palpable teintée d'amertume et de nostalgie, au bout d'une longue aventure qui touchait au but. Rod a, sans aucun doute, fait de moi une meilleure personne. Il a été mon réalisateur, mon professeur, et mon ami, tout au long de ce voyage. Je ne pourrai jamais exprimer toute ma gratitude envers Rockstar, pour tout ce qu'ils m'ont donné en terme de travail, de bonheur, et de bienveillance envers moi et mon cheminement existentiel. Toute cette positivité qui les a accompagné depuis qu'ils m'ont engagé et m'a permis de vivre cette expérience est appréciée au-delà même de ce qu'ils peuvent imaginer. Je leur en suis infiniment reconnaissant.

    Propos recueillis le 24 janvier 2019

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Sur le même sujet
    • Red Dead Redemption II : la bande-annonce de lancement
    • Red Dead Redemption 2 ramasse 725 millions $ le week end de son lancement
    • Red Dead Redemption 2, éloge de la lenteur et sublime récit mélancolique
    Commentaires
    Back to Top