Six ans après Un Chateau en Italie, Valeria Bruni Tedeschi signe son 4ème long métrage de fiction pour le cinéma. Entre temps, on a pu découvrir deux autres réalisations de la comédienne, l'une pour la télévision avec Les Trois Soeurs, adapté de Tchekhov pour Arte, et son premier documentaire pour la télévision également, présenté dans plusieurs festivals, Une jeune fille de 90 ans, coréalisé avec Yann Coridian.
Avec Les Estivants, dont le point de départ lui a justement été inspiré par Les Estivants de Gorki, Valeria Bruni Tedeschi signe un film réunissant de nombreux personnages, rassemblés pour l'été dans une grande propriété sur la Côte d’Azur.
Lors d'une des toutes premières projections publiques du film, cet automne, au Festival de La Roche sur Yon, et à laquelle AlloCiné était présente, Valeria Bruni Tedeschi est revenu sur ce qui a déclenché son envie de faire ce nouveau film :
"Mon premier mouvement pour faire ce film, ça a été de raconter cette douleur [de la séparation] et ce que cette douleur pouvait engendrer. La douleur peut parfois engendrer des choses drôles. Mais en tout cas, cela a été ma nécessité. Il y a toujours une nécessité première quand on fait un film. (...)"
Et de poursuivre : "Un autre besoin, par rapport à mes autres films -qui venait peut être des Trois sœurs que j'avais adapté quelques années avant [pour la chaine Arte] et qui a été une expérience vraiment très importante pour moi- était l'envie de parler de plein de gens. Pas seulement d'avoir, comme dans mes autres films, un personnage principal, mais d'avoir vraiment beaucoup de gens et le défi de parler de tout le monde. De parler vraiment de tout le monde. C'était un défi très réjouissant au début et après plus difficile à relever.
Ce qui m'intéressait aussi, c'était l'histoire de l'autofiction, poursuit la comédienne. J'ai eu plein de problèmes dans les autres films avec des questions sur l'autofiction, sur des gens autour de moi embêtés, blessés ou en colère que je fasse des films en parlant d'eux. Là, j'ai eu envie de mettre les pieds dans le plat et de vraiment parler de ça. De parler d'une femme qui voulait faire un film et de gens autour d'elle qui ne voulaient pas. Et surtout de quelqu'un qui est mort qui ne voulait pas, ce qui est encore plus difficile. L'interdiction est encore plus grave."
Dans le dossier de presse du film, Valeria Bruni Tedeschi développe justement cet aspect autofiction, question récurrente de son oeuvre. La cinéaste préfère parler "d’autobiographie imaginaire". "Ces deux termes peuvent paraître contradictoires, je le sais : c’est justement leur alliance et leur tension, la contradiction qu’ils créent l’un avec l’autre, qui m’intéresse. C’est une « autobiographie inventée ».
Avec Les Estivants comme avec mes autres films j’ai essayé de donner un sens à ma vie et de tendre un fil dans le temps. Le cinéma me permet de remettre de l’ordre dans les évènements fondateurs et décisifs de mon existence. Mais il ne s’agit pas que de moi, c’est aussi le monde autour de moi que je raconte. Ma « vie de cinéma » donne du sens à ma vie en général. Cette dernière m’est souvent incompréhensible, elle manque de sens. Cela m’angoisse. Une vie de cinéma donne un peu de sens, de lumière à la confusion, de voix à la douleur. Elle fait que les gens qui nous quittent peuvent revenir, que les morts peuvent être convoqués, que les souvenirs resurgissent", confie-t-elle.
La bande-annonce de Les Estivants :
Propos recueillis lors de la projection en avant-première des Estivants au Festival de La Roche sur Yon 2018