A priori, il n’y avait rien qui distinguait New Amsterdam d’une série médicale lambda. C’était déjà la réflexion après la vision du premier épisode, que dire de plus dans un paysage télévisuel bien encombré ? Pourtant, après neuf épisodes, elle se distingue par son ton et le traitement autour du rapport entre médecin et patients/maladie.
C’est Thomas Lilti qui le disait au lancement de sa série Hippocrate : l’hôpital est un formidable espace dramatique car il réunit la vie et la mort au même endroit. Dans un établissement médical, tout se joue ou presque. C’est peut-être pour cette raison que le personnage principal, Max Goodwin, porte en lui cette ambivalence. A sa future paternité dans une situation amoureuse un peu compliquée, s’ajoute la menace de son cancer. La vie et la mort. Et si l’auteur français a choisi d’aller à rebours des conventions en peignant un hôpital froid, terne, cru, sous-équipé, New Amsterdam décide d’injecter de l’idéalisme dans le milieu cynique de la santé.
New Amsterdam ou Goodwin ?
Les grandes séries médicales portent-elles toujours le nom de son hôpital ou d’un service ? St Elsewhere, Urgences ou Chicago Hope figurent parmi les meilleurs exemples. C’est surtout une façon de ne pas se limiter aux personnages. Si la série s’appelle New Amsterdam, c’est pour montrer que le protagoniste vedette est davantage l’hôpital, que ses médecins. Dans l’épisode 5 « Cavitation », Max ne cesse d’haranguer le journaliste, venu réaliser un reportage, à raconter la « bonne histoire ». Une façon de révéler aux spectateurs les intentions de la série : raconter la bonne histoire, c’est affirmer que ce ne sont pas les médecins qui font l’hôpital (ou la série), mais les patients.
New Amsterdam est à l’image de nos sociétés : un immense champ de bataille où tout serait presque à réinventer. Max Goodwin agit comme un élément perturbateur, un empêcheur de tourner en rond. Sa méthode consiste à tout réinventer, à redonner du sens à la pratique médicale, à penser davantage aux patients qu’aux profits. Un idéalisme qui surfe sur la vague emmenée par Jack Pearson de This is us. Ils partagent une même bienveillance et beaucoup d’altruisme. Bien sûr, la série charge un peu la mule avec son personnage. Imaginez le directeur de l’un des plus grands hôpitaux de New York, virer la moitié de ses directeurs de services jugés trop cupides ; ou commencer sa journée au sous-sol avec le personnel chargé de l’entretien ; ou fuir son bureau où il est censé piloter l’établissement pour se retrouver au coeur de la mêlée, à accueillir les patients et supporter ses docteurs. Enfin imaginez ce responsable être bientôt père et atteint d’un cancer. C’est presque un peu trop pour un seul homme.
Une série à la bonne hauteur
Malgré ce qui aurait pu devenir un Goodwin Show, la série va trouver l’équilibre, notamment par l’utilisation de cas médicaux qui permettent des enjeux sociétaux ou dramatiques. Comment annoncer à un enfant que son cancer va le tuer ? Comment traiter un jeune garçon hyper-médicamenté ayant des pulsions violentes ? A des sujets simples mais difficiles, la série va trouver la bonne distance, la bonne hauteur de vue. Émouvante sans excès, éthique sans être moralisatrice, New Amsterdam saute par dessus les obstacles. Elle raconte beaucoup en disant peu et offre des moments d’une rare intensité.
Mais dans ce récit choral, tout le monde ne bénéficie pas d’un traitement égal. C’est peut-être la limite principale de la série. Si certains jouissent de beaux arcs narratifs (Max Goodwin, Helen Sharpe, Vijay Kapoor ou Iggy Frome - formidable Tyler Labine), d’autres pédalent pour tenter d’être à la hauteur (la paire Bloom / Reynolds). New Amsterdam devra leur trouver des choses autrement plus intéressantes que des embryons d’intrigues déjà-vues et peu engageantes. Peut-être leur manque-t-il de bons patients pour les révéler. Parce qu’après tout, ce sont eux qui font l’hôpital, eux qui font l’histoire.