Suite au mouvement #MeToo qui a émergé de l'affaire Weinstein, bon nombre d'actrices américaines ont pris la parole pour dénoncer le tabou autour du harcèlement systémique qui règne dans l'industrie du cinéma. Cependant, peu de voix ont osé s'élever dans l'Hexagone, malgré des accusations portées à l'encontre de Luc Besson et d'Adbellatif Kechiche, et les rares témoignages d'actrices comme Léa Seydoux ou Sara Forestier dans la continuité des témoignages à charge contre Harvey Weinstein, et aucune n'a osé mettre directement en cause une personnalité française.
Karin Viard, connue pour son franc-parler, sera bientôt à l'affiche du film Les Chatouilles, qui traite de la difficulté de se reconstruire suite à des abus sexuels. Est-ce l'expérience du film, associée au contexte de libération de la parole des victimes, qui l'a décidée à parler à son tour ? Quoi qu'il en soit, la comédienne a confié au magazine Gala qu'elle avait été elle aussi victime de prédateurs sexuels au début de sa carrière, qui ont profité de sa naïveté et de son manque d'expérience : "J’étais une oie blanche, j’avais une certaine naïveté, une sorte de candeur. N’ayant pas été élevée par mes parents, je n’avais jamais été regardée par mon père par exemple, je ne me suis jamais vue comme quelqu’un capable de susciter le désir."
Selon elle, cette lacune dans son éducation l'a rendue vulnérable face aux hommes. "Je suis tombée sur des prédateurs sexuels qui ont anesthésié mes sensations, et j’ai préféré “passer à la casserole” plutôt que de me rebeller parce que ça me paraissait plus simple. C’est vous dire à quel point je reviens de loin !"
Je suis tombée sur des prédateurs sexuels qui ont anesthésié mes sensations, et j’ai préféré “passer à la casserole” plutôt que de me rebeller parce que ça me paraissait plus simple
Sans nommer ses agresseurs, la comédienne explique avoir pris conscience de l'ampleur des faits au moment de l'affaire Weinstein, et de la nécessité d'instaurer du dialogue autour de ce sujet aujourd'hui avec les générations futures, à commencer par ses propres enfants : "Avant cette affaire-là, je n’avais pas pris conscience qu’il y a des gens qui portent en effet en eux l’ADN du prédateur, bien que j’aie dit à mes filles “méfiez-vous, il y a des hommes qui… tout ça, ça s’apprend.”"
Le cinéma français n'a pas encore été ébranlé par le mouvement #MeToo ; ce témoignage d'une actrice aussi populaire permettra-t-il d'ouvrir la voie à une véritable prise de parole ?